J’ai lu avec intérêt l’ouvrage de Roland Courtinat sur La piraterie barbaresque en Méditerranée : XVIe-XIXe siècle (Editions Jacques Gandini, Nice, 2003). A vrai dire il y a eu de la piraterie un peu partout depuis que la navigation existe, mais le livre porte presque uniquement sur Alger, restée la seule base permanente et irréductible de piraterie pendant toute cette période, correspondant à la régence turque de la ville. La piraterie était d’ailleurs la seule source de revenus d’Alger, dont l’économie était entièrement parasitaire. L’auteur distingue les purs pirates des corsaires, la course étant une piraterie officielle et légale au service d’un état, et la piraterie une activité de hors-la-loi. Dans le cas des Barbaresques nord-africains, elle ajoutait au vol des embarcations et des cargaisons la réduction en esclavage des personnes : esclavage sexuel pour les femmes, qui n’en revenaient jamais, enrôlement des enfants dans les troupes de janissaires, travaux forcés pour les hommes, aux bagnes ou aux galères (j’apprends en l’occurrence la parenté des mots bain et bagne, un bagne italien ayant été jadis bâti sur d’anciens bains). La piraterie barbaresque ajoutait aussi aux exactions en mer des razzias à terre sur les côtes espagnoles, françaises et italiennes. Cette piraterie fut un des aspects de l’affrontement entre chrétienté et islam, avec des ambiguïtés, puisque nombre de pirates ne furent que des renégats chrétiens ayant changé de camp, certains forcés par le destin, d’autres par goût de l’aventure, dont le célèbre Barberousse. Après avoir bien fait chier toute la Méditerranée occidentale pendant plus de trois siècles, Alger a fini par subir les conséquences de l’évolution progressive du rapport de force en faveur des Européens, et c’est ainsi qu’en 1830 les Français ont fini par appliquer le seul moyen d’avoir la paix avec cette ville, qui était d’en prendre le contrôle. Peuple bricoleur, les Français ont ensuite eu l’idée de créer autour un nouveau pays, l’Algérie, dont le nom n’apparait qu’en 1834. Etait-ce bien nécessaire ?
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