A la fin de l’année dernière, au bois de la Rigeasse, un coup de vent a fait tomber un vieil arbre. A vrai dire c’était un orme déjà mort sur pied depuis des années, qui n’avait pratiquement plus ni branches, ni écorce. Restait un gros bâton long de quatre mètres, épais de quinze à vingt centimètres. Ce bout de bois tombé dans le passage me dérangeait mais j’étais incapable de le scier ou seulement de le déplacer. Je n’avais plus embauché de bûcheron depuis des années, et ceux auxquels j’avais déjà eu recours étaient tous partis ailleurs entre temps. En cherchant un peu j’ai trouvé un gentilhomme du village, qui voulait bien me rendre service. Pour la modique somme d’un billet bleu, il a promptement débité le tronc en bûches de cinquante, puis il a travaillé une petite heure à tronçonner d’autres arbres morts dans la même parcelle. Il oeuvrait si vite et bien que je l’ai réembauché quelques jours plus tard pour en faire autant dans un autre bois. Ensuite pendant quelque temps cet hiver mes promenades quotidiennes ont eu pour but de ramasser peu à peu toutes les bûches restées éparpillées sur le sol, pour les rapporter chez moi, un panier chaque fois. J’ai ajouté le menu bois à mes réserves et j’ai créé une pile à part avec les plus belles bûches. Il y en avait une quinzaine de trop belles, qu’il fallait refendre au moins en deux. La plus grosse, je l’ai refendue en cinq. Ce bois est sec de sève depuis des années, il sera sec d’eau en quelques semaines, il brûlera dès l’an prochain. Je ne coupe pratiquement, ou je ne fais couper s’il est trop gros pour mes scies, que du bois ainsi déjà mort et bien sec, qui pourra brûler sans tarder. J’évite autant que possible mais je suis parfois obligé de couper du bois vert, le bois philosophique qu’il faut mettre à sécher au moins deux ans, le bois dont on se demande si on sera encore là pour le brûler le moment venu. Dans ces piles de bois vert, pour me souvenir de leur âge, je trace le millésime au marqueur sur au moins une des bûches. Les deux derniers chiffres suffisent, comme 25 pour cette année, il ne saurait s’agir de 1925. Je m’arrange comme ça.
Photo : à droite une pile de bois vert, avec une bûche millésimée, à gauche des bûches de vieil orme.
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