dimanche 9 novembre 2025

Clichy

A priori je pensais que les Jours tranquilles à Clichy, de Henry Miller, me plairaient, car depuis longtemps ce joli titre m’attirait, sans savoir ce qu’il recouvrait, mais j’ai été déçu en lisant le texte original trouvé dans une boite, Quiet days in Clichy (New York : Grove Press, 1987). Ce petit roman autobiographique raconte la vie de bohème que mènent deux amis, le narrateur américain Joey, double de l’auteur, et son ami tchèque Carl, dans le quartier de la place Clichy, à Paris, au début des années 30 (le livre aurait été écrit en 1940 et récrit au moment de sa première publication en 1956). Carl est journaliste et on ne sait trop de quoi vit Joey, qui ne travaille pas. Les deux sont colocataires et tirent le diable par la queue, mais trouvent les moyens de se consacrer à leur passe-temps principal, qui est de fréquenter des prostituées. Malgré le point de vue anti-bourgeois évident, le livre est une publicité involontaire pour la société capitaliste, permettant de vivoter ainsi une assez belle vie en ne foutant pas grand chose. Le tableau moral n’est pas reluisant, surtout au regard des exigences d’aujourd’hui. Les deux lascars n’ont pas l’air trop gênés par le mensonge, l’escroquerie, le mépris des putes simplettes, et parfois mineures, dont ils abusent, enfin la promiscuité (ils se disent insouciants des maladies vénériennes), et la crasse (le narrateur peut manger une tranche de pain piétinée par terre, et s’amuse à pisser dans la baignoire où il barbote avec deux filles). Il existe un bizarre contraste entre cette indolence éthique et un soudain accès d’intransigeance, quand ils injurient copieusement un cafetier antisémite, lors d’une excursion au Luxembourg. La chaude-pisse d’accord, mais l’antisémitisme non ! Il y a je trouve une incohérence entre une des scènes, où le narrateur affamé se dit prêt à tout pour une bouchée de pain, et celle où il explique savoir entre les pages de quel livre son camarade planque des économies. Il y a quand même çà et là de bons passages, mais dans les dernières pages le récit tourne au grand guignol fantasmatique, si bien que la meilleure qualité du livre est sa brièveté, moins de cent pages.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire