samedi 31 mai 2025

Robinson

    A la sortie de Saint-Jean d'Angély en direction de Niort, la route file droit vers le nord en suivant une première pente, au bas de laquelle on croise la voie ferrée, puis elle remonte, puis elle suit une deuxième pente, plus longue, avant de remonter vers Saint-Denis du Pin et au-delà vers mon propre village. Au bas de cette deuxième pente on voit à main droite un bois isolé au milieu des champs, à une vingtaine de mètres du bas-côté. Je passe souvent par là en voiture et depuis longtemps j’ai remarqué à distance que ce bois n’est pas touffu comme un bois naturel, mais parait éclairci comme un parc entretenu. En hiver, quand le feuillage se raréfie, on y distingue même quelques signes de présence humaine : la silhouette d’une petite maison, d’autres installations plus discrètes, peut-être des bûchers. Au fil du temps je me suis interrogé sur ce qui s’y trouvait au juste. J’imaginais qu’il pouvait y avoir là une petite famille, peut-être un homme seul, confortablement installé avec poulailler, ruches, puits et barbecue. Par-devers moi je me suis mis à nommer cet endroit le bois de Robinson, mais je ne prenais jamais la peine d’aller voir de quoi il retournait : ce n’était pas le moment, je n’avais pas le temps, j’ignorais le chemin à suivre pour y accéder ou du moins m’en approcher, et puis une fois sur place, si je tombais sur quelqu’un, aurais-je pas l’air d’un intrus… Je dois dire que je portais à ce bois une curiosité certes renouvelée mais toujours éphémère, j’y songeais en passant au volant de mon char, et j’oubliais aussitôt en m’éloignant. Il y a quelques semaines, cependant, réalisant qu’il y avait peut-être un quart de siècle que je me posais des questions sur ce bois mystérieux, je décidai d’en avoir le coeur net. Un beau jour je quittai la grand route par la première voie secondaire qui se présentait, suivis un chemin de contournement, trouvai une place où parquer ma voiture et pris un sentier à travers champs. Je fus bientôt arrivé mais ne pénétrai pas dans le terrain, qui était enclos, et je compris aussitôt qu’il était délaissé. On voyait en effet là une maisonnette, quelques traces d’occupation humaine, mais à part ça plus rien ni personne. Il y avait sans doute eu de la vie dans ces lieux, mais elle avait cédé la place à l’abandon. J’en étais un peu déçu, quoique satisfait de savoir maintenant à quoi m’en tenir. Un peu amusé, aussi, de voir comme nos rêveries peuvent s’accrocher à des chimères…

vendredi 30 mai 2025

Andalousie

Il y avait trois ans que je n’avais pas publié de livrette et cela ne pouvait durer. J’ai préparé cet hiver celle que je viens de faire imprimer en cent exemplaires, la réédition d’un petit récit de Voyage de Jean Mocquet en Andalousie (1614-1615). Grand voyageur, dont j’avais déjà republié en 2016 le périple en Guyane et aux Caraïbes, Mocquet raconte ici ce que fut son étrange sixième et dernier voyage. Il aurait voulu que ce soit le plus grand, faire le tour du monde, mais il ne réussit pas à aller plus loin qu’en Espagne, où il passe un an en allées et venues entre Sanlúcar, Séville, Cadix et d’autres localités de la contrée, sans parvenir à embarquer pour l’outre-mer. Voyage raté, ou avorté, mais aventure tout de même : rencontres inattendues, parfois malencontreuses, parfois providentielles, moments difficiles où l’on tire le diable par la queue et couche à la belle étoile… Le récit de ces tribulations fait souvent penser aux anti-héros des romans picaresques. Dans cette brochure de 28 pages au format A5 archétypique, je présente le texte en version légèrement modernisée (orthographe et syntaxe), juste ce qu’il faut pour en faciliter la lecture aujourd’hui. J’ai doté le document d’une introduction, de 72 notes explicatives en bas de pages, et de quelques annexes : index des noms de personnes, index des noms de lieux, chronologie-itinéraire et carte de la région. La couverture est en bristol jaune «Sevilla intense» ! Aux personnes qui souhaiteraient acquérir cet ouvrage (et m'aider ainsi à rembourser mes frais) je le vends pour le prix d’un doublon, soit deux euros. Pour la vente par correspondance, les dures lois du tarif postal m’obligent hélas à y ajouter 2,78 euros d’affranchissement… Paiement par chèque, liquide, timbres ou virement, à Philippe Billé, 20 rue de l'Amitié, 17330 La Croix-Comtesse.


jeudi 29 mai 2025

circoncision

Autant les bédés plus connues de Riad Sattouf, comme L’Arabe du futur, se trouvent pratiquement dans toutes les bibliothèques publiques, autant son Ma circoncision (Bréal Jeunesse, 2004) est difficile à trouver, peut-être à cause du sujet scabreux. Je viens enfin de réussir à m’en faire prêter un exemplaire par la Médiathèque départementale, via la bibli de Villeneuve la Comtesse. Il ne s’agit pas vraiment d’une bande dessinée mais d’un livre de moyen format, d’une centaine de pages non numérotées, présentant des dessins sans cases, avec les dialogues manuscrits dans des bulles, et la narration en texte imprimé (conception graphique par J-C Menu, indique-t-on). Cela raconte la triste histoire des circonstances dans lesquelles l’auteur, en Syrie quand il était âgé de huit ans, a été obligé par son père musulman (la mère bretonne est alors absente) à subir une circoncision artisanale. Le père se révèle non seulement impitoyable mais en outre déloyal, ne tenant pas sa promesse d’acheter à l’enfant un grand Goldorak pour le consoler. Au-delà de la mutilation sexuelle traumatisante, le récit dénonce le climat général de brutalité dans lequel étaient (sont peut-être encore) élevés les petits Syriens, entre les châtiments corporels sadiques infligés à l’école et la haine systématique envers les Juifs. Cela se lit vite mais ne doit pas s’oublier de sitôt.

(Si cela peut intéresser mes lecteurs des environs : le livre restera disponible à la bibli de Villeneuve pendant environ trois mois.)

mercredi 28 mai 2025

orientation

    Alexandrin facétieux, entendu ici et là : Quand tu es face au nord, tu as le sudoku.

mardi 27 mai 2025

Madrid 3

Le jeudi 22, au Reina Sofía. Devant l’entrée, rencontre-surprise avec Guillaume H, un jeune historien que nous avions bien connu à la fac, et qui s’est trouvé juste derrière nous dans la file d’attente. A l’extérieur du musée se dresse une sculpture, comme un grand totem tout en hauteur. C'est parait-il la réplique d'une oeuvre conçue par un certain Alberto Sánchez en 1937, et elle porte un titre ampoulé, Le peuple espagnol a un chemin qui conduit à une étoile, mais je lui trouvais fière allure. Il y a au centre du musée un beau grand cloitre, enlaidi par quelques sculptures moches. Le Reina Sofía est un musée d’art contemporain où il semble que les gens viennent principalement pour voir l’inévitable Guernica de Picasso. Au Prado le public est maintenu à quelque distance des tableaux par un fil tendu à hauteur du genou, au Thyssen on se contente élégamment d’un trait tracé au sol, mais au Reina, musée de gauche, il n’y a plus rien, ni trait ni fil, sauf bien sûr devant le Guernica, oeuvre sacro-sainte. Elle avait l’air de plaire aux écoliers, qui reconnaissent dans ses formes simples ici une tête de vache, ici une de cheval, là un bonhomme vautré avec des gros pieds. Pour ma part elle ne m’a jamais emballé, non plus que le personnage de l’auteur, révolutionnaire en robe de chambre, bien installé en France où il n’était guère en danger, et pouvait s’employer à guerniquer tranquillo. Mais ne commençons pas à persifler. Dans ce musée nous avons visité hâtivement les collections permanentes et deux des expositions temporaires, une de Laia Estruch qui ne m’a pas du tout plu, genre gros boudins gonflés et bruits de vrombissement, l’autre de l’artiste libanaise Huguette Caland, que j’ai trouvée très intéressante. Nous ne restâmes que deux heures dans le musée, puis nous prîmes un bon déjeuner de pintxos au petit restaurant basque Sukaldea Atotxa, rue du Doctor Drumen, où je mangeai pour la première fois me semble-t-il des pibales. L’après-midi nous gagnâmes en métro la station Príncipe Pío, pour une virée dans l’ouest de la ville, qui m’a un peu déçu. Je me faisais une idée romantique de rues citées dans un bon passage du Lazarillo español de Ciro Bayo, que j’avais traduit jadis (Ld 491). Mais la Cuesta de San Vicente n’est plus qu’une autoroute urbaine, et le Paseo de la Florida une grande avenue sans grâce, bordée de cités énormes, et au bout de laquelle nous trouvâmes l’ermitage de San Antonio de la Florida lui aussi fermé pour travaux. Quant au Manzanares, qui passe non loin de là, c’est une petite rivière chétive, où il y a plus de terre, bancs et iles, que d’eau (un plaisantin a dit un jour qu’elle était navigable en voiture et à cheval). Charmante cependant, et je m’y fusse volontiers trempé les pieds, mais sur les quelques hectomètres où nous la longeâmes, elle était encaissée entre de hauts murs, sans passage pour y descendre. C’est je crois cet après-midi-là (ou la veille) que dans un métro bondé j’ai senti distinctement un doigt qui s’enfonçait dans la poche arrière de mon pantalon, là où se trouvait ma petite liasse de billets pliés en deux. J’y portai aussitôt la main, le doigt disparut, et la personne à qui il me semblait appartenir, une jeune femme à l’air sérieux, tout de noir vêtue, regardait calmement ailleurs. Revenus en ville, nous revisitâmes la belle Plaza Mayor et la chocolaterie San Ginés. Le soir, dîner médiocre au Tapa Café (ce nom aurait dû nous alerter) rue Saint-Jérôme.
    Nous devions repartir le lendemain matin. Ainsi s’achevait ce bref séjour, qui dans l’ensemble fut agréable. Notre rue portait donc le nom de saint Jérôme, et par coïncidence nous avons vu ce personnage souvent représenté dans les peintures anciennes. Notre voyage était ainsi placé sous le signe du saint patron des traducteurs, ce qui n’était pas pour me déplaire. Parmi mes regrets, peut-être celui de n’avoir pas vu plus de vitraux : nous n’avons pas recherché les églises, mais toutes celles que nous avons trouvées étaient fermées, sauf les deux cathédrales... La plupart des gens à qui nous avons eu affaire étaient bien aimables. Mention spéciale à la petite Latinette qui a eu la charité de m’offrir sa place assise, dans un métro.

lundi 26 mai 2025

Madrid 2

Le mardi 20 mai, nous commençâmes donc la journée en allant arpenter le Prado pendant trois heures (10 h - 13 h). C’est épuisant. Depuis longtemps je considère qu’il n’y aurait rien d’exagéré à inscrire la visite des grands musées (et celui-ci est immense) parmi les disciplines olympiques. Personnellement je suis peu friand de ce sport, mais enfin nous y sacrifiâmes et il aurait été dommage de ne pas profiter de l’occasion de contempler enfin l’aspect réel d’oeuvres célèbres, dont nous ne connaissions que des reproductions, et de découvrir une foule d’oeuvres inconnues. Le Prado est si vaste et ses salles sont si bizarrement agencées qu’il est à peu près impossible de ne pas en rater quelques unes, mais de toute façon au bout de trois heures de trek nous n’aurions pas eu la force d’en voir plus. Ce musée présente des peintures et des sculptures datant de la fin du Moyen Age au XIXe siècle, ou au tout début du XXe. Il y a bizarrement un unique Picasso présenté parmi des peintures plus anciennes, étaient-ce des Vélasquez ? Il y a d’importantes collections de Vélasquez, de Goya, de Poussin, de Bosch et des Brueghel. L’excellent état de conservation des peintures m’a étonné, les Bosch en particulier sont pimpants. Je ne suis pas fan de Rubens mais j’ai aimé la série de cinq tableaux horizontaux qu’il a composée avec Jan Brueghel l’Ancien sur le thème des cinq sens, j’aurais voulu avoir le temps de les examiner plus en détail. Parmi les bonnes surprises, des Chicos en la playa de Sorolla, un magnifique Lion de Rosa Bonheur, et la découverte des belles peintures de Joachim Patinir. Dans l’après-midi nous allâmes par la rue d’Alcalá voir l’immeuble Metropolis et plus loin l’immense palais de Cibeles, puis nous rentrâmes par la Gran Vía et le Callao. Excellent dîner de poulet grillé au Gaucho, parrilla argentina desde 1989, juste à côté de l’hôtel.

    Le mercredi 21 mai, trek de deux heures et demie au musée Thyssen-Bornemisza. Il présente comme le Prado des peintures anciennes mais aussi beaucoup du XXe siècle, et même du XXIe. L’oeuvre qui m’a le plus frappé est un grand tableau sans titre de Ross Bleckner, de 2022, présentant des formes floues. L’après-midi nous nous promenâmes dans le parc du Buen Retiro. Il y a un gigantesque monument à Alphonse XII. Nous n’avons que vaguement aperçu la toiture du palais de Vélasquez et du palais de Cristal, barricadés derrière des palissades de chantier. Devant ce dernier il y avait une belle pièce d’eau avec des cygnes noirs, et des tortues qui prenaient le soleil. Un peu partout dans le parc, des parcelles laissées en friche «para la defensa de la biodiversidad», nouvelle tarte à la crème. Nous déjeunâmes convenablement dans un Starbucks du Paseo del Prado, pour ma part d’une Focaccia con jamón y brie et d’un grand café. Plus tard nous avançâmes jusqu’à la Plaza de España, vaste mais fade. En rentrant, nous nous fîmes arnaquer dans un café où je commandai deux cañas de bière et l’on nous servit deux jarras. Nous ne protestâmes, étant incertains du vocabulaire, mais il semble que c’était un abus. Le soir, petit dîner bon mais léger sur la place Santa Ana, elle aussi en travaux.

dimanche 25 mai 2025

Madrid 1

Impressions de Madrid

Avec mon aide de camp, ayant été longtemps en contact avec le monde ibérique de par nos études et nos professions, nous regrettions de n’avoir jamais mis les pieds à Madrid. Nous avions tenté de nous y rendre une première fois il y a quelques années, mais alors le vol avait été annulé à cause de l’épidémie de covid, puis la compagnie aérienne avait cessé d’assurer la ligne et nous avions renoncé. Cette fois-ci nous y sommes parvenus. Nous y fûmes quelques jours, de lundi dernier le 19 mai vers midi à vendredi matin. Ce séjour ressemblait à celui que nous avons fait l’automne dernier à Berlin : une petite semaine dans une capitale de pays voisin, avec par coïncidence le même symbole de l’Ours, el Oso, auquel les Madrilènes associent l’Arbousier, arbuste fruitier dont le nom, el Madroño, commence comme celui de la ville. La bête et l’arbre sont représentés partout, sur les murs, les enseignes, les bibelots, you name it, et même sur les boites à ordures.

    Ma camarade nous avait réservé une chambre au bien nommé Hostal Centro Sol, un hôtel modeste mais propre et calme, bizarrement réparti sur deux étages, le deuxième et le quatrième du 5 de la rue de San Jerónimo, et idéalement situé à quelques décamètres à l’Est de la Puerta del Sol, qui semble être le milieu du centre de la ville. 

    Comme il arrive dans beaucoup de métropoles, la liaison entre l’aéroport et le centre-ville est remarquablement mal assurée par les transports publics, puisqu’il faut prendre pas moins de trois lignes de métro pour accomplir le trajet, avec en outre une taxe supplémentaire pour tout départ de ou arrivée à l’aéroport. Mais notre hébergement très central nous a permis de faire la plupart de nos déplacements en marchant, sans prendre le métro. Nous n’avons pas circulé plus loin que la Gran vía et la calle de Alcalá au nord, le parc du Buen Retiro à l’Est, la rue d'Atocha au sud et la rivière Manzanares à l’ouest. La ville nous a paru bien entretenue, aussi propre que d’autres sont sales (Berlin, Paris, Bordeaux…), pleine de grands et beaux bâtiments. Il m’avait semblé en préparant le voyage et il s’est avéré que Madrid est une ville de places, nous en avons vu une quantité.

    Nous n’avions que trois jours entiers à passer sur place et, comme ma camarade était d’humeur culturelle, nous avions décidé de visiter chaque jour un des plus célèbres musées de la ville. Pour cela nous avions acheté un pass en ligne et nous entendions commencer nos journées en nous présentant chaque matin sur les dix heures à l’ouverture d’un des établissements : au Prado le mardi, au Thyssen-Bornemisza le mercredi, et au Reina Sofía le jeudi.

    Mais en attendant, le lundi 19, jour de notre arrivée, nous fîmes connaissance avec notre voisine la Puerta del Sol, grande place toute étirée en longueur est-ouest. Elle est ornée d’une statue de l’Ours et de l’Arbousier, et on y voit par ailleurs, tracé au sol devant la Presidencia de la Comunidad de Madrid, le magique point zéro des routes d’Espagne. Elle comporte aussi un Carrefour City où nous achetâmes un petit stock de tranches de pain, de fromage et de charcuterie, pour nous restaurer le matin, l'hôtel n'offrant pas de petit-déjeuner. Cet après-midi-là nous déjeunâmes de sandwiches au Museo del Jamón situé juste en face de l’hôtel (et juste à côté du vieux restaurant Lhardy, où nous nous contentâmes prudemment d’acheter des croissants un matin). Puis nous nous rendîmes à la chocolaterie San Ginés (un délice), à la Plaza Mayor (à mes yeux la plus belle, un grand rectangle rouge bordé d’arcades), au Mercado San Miguel (un marché couvert charmant mais hors de prix), à la Iglesia catedral de las Fuerzas Armadas (superbement décorée mais sans vitraux), à la cathédrale de l’Almudena (avec de beaux plafonds peints et des vitraux récents, où je n’ai pas vu de signature), à l’esplanade devant le palais royal, à la Plaza de Oriente, très végétale. Petit dîner d'oeufs au plat bacon-cheddar et de saucisses-frites, arrosé d’un pichet de sangria, à la Paradita, rue Carlos III. Comme dans toutes les villes, l’ornithologie consistait principalement en moineaux et en pigeons, surtout des bisets, avec quelques ramiers. En rentrant nous avons remarqué près de chez nous le très bel immeuble de Hermès, à l’angle des rues d’Alcalá et de Séville, avec des consoles en forme de tête d’éléphant. Il y a tout près la place Canalejas, un simple évasement de la carrera de San Jerónimo, bordé de bâtiments superbes. 

lundi 19 mai 2025

communiqué

Amis lecteurs, priez pour moi : je prends l'avion.
Je dois partir à l'étranger pour quelques jours
et sans ordi. A bientôt donc, si Dieu le veut...

dimanche 18 mai 2025

lgbtq

    Cela ne m’avait pas encore sauté aux yeux mais je viens de remarquer l’étrange ressemblance entre le sigle sexuel LGBTQ et le titre d’une oeuvre de Duchamp, LHOOQ. Cinq lettres, dont la première et la dernière sont les mêmes. Cela m’amuse, d’autant que je ne prends pas plus au sérieux les jeux de mots indigents de Marcel et la pleurniche militante.

mercredi 14 mai 2025

Blood

Contrairement à mes habitudes j’ai réussi à lire un roman en entier, qui plus est un roman assez long, plus de quatre cents pages, le Méridien de sang (Blood meridian) de Cormac McCarthy. Ce livre a été publié en 1985, traduit en français en 1998, et je l’ai lu dans une édition de poche Points de 2006. Il est réputé pour présenter une version démythifiée, désenchantée, et même sordide du Far West américain, loin de la légende. L’histoire suit l’itinéraire d’un jeune analphabète orphelin de mère, qui fréquente de mauvais garçons puis rejoint une bande de chasseurs de primes. Ce personnage, par ailleurs assez transparent, n’est jamais nommé, mais désigné comme the kid en anglais, en français l’enfant. Ce terme choisi par le traducteur prête à confusion car il évoque plutôt un être prépubère, or au début du livre c’est déjà un adolescent de quatorze ans. Comme il est né en 1833, on suppose que l’action commence en 1847, et elle se déroule dans le milieu du XIXe siècle (la date de 1849 apparait aux pages 209 et 252, le personnage a 28 ans p 390, et on est en 1878 p 394, date à laquelle le protagoniste a dans les 45 ans). L’action se déplace grosso modo d’est en ouest, de la Louisiane à la Californie, dans la zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique. Les tueurs sont censés sécuriser le territoire en éliminant des Indiens dangereux (Apaches, Chiricahuas, Yumas etc) dont ils rapportent les scalps aux autorités pour se faire payer. On comprend vite que ce sont en fait des brutes sans pitié, qui massacrent systématiquement tout ce qui a le malheur de se trouver sur leur passage, Indiens belliqueux ou paisibles, mais aussi Mexicains et Etats-Uniens, hommes et bêtes. Une des scènes les plus révoltantes est peut-être celle du chapitre XIV (p 245-247) où les rustres rencontrent un convoi d‘une centaine de mules venant en sens inverse sur un étroit sentier à flanc de falaise, et envoient dans le précipice tous les muletiers, leurs bêtes et leur chargement. Ces hommes sans foi ni loi sèment aussi le chaos dans les villes où ils passent, à coups de beuveries, d’incendies et de meurtres. Mejor los indios (Plutôt les Indiens, p 217) en viennent à dire certains Mexicains. Le livre expose principalement la violence exercée par ces mercenaires mais on a aussi quelques vues sur la sauvagerie des Indiens, à travers au moins deux scènes d’attaque, et par moments la découverte de corps de colons ou d’autres Indiens suppliciés, scalpés, écorchés, éventrés, démembrés etc. Les tueurs ne sont eux-mêmes pas tous des hommes blancs, il y a parmi eux un ou deux noirs et des éclaireurs indiens. C’est donc une vision extrêmement sombre de la nature humaine qui est ici présentée, d’autant que le lecteur n’est soulagé par aucune perspective optimiste, aucune catharsis, aucun retour à la justice et à l’ordre. Il parait que l’auteur se serait inspiré de faits réels mais je ne sais quelle est la part de la documentation et celle de l’imagination. La psychologie des personnages est rarement explicitée, elle se déduit de leurs actes. En revanche le récit abonde en détails quant à la faune, la flore et la géologie des paysages traversés, la météorologie, parfois même les constellations présentes dans le ciel nocturne. Par endroits l’auteur décrit aussi avec précision le maniement des armes à feu. Les dialogues ne sont pas signalés par des tirets ou des guillemets, mais on les distingue bien de la narration. Les citations en espagnol sont toujours correctes. Les vingt-trois chapitres ne sont pas dotés de titres propres, mais chacun est introduit par un petit pavé annonçant les principales actions. Il importe de lire ces résumés contenant parfois des indications absentes du texte (ainsi au chapitre IV, où l’on annonce des cas de choléra, mais ensuite les symptômes sont décrits sans que la maladie soit nommée). Une image m’a laissé perplexe p 151, où des hommes attendent «en plissant les yeux comme des oiseaux», image reprise p 235 (début du ch XIV) où des faucons «plissaient un oeil jaune» : il me semble que les oiseaux ont toujours l’oeil rond. Un trait que je n’ai pas bien aimé dans ce livre est le personnage du «juge» Holden, bonhomme hors norme, géant obèse albinos et chauve, tyrannique et savant, sorti de nulle part et paraissant doté d’un pouvoir surnaturel. Son caractère extraordinaire n’ajoute pas au réalisme du récit, non plus que ses développements philosophiques auxquels je ne comprends rien, soit parce que je ne suis pas assez malin, soit parce qu’ils sont réellement fumeux (par exemple aux ch XIV et XVII). De même la fin mystérieuse n’est pas très à mon goût : on suppose qu’il arrive malheur au personnage principal entre les mains du juge, mais le narrateur ne dit pas ce qui est arrivé. Parmi les pages que j’ai le mieux aimées, celle qui décrit l'accoutrement hétéroclite de guerriers indiens (69), celle où l’auteur disserte sur le feu (307), celle où l’arrivée des hommes au bord de la mer offre un moment de fraicheur et de calme (378). Cet étrange roman met la sensibilité du lecteur à rude épreuve et il m’a laissé sur ma faim, mais c’est incontestablement une oeuvre intéressante, qui donne des vues saisissantes sur les formes du mal, et matière à méditer.

mardi 13 mai 2025

homophonie

    Entendu sur l'auto-radio une pub qui m'intriguait, pour Mac Ciseau. Mais c'était Maxi-Zoo...

lundi 12 mai 2025

cordial

    Un alexandrin cordial : J'aime la vérité, la justice et la paix.

dimanche 11 mai 2025

Mauzé

    Les très rares fois où je vais à Mauzé sur le Mignon, j’en tire les mêmes impressions : d’abord de ne pas comprendre comment j’ai fait pour parvenir jusqu’au centre, ensuite de ne pas mieux comprendre comment j’ai fait pour ressortir de la ville. J’ai dû n’y aller qu’une demi-douzaine de fois depuis un quart de siècle que je fréquente régulièrement la contrée. Cela tient soit au fait que Mauzé est plus éloignée, à vingt-cinq kilomètres de chez moi, que les autres petites villes des environs (Beauvoir, Aulnay, St-Jean, Surgères), soit au fait qu’il n’y a pas de route directe pour y aller, soit au fait que je me sens à chaque fois désorienté par son réseau de rues. Pourtant j’arrive toujours à m’en tirer. Ma dernière visite fut mercredi de cette semaine. J’y allais pour voir une exposition d’histoire et le marché, qui est complété d’une foire le premier mercredi du mois. J’en ai profité pour passer à la mairie demander un plan, que l’on m’a aimablement offert. J’examine le labyrinthe sur ce document pas mal fait, reproduit sur une feuille A3. Il m’aidera peut-être à me sentir moins perdu, une prochaine fois.

samedi 10 mai 2025

traquet

Jolie vision mais fugitive, au passage en voiture, d’un traquet pâtre posé sur un piquet, avec son petit col blanc impeccable.





(La photo n'est pas de moi)

vendredi 9 mai 2025

controverses

    Au vu des controverses qui animent le débat public, je me pose de sérieuses questions quant à l’avenir de la liberté de conscience et d’expression. Par exemple j’ai beau chercher, je ne vois pas quelle critique d'Israël, formulée par un non-juif, ne peut être soupçonnée d’antisémitisme. De même je ne vois pas quelle critique de l’islam ne peut être accusée d’islamophobie.

jeudi 8 mai 2025

pape

Donald Trump s’est amusé à publier une fausse photo de lui déguisé en pape. Aussitôt la médiaterie, d’ordinaire si prompte à railler le catho, se déclare offusquée par l’outrage. Ben voyons. C’est une drôle d’idée, certes, mais c’est quand même une idée drôle, que cette bonne blague pas méchante. Comme il est évident que Trump ne prétend pas sérieusement à la papauté, on ne peut voir là qu’un trait d’auto-dérision bon enfant, vis à vis de ses tendances à la mégalomanie. A moins d’être de mauvaise foi…

mercredi 7 mai 2025

Loire

    Ma soeur me rappelle cet alexandrin géographique scolaire de jadis : La Loire prend sa source au mont Gerbier de Jonc. 

mardi 6 mai 2025

climat

    Des écarts de température ces derniers jours font que l’on a d’abord eu l’impression de passer d’un seul coup de l’hiver à l’été, puis le temps s’est nettement rafraichi. Ces irrégularités existent depuis la création du monde, mais la médiaterie saute sur l’occasion pour nous asséner sa propagande. Je lis ainsi ce matin dans Google Actualités ce titre de Libération : «La France est passée du tee-shirt à la doudoune : selon une étude, le changement climatique accentue les basculements éclair de température.» Quelle niaiserie. Je ne sais pas s’il existe une réalité du changement climatique, mais je constate une fois de plus qu'il existe assurément une foutaise du changement climatique. Déjà ces mots usés : «selon une étude». Dès que nous les lisons, nous savons que la machine à débiter des conneries tourne à plein régime…

lundi 5 mai 2025

A l'aide

Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi dans certains cas, quand je copie-colle dans mon blog une note préparée ailleurs au brouillon, le texte s'affiche sur un fond blanc comme dans cet exemple ? On m'a suggéré de cliquer sur l'icône "Effacer la mise en forme" mais rien n'y fait, et mon seul recours est de re-saisir tout le texte. J'ai vu qu'il existe aussi une icône "Couleur d'arrière-plan du texte", mais je souhaiterais précisément qu'il n'y ait pas de couleur d'arrière-plan du texte, autre que le beau fond jaune. Peut-on m'aider à résoudre cet ennui ?

disparitions

    Ces derniers jours j'ai appris successivement la mort de deux gentilshommes que j'ai un peu connus, il y a longtemps.

    Didier Goux serait mort le premier mai. Je ne sais plus comment j'avais connu son existence. C'était un diariste, sans doute un blogueur, que je m'étais mis à lire et avec lequel j'ai eu quelques échanges. Il avait été nègre, il savait bien écrire et avait de l'humour. Il me semble que comme Renaud Camus, qu'il imitait peut-être, il donnait un titre propre à chaque volume annuel de son journal. On s'est fréquenté peu de temps avant de bifurquer. En consultant mon hyper-mémoire, c'est à dire l'index de mon journal, je trouve une seule référence à Goux, en novembre 2007, mais à la date en question le journal ne dit rien. C'est peut-être une erreur d'indexation, ou bien j'ai supprimé la note entre temps et n'en ai plus souvenir. Par contre je me souviens qu'il m'avait agacé une paire de fois par ses avis. Sur les paroles de Brassens, dont il ne voyait que les imperfections. Sur une de mes notes en septembre de la même année 2007, où je commentais la relative concision de l'anglais par rapport au français, à quoi il avait apporté une réponse du genre Et alors, on n'est pas pressé. A tort ou à raison j'avais bientôt décidé de prendre mes distances avec ce personnage, qui du reste ne m'avait pas couru après. Le temps et l'inertie faisant leur oeuvre, nous nous étions complètement perdus de vue. L'annonce de sa mort me rappelle son souvenir. Je l'apprends par une note d'un certain Georges de La Fuly, retransmise par mon correspondant Quentin Verwaerde. Malgré l'éloignement, la nouvelle me consterne. La note est illustrée par une photo de Didier Goux, dont j'ignorais les traits. Il a une bonne tête, une expression énergique et intelligente. J'apprends à cette occasion qu'il était de la même année que moi, et que ledit La Fuly.

    Auparavant, dans les derniers jours d'avril j'avais appris la mort de Frédéric Renault, dessinateur connu sous le nom d'Y5/P5. Je le suppose plus jeune que moi mais n'en sais rien. Il tirait son surnom du fait qu'il avait été exempté du service militaire par la note 5, la pire, attribuée à ses Yeux et à sa Psychologie. J'aimais bien que son pseudo soit écrit avec une barre oblique entre Y5 et P5, et ainsi opportunément composé de cinq signes. Je ne sais plus si j'étais allé le voir à Paris ou si nous avions simplement correspondu. J'ai quelques lettres de lui, des années 85-88. J'ai dû le publier quelques fois dans mes revues. Après Placid, il est le seul dessinateur parisien que j'aie fait exposer à Bordeaux, chez Gilles Réthoré. Je ne sais plus en quelle année, ni qui l'hébergeait. Il était venu avec son amant Lombardi, qui voulait exposer avec lui, mais je trouvais ses dessins nuls et j'avais refusé. Mon intransigeance esthétique a probablement nui à nos relations et y a peut-être mis fin, je ne sais plus. Je ne raffolais pas de l'inspiration enfantine d'Y5, zombies squelettes etc, mais c'était un excellent dessinateur. Et calligraphe, d'ailleurs. J'ai dû ne le revoir qu'une fois, fortuitement, lors d'un voyage à Paris en juin 98 (Ld 266). C'est un dessin de lui qu'a pris Le Dilettante pour illustrer la couverture du premier volume des carnets d'André Blanchard, et il a repris le même pour les autres, en changeant la couleur. Y5/P5 avait si bien disparu de la circulation ces dernières années, qu'on le disait mort, puis il avait fini par ressusciter. Mais il semble que cette fois-ci il ait vraiment rejoint Jim Bones.

Une étude sur Y5/P5 par Eric Heilmann ici.

dimanche 4 mai 2025

classe

Ce que l'on appelle conscience de classe n'est en général rien d'autre que de la haine de classe.