J’ai lu avec méfiance mais somme toute avec plaisir un petit livre de boite, qui j’avoue m’attirait surtout par sa minceur, dans les trente pages, Le jeune homme, d’Annie Ernaux (Gallimard, 2022). Elle y raconte la liaison qu’elle a eue pendant quelques années avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle (elle a cinquante-quatre ans quand il en a vingt-cinq). Le style est agréablement limpide, les choses sont bien dites, même s’il traine deux trois phrases balourdes. Le jouvenceau est étudiant, on ne sait en quoi. Il n’a pas l’air très intello, il est fan des Guignols de Canal+ et de football, et ses quelques propos rapportés ne sont pas bien éloquents. Mais il a peut-être l’outil parfait. La relation semble avoir été surtout charnelle. Annie n’entre pas dans les détails mais on sent qu’elle n’a pas pris la poussière. Comme il est miséreux et elle parvenue, elle l’entretient gentiment, lui paye des voyages en Italie et en Espagne. Il y a nombre de notations psychologiques bien vues. Mais comme Annie est de gauche, elle ne peut s’empêcher de militer. Elle tient à ne pas cacher au public la nature de ses rapports avec le jeune homme, et veut au contraire qu’ils s’affichent par «défi pour changer les conventions». Hum. Pour en juger on aimerait savoir en quoi consistent au juste ces démonstrations explicites, et quelle est réellement la nature des réactions muettes du public. Ne prend-elle pas pour de la réprobation ce qui n’est qu’étonnement vis-à-vis d’une disparité d’âge certes légitime entre personnes consentantes, mais statistiquement rare et d’avenir incertain. La question du futur, en effet problématique, Annie la règle en annonçant dans les dernières pages qu’elle met fin à la relation. Elle explique qu’elle écrivait alors un livre à propos d’un avortement subi dans sa jeunesse, et qu’à mesure qu’approchait la fin de la rédaction, elle éprouvait le besoin d’expulser le jeunot de sa vie comme elle avait jadis expulsé l’avorton de ses entrailles. Ce parallèle m’a semblé lui aussi d’un goût douteux. Mais enfin le récit n’est pas sans charme, ni sans intérêt.
L’ancien amant a récemment sorti un livre pour régler ses comptes avec Ernaux. Je le trouve gonflé. Rien ne l’obligeait à coucher et à se faire entretenir par cette vieille dame célèbre. Moi à son âge je ne pouvais pas me permettre de beaux voyages à l’étranger parce que je sortais avec des jeunes filles sans le sou.
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