Parcourant l’index de mon Journal, que je viens de remettre à jour, je remarque cette bizarre succession d’entrées, à la fin de la lettre P : Punk … Purisme … Putes … Quel éclectisme !
Le blog littéraire et agricole de Philippe Billé. Des notes de lecture, et des notes du reste.
mercredi 18 juin 2025
mardi 17 juin 2025
anti-fascisme
Curieuse évolution du vocabulaire politique, si l’on en juge par exemple aux campagnes répétées de «barrage anti-populiste» en France, à la mauvaise réputation des référendums, ou à l’opposition virulente à l’élection de Donald Trump en Amérique : être «fasciste», aujourd’hui, consiste à accepter la volonté majoritaire exprimée par le suffrage universel, être «anti-fasciste» consiste à la refuser…
lundi 16 juin 2025
dimanche 15 juin 2025
entomologie
L’existence indéniable d’un capitalisme sauvage, n’empêche aucunement l’existence d’un capitalisme civilisé. Et la possibilité d’un socialisme convenable ne doit pas faire oublier les horreurs du socialisme barbare.
samedi 14 juin 2025
lecture
Ce soir à partir de 17 h 30 je participerai à une séance de lecture en public sur le thème de la correspondance, au Moulin à café, le café associatif de Doeuil sur le Mignon. Je lirai une lettre du prince de Ligne à Jean-Jacques Rousseau datée de 1770. L'auteur y propose gentiment au philosophe de l'héberger.
vendredi 13 juin 2025
guerre
L’écrivain colombien Orlando Mejía Rivera a publié en 1998? un roman au beau titre, Pensamientos de guerra, qui a été traduit en français en 2004 (Pensées de guerre, chez Mille et une nuits). La bibli disposait des deux versions mais je me suis paresseusement contenté de lire la française. Ce livre m’a beaucoup plu dans les premières pages et beaucoup moins par la suite. Cela commence bien : un professeur de philosophie, spécialiste de Ludwig Wittgenstein, enlevé en plein cours dans une université, est emmené à travers la montagne et la jungle, les poings liés et les yeux bandés, conduit par des rebelles qui l’injurient et le rudoient. Après quoi ses ravisseurs le jettent dans une fosse d’un mètre de large sur trois de profondeur, où il sombre dans la déchéance physique et mentale. Son séjour souterrain est décrit sur huit chapitres, correspondant à huit jours consécutifs, et si j’ai bien compris à la fin il est mort. Il m’a paru invraisemblable qu’il garde tout le temps son bandeau sur les yeux, alors que cela ne sert plus à grand chose une fois qu’il est enfermé, il pourrait très bien se l’enlever lui-même, ou au moins le bandeau devrait finir par se desserrer et tomber tout seul. Au fond de son trou le protagoniste pense à son fils, à sa femme et à Wittgenstein. Les huit chapitres de la détention sont intercalés avec cinq chapitres qui se présentent comme un journal intime du philosophe autrichien gay mais triste pendant les années 1914 à 1918. Mobilisé sur le front, Ludwig craint de mourir, se lamente car il est séparé de son amant David, et rumine des méditations dont le sens m’échappe en partie. La représentation des états d’âme du philosophe et du professeur m’a paru plutôt ennuyeuse. A la fin celui-ci ne sait toujours pas par qui ni pourquoi il a été enlevé et nous non plus. C’est décevant.
jeudi 12 juin 2025
poteau
Le jeune crétin qui a poignardé à mort une surveillante de collège, hier à Nogent, pour la bonne raison qu’il voulait « tuer une surveillante, n’importe laquelle », et n’a exprimé ensuite aucun regret, ne mérite-t-il pas simplement le poteau ?
mercredi 11 juin 2025
Sevilla
Deux semaines après le lancement de ma livrette péninsulaire, le Voyage de Jean Mocquet en Andalousie (voir ici), force est de constater qu’il s’agit là d’un non-événement assez réussi, probablement le flop le plus parfait de ma carrière d’éditeur. Mon histoire d'anti-héros n'obtient qu'un anti-succès. A ce jour mes ventes se comptent sur les doigts d’une main, guère plus. Je n’ai pas su trouver le sujet qui emballe. Tant pis. Cet opuscule me plait bien, c’est l’essentiel. Il était un des deux projets auxquels j’ai travaillé parallèlement cet hiver, l’autre étant la causerie sur les vitraux que j’ai donnée en mars. La publication de ce récit de voyage aurait également pu se faire plus tôt mais a été retardée par la recherche d’un imprimeur abordable. Résidant maintenant loin de la civilisation, j’ai d’abord prospecté auprès des entreprises locales. Les quatre devis que j’ai obtenus pour un tirage en cent exemplaires s’élevaient à 192, 264, 341 et 460 euros, ce qui même dans le meilleur des cas était trop cher pour moi. Finalement je me suis retourné vers une imprimerie institutionnelle de la Gironde lointaine, à qui j’avais déjà confié des travaux dans le passé. C’était moins commode à cause de la distance, mais leur tarif inférieur à cent euros était imbattable. A ce prix-là je pouvais m’offrir le plaisir de mettre au monde cette livrette à mon goût, même sans grand espoir de rentrer dans mes frais. Qui plus est, parmi la dizaine d’options du petit nuancier que l’on me proposait pour la couleur de couverture, figurait le jaune «Sevilla intense» au nom prédestiné. Les quelques dizaines d’heures consacrées à préparer le texte et les notes explicatives m’ont permis de passer de bons moments, et parfois de résoudre certains problèmes par des voies providentielles : telle dame, de mes correspondants sur Facebook, ne résidait-elle pas précisément à Cadix, d’où elle a pu me documenter sur tel bâtiment ancien ? et cet ornithologue néerlandais, avec qui j’avais été en contact il y a plus de vingt ans, n’était-il pas tout indiqué pour identifier le nom exact de tel port de Hollande ? Tout cela était bien aimable. Dans mon introduction, très factuelle, je n’ai pas évoqué deux questions que l’on peut se poser en lisant Mocquet, et que j’aborderai ici. D’une part, quelle était sa religion? Il a l’air de s’entendre avec les Hébreux, puisqu’il travaille un temps avec l’un d’eux, qui d’ailleurs l’héberge. Mais il semble ne pas s’étonner des mauvais traitements reçus de cet homme et de ses semblables. Il parait aussi impressionné, peut-être épouvanté, par des manifestations de catholiques fanatiques sur la voie publique. Peut-être était-il protestant, comme on a parfois suggéré. D’autre part, qu’en est-il de sa vie sensuelle ? Etait-il inverti ? C’est incertain mais vraisemblable : les personnages féminins sont quasi absents de son histoire et il fait état plusieurs fois de relations chaleureuses avec des gentilshommes. Mais il ne faut peut-être pas dépouiller ce récit des petits mystères, qui font partie de son charme.
lundi 9 juin 2025
street
dimanche 8 juin 2025
filiation
Chaque fois que je réfléchis à cette question, je me dis que je ne vois pas quel système de transmission du nom de famille des parents aux enfants peut ne pas privilégier un sexe ou l’autre. Comment réformer les actuels systèmes de filiation, autrement qu’en passant du patrilinéaire au matrilinéaire, ce qui ne reviendrait qu’à remplacer une injustice par une autre, symétrique ?
jeudi 5 juin 2025
fillette
En rêve cette nuit j'étais bien embêté, d'avoir perdu dans la foule une petite fille que j'étais chargé de surveiller. J'avais fait sa connaissance peu avant en lui demandant : Quel âge as-tu ? - Cinq heures, m'avait-elle répondu.
mercredi 4 juin 2025
Pensées
Le procédé consistant à extraire des aphorismes qui se trouvaient insérés dans les textes d’un auteur peut paraitre discutable. Pour ma part je le trouve légitime et j’ai tiré profit de recueils d’aphorismes extraits par exemple des oeuvres de Pío Baroja (Lettre documentaire 352) ou de Machado de Assis (Ld 392). Dans le même genre je viens de lire le recueil de 501 pensamentos tirados dos Sermões do Padre Vieira (501 pensées extraites des Sermons du père Antônio Vieira (1608-1697) par le père Gerardo Cabada, sj, Edições Loyola, São Paulo, 2001). J’étais un peu déçu de n’y pas retrouver une fameuse citation du grand prédicateur luso-brésilien, lue je ne sais plus où et jamais oubliée : Le pire, dans les mauvaises habitudes, ce n’est pas qu’elles soient mauvaises, c’est que ce soient des habitudes (O pior, nos maus costumes, não é serem maus, é serem costumes) mais peut-être ne venait-elle pas d’un sermon. Un peu déçu aussi de la teneur assez banalement pieuse de la plupart de ces pensées, banalité que la rhétorique baroque de l’auteur ne suffit pas à rehausser. J’en ai quand même trouvé quelques unes assez à mon goût et j’en traduis onze dans ma Lettre documentaire n° 527.
Vieira
Lettre documentaire 527
ONZE PENSEES du père ANTONIO VIEIRA sj
extraites des 501 pensamentos tirados dos Sermões do Pe Vieira
par G Cabada (Edições Loyola, São Paulo, 2001)
ici traduites du portugais par Philippe Billé.
(On a conservé entre parenthèses leur numéro d’ordre, qui est aléatoire dans le livre, mais on les a replacées en ordre chronologique).
(320) Là où l’envie règne, les vertus sont des péchés, les mérites sont des fautes, les oeuvres ou les bonnes qualités sont des crimes. - (Sermon du samedi précédant le dimanche de Rameaux, 1634).
(74) La peste du gouvernement est l’irrésolution. - (Sermon de Saint Pierre, 1644).
(415) Qui ne demande ne veut savoir, qui ne veut savoir veut se tromper. - (ibidem).
(133) L’absence est une demi-mort, la prison une demi-sépulture. - (Sermon des obsèques de Dom Duarte, 1649).
(431) Dans les maladies, le plus grand bienfait que puisse vous apporter qui vous aime, c’est d’être avec vous. - (Sermon de Saint Roch, 1649).
(348) L’humilité, c’est essentiellement la conscience de sa propre dépendance, de sa propre imperfection, et de sa propre misère. - (Sermon du Mandat, 1655).
(294) On dit qu’il faut se tenir avec le roi comme avec le feu : ni si près qu’il brûle, ni si loin qu’il ne réchauffe. Mais c’est tout le contraire. Le roi, il faut en être ou très proche ou très éloigné. - (Sermon du quatrième dimanche de Carême, 1657).
(414) L’âme est comme le soleil, on ne peut la retrouver là où on l’a perdue, mais à l’opposé. Le soleil se perd au couchant mais si vous voulez le retrouver, il faut le chercher à l’orient. - (Sermon de Saint Antoine, 1657).
(216) Les nations, certaines sont plus blanches, d’autres plus noires, parce que les unes sont plus proches, et les autres plus éloignées du soleil. Peut-il y avoir pire erreur de jugement parmi les hommes, que de croire que je doive être votre seigneur parce que je suis né plus loin du soleil, et que vous deviez être mon esclave parce que vous êtes né plus près ? - (Sermon de l’Epiphanie, 1662).
(393) Sur la table où l’on joue beaucoup, il manquera bientôt de quoi manger. - (5e Sermon de Saint François-Xavier «éveillé», 1694).
(392) Le médecin ne soigne pas la pourpre, ni la couronne, mais l’homme nu, le corps qui chez tous est fait de même. - (Sermon de saint Luc, sans date).
mardi 3 juin 2025
lundi 2 juin 2025
désherbage
Désherbage
Mauvaise herbe idéale, qui s’arrache facilement et proprement.
Mauvaise herbe qui s'arrache mieux quand la terre est mouillée.
Mauvaise herbe très envahissante mais qui s’arrache assez facilement.
Mauvaise herbe qu’il faut arracher attentivement pour que les racines viennent bien avec la tige.
Mauvaise herbe qui se casse au ras du sol quand on l’arrache et qui repoussera peut-être depuis la racine.
Mauvaises herbes qu'on arrache d'une main et qu'on entasse dans l'autre.
Mauvaise herbe qu'on laisse pousser quelque temps pour mieux la saisir quand on l'arrachera.
Mauvaise herbe que l’on a laissé trainer après l’avoir arrachée, et qui survit simplement parce que la racine touche le sol.
Mauvaise herbe dont les racines emportent une petite motte de terre à l’arrachage, que l’on fait tomber d’une pichenette.
Mauvaise herbe que l’on n’a pas vu venir et qui soudain pullule, minuscule et innombrable.
Mauvaise herbe dont la racine plus longue que la tige nous étonne.
Mauvaise herbe dont on se demande si elle ne plairait pas aux tortues.
Mauvaise herbe à qui l’on ferait trop d’honneur en la nommant simplement adventice.
Mauvaise herbe qu’on laisse pousser pour sa bonne mine, mais que l’on finit par arracher quand elle devient encombrante.
Mauvaise herbe pas si mauvaise, après tout (il y en a).
samedi 31 mai 2025
Robinson
A la sortie de Saint-Jean d'Angély en direction de Niort, la route file droit vers le nord en suivant une première pente, au bas de laquelle on croise la voie ferrée, puis elle remonte, puis elle suit une deuxième pente, plus longue, avant de remonter vers Saint-Denis du Pin et au-delà vers mon propre village. Au bas de cette deuxième pente on voit à main droite un bois isolé au milieu des champs, à une vingtaine de mètres du bas-côté. Je passe souvent par là en voiture et depuis longtemps j’ai remarqué à distance que ce bois n’est pas touffu comme un bois naturel, mais parait éclairci comme un parc entretenu. En hiver, quand le feuillage se raréfie, on y distingue même quelques signes de présence humaine : la silhouette d’une petite maison, d’autres installations plus discrètes, peut-être des bûchers. Au fil du temps je me suis interrogé sur ce qui s’y trouvait au juste. J’imaginais qu’il pouvait y avoir là une petite famille, peut-être un homme seul, confortablement installé avec poulailler, ruches, puits et barbecue. Par-devers moi je me suis mis à nommer cet endroit le bois de Robinson, mais je ne prenais jamais la peine d’aller voir de quoi il retournait : ce n’était pas le moment, je n’avais pas le temps, j’ignorais le chemin à suivre pour y accéder ou du moins m’en approcher, et puis une fois sur place, si je tombais sur quelqu’un, aurais-je pas l’air d’un intrus… Je dois dire que je portais à ce bois une curiosité certes renouvelée mais toujours éphémère, j’y songeais en passant au volant de mon char, et j’oubliais aussitôt en m’éloignant. Il y a quelques semaines, cependant, réalisant qu’il y avait peut-être un quart de siècle que je me posais des questions sur ce bois mystérieux, je décidai d’en avoir le coeur net. Un beau jour je quittai la grand route par la première voie secondaire qui se présentait, suivis un chemin de contournement, trouvai une place où parquer ma voiture et pris un sentier à travers champs. Je fus bientôt arrivé mais ne pénétrai pas dans le terrain, qui était enclos, et je compris aussitôt qu’il était délaissé. On voyait en effet là une maisonnette, quelques traces d’occupation humaine, mais à part ça plus rien ni personne. Il y avait sans doute eu de la vie dans ces lieux, mais elle avait cédé la place à l’abandon. J’en étais un peu déçu, quoique satisfait de savoir maintenant à quoi m’en tenir. Un peu amusé, aussi, de voir comme nos rêveries peuvent s’accrocher à des chimères…
vendredi 30 mai 2025
Andalousie
Il y avait trois ans que je n’avais pas publié de livrette et cela ne pouvait durer. J’ai préparé cet hiver celle que je viens de faire imprimer en cent exemplaires, la réédition d’un petit récit de Voyage de Jean Mocquet en Andalousie (1614-1615). Grand voyageur, dont j’avais déjà republié en 2016 le périple en Guyane et aux Caraïbes, Mocquet raconte ici ce que fut son étrange sixième et dernier voyage. Il aurait voulu que ce soit le plus grand, faire le tour du monde, mais il ne réussit pas à aller plus loin qu’en Espagne, où il passe un an en allées et venues entre Sanlúcar, Séville, Cadix et d’autres localités de la contrée, sans parvenir à embarquer pour l’outre-mer. Voyage raté, ou avorté, mais aventure tout de même : rencontres inattendues, parfois malencontreuses, parfois providentielles, moments difficiles où l’on tire le diable par la queue et couche à la belle étoile… Le récit de ces tribulations fait souvent penser aux anti-héros des romans picaresques. Dans cette brochure de 28 pages au format A5 archétypique, je présente le texte en version légèrement modernisée (orthographe et syntaxe), juste ce qu’il faut pour en faciliter la lecture aujourd’hui. J’ai doté le document d’une introduction, de 72 notes explicatives en bas de pages, et de quelques annexes : index des noms de personnes, index des noms de lieux, chronologie-itinéraire et carte de la région. La couverture est en bristol jaune «Sevilla intense» ! Aux personnes qui souhaiteraient acquérir cet ouvrage (et m'aider ainsi à rembourser mes frais) je le vends pour le prix d’un doublon, soit deux euros. Pour la vente par correspondance, les dures lois du tarif postal m’obligent hélas à y ajouter 2,78 euros d’affranchissement… Paiement par chèque, liquide, timbres ou virement, à Philippe Billé, 20 rue de l'Amitié, 17330 La Croix-Comtesse.
jeudi 29 mai 2025
circoncision
Autant les bédés plus connues de Riad Sattouf, comme L’Arabe du futur, se trouvent pratiquement dans toutes les bibliothèques publiques, autant son Ma circoncision (Bréal Jeunesse, 2004) est difficile à trouver, peut-être à cause du sujet scabreux. Je viens enfin de réussir à m’en faire prêter un exemplaire par la Médiathèque départementale, via la bibli de Villeneuve la Comtesse. Il ne s’agit pas vraiment d’une bande dessinée mais d’un livre de moyen format, d’une centaine de pages non numérotées, présentant des dessins sans cases, avec les dialogues manuscrits dans des bulles, et la narration en texte imprimé (conception graphique par J-C Menu, indique-t-on). Cela raconte la triste histoire des circonstances dans lesquelles l’auteur, en Syrie quand il était âgé de huit ans, a été obligé par son père musulman (la mère bretonne est alors absente) à subir une circoncision artisanale. Le père se révèle non seulement impitoyable mais en outre déloyal, ne tenant pas sa promesse d’acheter à l’enfant un grand Goldorak pour le consoler. Au-delà de la mutilation sexuelle traumatisante, le récit dénonce le climat général de brutalité dans lequel étaient (sont peut-être encore) élevés les petits Syriens, entre les châtiments corporels sadiques infligés à l’école et la haine systématique envers les Juifs. Cela se lit vite mais ne doit pas s’oublier de sitôt.
(Si cela peut intéresser mes lecteurs des environs : le livre restera disponible à la bibli de Villeneuve pendant environ trois mois.)
mercredi 28 mai 2025
mardi 27 mai 2025
Madrid 3
Nous devions repartir le lendemain matin. Ainsi s’achevait ce bref séjour, qui dans l’ensemble fut agréable. Notre rue portait donc le nom de saint Jérôme, et par coïncidence nous avons vu ce personnage souvent représenté dans les peintures anciennes. Notre voyage était ainsi placé sous le signe du saint patron des traducteurs, ce qui n’était pas pour me déplaire. Parmi mes regrets, peut-être celui de n’avoir pas vu plus de vitraux : nous n’avons pas recherché les églises, mais toutes celles que nous avons trouvées étaient fermées, sauf les deux cathédrales... La plupart des gens à qui nous avons eu affaire étaient bien aimables. Mention spéciale à la petite Latinette qui a eu la charité de m’offrir sa place assise, dans un métro.
lundi 26 mai 2025
Madrid 2
Le mercredi 21 mai, trek de deux heures et demie au musée Thyssen-Bornemisza. Il présente comme le Prado des peintures anciennes mais aussi beaucoup du XXe siècle, et même du XXIe. L’oeuvre qui m’a le plus frappé est un grand tableau sans titre de Ross Bleckner, de 2022, présentant des formes floues. L’après-midi nous nous promenâmes dans le parc du Buen Retiro. Il y a un gigantesque monument à Alphonse XII. Nous n’avons que vaguement aperçu la toiture du palais de Vélasquez et du palais de Cristal, barricadés derrière des palissades de chantier. Devant ce dernier il y avait une belle pièce d’eau avec des cygnes noirs, et des tortues qui prenaient le soleil. Un peu partout dans le parc, des parcelles laissées en friche «para la defensa de la biodiversidad», nouvelle tarte à la crème. Nous déjeunâmes convenablement dans un Starbucks du Paseo del Prado, pour ma part d’une Focaccia con jamón y brie et d’un grand café. Plus tard nous avançâmes jusqu’à la Plaza de España, vaste mais fade. En rentrant, nous nous fîmes arnaquer dans un café où je commandai deux cañas de bière et l’on nous servit deux jarras. Nous ne protestâmes, étant incertains du vocabulaire, mais il semble que c’était un abus. Le soir, petit dîner bon mais léger sur la place Santa Ana, elle aussi en travaux.
dimanche 25 mai 2025
Madrid 1
Impressions de Madrid
Avec mon aide de camp, ayant été longtemps en contact avec le monde ibérique de par nos études et nos professions, nous regrettions de n’avoir jamais mis les pieds à Madrid. Nous avions tenté de nous y rendre une première fois il y a quelques années, mais alors le vol avait été annulé à cause de l’épidémie de covid, puis la compagnie aérienne avait cessé d’assurer la ligne et nous avions renoncé. Cette fois-ci nous y sommes parvenus. Nous y fûmes quelques jours, de lundi dernier le 19 mai vers midi à vendredi matin. Ce séjour ressemblait à celui que nous avons fait l’automne dernier à Berlin : une petite semaine dans une capitale de pays voisin, avec par coïncidence le même symbole de l’Ours, el Oso, auquel les Madrilènes associent l’Arbousier, arbuste fruitier dont le nom, el Madroño, commence comme celui de la ville. La bête et l’arbre sont représentés partout, sur les murs, les enseignes, les bibelots, you name it, et même sur les boites à ordures.
Ma camarade nous avait réservé une chambre au bien nommé Hostal Centro Sol, un hôtel modeste mais propre et calme, bizarrement réparti sur deux étages, le deuxième et le quatrième du 5 de la rue de San Jerónimo, et idéalement situé à quelques décamètres à l’Est de la Puerta del Sol, qui semble être le milieu du centre de la ville.
Comme il arrive dans beaucoup de métropoles, la liaison entre l’aéroport et le centre-ville est remarquablement mal assurée par les transports publics, puisqu’il faut prendre pas moins de trois lignes de métro pour accomplir le trajet, avec en outre une taxe supplémentaire pour tout départ de ou arrivée à l’aéroport. Mais notre hébergement très central nous a permis de faire la plupart de nos déplacements en marchant, sans prendre le métro. Nous n’avons pas circulé plus loin que la Gran vía et la calle de Alcalá au nord, le parc du Buen Retiro à l’Est, la rue d'Atocha au sud et la rivière Manzanares à l’ouest. La ville nous a paru bien entretenue, aussi propre que d’autres sont sales (Berlin, Paris, Bordeaux…), pleine de grands et beaux bâtiments. Il m’avait semblé en préparant le voyage et il s’est avéré que Madrid est une ville de places, nous en avons vu une quantité.
Nous n’avions que trois jours entiers à passer sur place et, comme ma camarade était d’humeur culturelle, nous avions décidé de visiter chaque jour un des plus célèbres musées de la ville. Pour cela nous avions acheté un pass en ligne et nous entendions commencer nos journées en nous présentant chaque matin sur les dix heures à l’ouverture d’un des établissements : au Prado le mardi, au Thyssen-Bornemisza le mercredi, et au Reina Sofía le jeudi.
Mais en attendant, le lundi 19, jour de notre arrivée, nous fîmes connaissance avec notre voisine la Puerta del Sol, grande place toute étirée en longueur est-ouest. Elle est ornée d’une statue de l’Ours et de l’Arbousier, et on y voit par ailleurs, tracé au sol devant la Presidencia de la Comunidad de Madrid, le magique point zéro des routes d’Espagne. Elle comporte aussi un Carrefour City où nous achetâmes un petit stock de tranches de pain, de fromage et de charcuterie, pour nous restaurer le matin, l'hôtel n'offrant pas de petit-déjeuner. Cet après-midi-là nous déjeunâmes de sandwiches au Museo del Jamón situé juste en face de l’hôtel (et juste à côté du vieux restaurant Lhardy, où nous nous contentâmes prudemment d’acheter des croissants un matin). Puis nous nous rendîmes à la chocolaterie San Ginés (un délice), à la Plaza Mayor (à mes yeux la plus belle, un grand rectangle rouge bordé d’arcades), au Mercado San Miguel (un marché couvert charmant mais hors de prix), à la Iglesia catedral de las Fuerzas Armadas (superbement décorée mais sans vitraux), à la cathédrale de l’Almudena (avec de beaux plafonds peints et des vitraux récents, où je n’ai pas vu de signature), à l’esplanade devant le palais royal, à la Plaza de Oriente, très végétale. Petit dîner d'oeufs au plat bacon-cheddar et de saucisses-frites, arrosé d’un pichet de sangria, à la Paradita, rue Carlos III. Comme dans toutes les villes, l’ornithologie consistait principalement en moineaux et en pigeons, surtout des bisets, avec quelques ramiers. En rentrant nous avons remarqué près de chez nous le très bel immeuble de Hermès, à l’angle des rues d’Alcalá et de Séville, avec des consoles en forme de tête d’éléphant. Il y a tout près la place Canalejas, un simple évasement de la carrera de San Jerónimo, bordé de bâtiments superbes.
lundi 19 mai 2025
communiqué
dimanche 18 mai 2025
lgbtq
Cela ne m’avait pas encore sauté aux yeux mais je viens de remarquer l’étrange ressemblance entre le sigle sexuel LGBTQ et le titre d’une oeuvre de Duchamp, LHOOQ. Cinq lettres, dont la première et la dernière sont les mêmes. Cela m’amuse, d’autant que je ne prends pas plus au sérieux les jeux de mots indigents de Marcel et la pleurniche militante.
mercredi 14 mai 2025
Blood
Contrairement à mes habitudes j’ai réussi à lire un roman en entier, qui plus est un roman assez long, plus de quatre cents pages, le Méridien de sang (Blood meridian) de Cormac McCarthy. Ce livre a été publié en 1985, traduit en français en 1998, et je l’ai lu dans une édition de poche Points de 2006. Il est réputé pour présenter une version démythifiée, désenchantée, et même sordide du Far West américain, loin de la légende. L’histoire suit l’itinéraire d’un jeune analphabète orphelin de mère, qui fréquente de mauvais garçons puis rejoint une bande de chasseurs de primes. Ce personnage, par ailleurs assez transparent, n’est jamais nommé, mais désigné comme the kid en anglais, en français l’enfant. Ce terme choisi par le traducteur prête à confusion car il évoque plutôt un être prépubère, or au début du livre c’est déjà un adolescent de quatorze ans. Comme il est né en 1833, on suppose que l’action commence en 1847, et elle se déroule dans le milieu du XIXe siècle (la date de 1849 apparait aux pages 209 et 252, le personnage a 28 ans p 390, et on est en 1878 p 394, date à laquelle le protagoniste a dans les 45 ans). L’action se déplace grosso modo d’est en ouest, de la Louisiane à la Californie, dans la zone frontalière entre les Etats-Unis et le Mexique. Les tueurs sont censés sécuriser le territoire en éliminant des Indiens dangereux (Apaches, Chiricahuas, Yumas etc) dont ils rapportent les scalps aux autorités pour se faire payer. On comprend vite que ce sont en fait des brutes sans pitié, qui massacrent systématiquement tout ce qui a le malheur de se trouver sur leur passage, Indiens belliqueux ou paisibles, mais aussi Mexicains et Etats-Uniens, hommes et bêtes. Une des scènes les plus révoltantes est peut-être celle du chapitre XIV (p 245-247) où les rustres rencontrent un convoi d‘une centaine de mules venant en sens inverse sur un étroit sentier à flanc de falaise, et envoient dans le précipice tous les muletiers, leurs bêtes et leur chargement. Ces hommes sans foi ni loi sèment aussi le chaos dans les villes où ils passent, à coups de beuveries, d’incendies et de meurtres. Mejor los indios (Plutôt les Indiens, p 217) en viennent à dire certains Mexicains. Le livre expose principalement la violence exercée par ces mercenaires mais on a aussi quelques vues sur la sauvagerie des Indiens, à travers au moins deux scènes d’attaque, et par moments la découverte de corps de colons ou d’autres Indiens suppliciés, scalpés, écorchés, éventrés, démembrés etc. Les tueurs ne sont eux-mêmes pas tous des hommes blancs, il y a parmi eux un ou deux noirs et des éclaireurs indiens. C’est donc une vision extrêmement sombre de la nature humaine qui est ici présentée, d’autant que le lecteur n’est soulagé par aucune perspective optimiste, aucune catharsis, aucun retour à la justice et à l’ordre. Il parait que l’auteur se serait inspiré de faits réels mais je ne sais quelle est la part de la documentation et celle de l’imagination. La psychologie des personnages est rarement explicitée, elle se déduit de leurs actes. En revanche le récit abonde en détails quant à la faune, la flore et la géologie des paysages traversés, la météorologie, parfois même les constellations présentes dans le ciel nocturne. Par endroits l’auteur décrit aussi avec précision le maniement des armes à feu. Les dialogues ne sont pas signalés par des tirets ou des guillemets, mais on les distingue bien de la narration. Les citations en espagnol sont toujours correctes. Les vingt-trois chapitres ne sont pas dotés de titres propres, mais chacun est introduit par un petit pavé annonçant les principales actions. Il importe de lire ces résumés contenant parfois des indications absentes du texte (ainsi au chapitre IV, où l’on annonce des cas de choléra, mais ensuite les symptômes sont décrits sans que la maladie soit nommée). Une image m’a laissé perplexe p 151, où des hommes attendent «en plissant les yeux comme des oiseaux», image reprise p 235 (début du ch XIV) où des faucons «plissaient un oeil jaune» : il me semble que les oiseaux ont toujours l’oeil rond. Un trait que je n’ai pas bien aimé dans ce livre est le personnage du «juge» Holden, bonhomme hors norme, géant obèse albinos et chauve, tyrannique et savant, sorti de nulle part et paraissant doté d’un pouvoir surnaturel. Son caractère extraordinaire n’ajoute pas au réalisme du récit, non plus que ses développements philosophiques auxquels je ne comprends rien, soit parce que je ne suis pas assez malin, soit parce qu’ils sont réellement fumeux (par exemple aux ch XIV et XVII). De même la fin mystérieuse n’est pas très à mon goût : on suppose qu’il arrive malheur au personnage principal entre les mains du juge, mais le narrateur ne dit pas ce qui est arrivé. Parmi les pages que j’ai le mieux aimées, celle qui décrit l'accoutrement hétéroclite de guerriers indiens (69), celle où l’auteur disserte sur le feu (307), celle où l’arrivée des hommes au bord de la mer offre un moment de fraicheur et de calme (378). Cet étrange roman met la sensibilité du lecteur à rude épreuve et il m’a laissé sur ma faim, mais c’est incontestablement une oeuvre intéressante, qui donne des vues saisissantes sur les formes du mal, et matière à méditer.
mardi 13 mai 2025
homophonie
Entendu sur l'auto-radio une pub qui m'intriguait, pour Mac Ciseau. Mais c'était Maxi-Zoo...
lundi 12 mai 2025
dimanche 11 mai 2025
Mauzé
Les très rares fois où je vais à Mauzé sur le Mignon, j’en tire les mêmes impressions : d’abord de ne pas comprendre comment j’ai fait pour parvenir jusqu’au centre, ensuite de ne pas mieux comprendre comment j’ai fait pour ressortir de la ville. J’ai dû n’y aller qu’une demi-douzaine de fois depuis un quart de siècle que je fréquente régulièrement la contrée. Cela tient soit au fait que Mauzé est plus éloignée, à vingt-cinq kilomètres de chez moi, que les autres petites villes des environs (Beauvoir, Aulnay, St-Jean, Surgères), soit au fait qu’il n’y a pas de route directe pour y aller, soit au fait que je me sens à chaque fois désorienté par son réseau de rues. Pourtant j’arrive toujours à m’en tirer. Ma dernière visite fut mercredi de cette semaine. J’y allais pour voir une exposition d’histoire et le marché, qui est complété d’une foire le premier mercredi du mois. J’en ai profité pour passer à la mairie demander un plan, que l’on m’a aimablement offert. J’examine le labyrinthe sur ce document pas mal fait, reproduit sur une feuille A3. Il m’aidera peut-être à me sentir moins perdu, une prochaine fois.
samedi 10 mai 2025
traquet
Jolie vision mais fugitive, au passage en voiture, d’un traquet pâtre posé sur un piquet, avec son petit col blanc impeccable.
(La photo n'est pas de moi)
vendredi 9 mai 2025
controverses
Au vu des controverses qui animent le débat public, je me pose de sérieuses questions quant à l’avenir de la liberté de conscience et d’expression. Par exemple j’ai beau chercher, je ne vois pas quelle critique d'Israël, formulée par un non-juif, ne peut être soupçonnée d’antisémitisme. De même je ne vois pas quelle critique de l’islam ne peut être accusée d’islamophobie.
jeudi 8 mai 2025
pape
Donald Trump s’est amusé à publier une fausse photo de lui déguisé en pape. Aussitôt la médiaterie, d’ordinaire si prompte à railler le catho, se déclare offusquée par l’outrage. Ben voyons. C’est une drôle d’idée, certes, mais c’est quand même une idée drôle, que cette bonne blague pas méchante. Comme il est évident que Trump ne prétend pas sérieusement à la papauté, on ne peut voir là qu’un trait d’auto-dérision bon enfant, vis à vis de ses tendances à la mégalomanie. A moins d’être de mauvaise foi…
mercredi 7 mai 2025
Loire
Ma soeur me rappelle cet alexandrin géographique scolaire de jadis : La Loire prend sa source au mont Gerbier de Jonc.
mardi 6 mai 2025
climat
Des écarts de température ces derniers jours font que l’on a d’abord eu l’impression de passer d’un seul coup de l’hiver à l’été, puis le temps s’est nettement rafraichi. Ces irrégularités existent depuis la création du monde, mais la médiaterie saute sur l’occasion pour nous asséner sa propagande. Je lis ainsi ce matin dans Google Actualités ce titre de Libération : «La France est passée du tee-shirt à la doudoune : selon une étude, le changement climatique accentue les basculements éclair de température.» Quelle niaiserie. Je ne sais pas s’il existe une réalité du changement climatique, mais je constate une fois de plus qu'il existe assurément une foutaise du changement climatique. Déjà ces mots usés : «selon une étude». Dès que nous les lisons, nous savons que la machine à débiter des conneries tourne à plein régime…
lundi 5 mai 2025
A l'aide
Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi dans certains cas, quand je copie-colle dans mon blog une note préparée ailleurs au brouillon, le texte s'affiche sur un fond blanc comme dans cet exemple ? On m'a suggéré de cliquer sur l'icône "Effacer la mise en forme" mais rien n'y fait, et mon seul recours est de re-saisir tout le texte. J'ai vu qu'il existe aussi une icône "Couleur d'arrière-plan du texte", mais je souhaiterais précisément qu'il n'y ait pas de couleur d'arrière-plan du texte, autre que le beau fond jaune. Peut-on m'aider à résoudre cet ennui ?
disparitions
Ces derniers jours j'ai appris successivement la mort de deux gentilshommes que j'ai un peu connus, il y a longtemps.
Didier Goux serait mort le premier mai. Je ne sais plus comment j'avais connu son existence. C'était un diariste, sans doute un blogueur, que je m'étais mis à lire et avec lequel j'ai eu quelques échanges. Il avait été nègre, il savait bien écrire et avait de l'humour. Il me semble que comme Renaud Camus, qu'il imitait peut-être, il donnait un titre propre à chaque volume annuel de son journal. On s'est fréquenté peu de temps avant de bifurquer. En consultant mon hyper-mémoire, c'est à dire l'index de mon journal, je trouve une seule référence à Goux, en novembre 2007, mais à la date en question le journal ne dit rien. C'est peut-être une erreur d'indexation, ou bien j'ai supprimé la note entre temps et n'en ai plus souvenir. Par contre je me souviens qu'il m'avait agacé une paire de fois par ses avis. Sur les paroles de Brassens, dont il ne voyait que les imperfections. Sur une de mes notes en septembre de la même année 2007, où je commentais la relative concision de l'anglais par rapport au français, à quoi il avait apporté une réponse du genre Et alors, on n'est pas pressé. A tort ou à raison j'avais bientôt décidé de prendre mes distances avec ce personnage, qui du reste ne m'avait pas couru après. Le temps et l'inertie faisant leur oeuvre, nous nous étions complètement perdus de vue. L'annonce de sa mort me rappelle son souvenir. Je l'apprends par une note d'un certain Georges de La Fuly, retransmise par mon correspondant Quentin Verwaerde. Malgré l'éloignement, la nouvelle me consterne. La note est illustrée par une photo de Didier Goux, dont j'ignorais les traits. Il a une bonne tête, une expression énergique et intelligente. J'apprends à cette occasion qu'il était de la même année que moi, et que ledit La Fuly.
Auparavant, dans les derniers jours d'avril j'avais appris la mort de Frédéric Renault, dessinateur connu sous le nom d'Y5/P5. Je le suppose plus jeune que moi mais n'en sais rien. Il tirait son surnom du fait qu'il avait été exempté du service militaire par la note 5, la pire, attribuée à ses Yeux et à sa Psychologie. J'aimais bien que son pseudo soit écrit avec une barre oblique entre Y5 et P5, et ainsi opportunément composé de cinq signes. Je ne sais plus si j'étais allé le voir à Paris ou si nous avions simplement correspondu. J'ai quelques lettres de lui, des années 85-88. J'ai dû le publier quelques fois dans mes revues. Après Placid, il est le seul dessinateur parisien que j'aie fait exposer à Bordeaux, chez Gilles Réthoré. Je ne sais plus en quelle année, ni qui l'hébergeait. Il était venu avec son amant Lombardi, qui voulait exposer avec lui, mais je trouvais ses dessins nuls et j'avais refusé. Mon intransigeance esthétique a probablement nui à nos relations et y a peut-être mis fin, je ne sais plus. Je ne raffolais pas de l'inspiration enfantine d'Y5, zombies squelettes etc, mais c'était un excellent dessinateur. Et calligraphe, d'ailleurs. J'ai dû ne le revoir qu'une fois, fortuitement, lors d'un voyage à Paris en juin 98 (Ld 266). C'est un dessin de lui qu'a pris Le Dilettante pour illustrer la couverture du premier volume des carnets d'André Blanchard, et il a repris le même pour les autres, en changeant la couleur. Y5/P5 avait si bien disparu de la circulation ces dernières années, qu'on le disait mort, puis il avait fini par ressusciter. Mais il semble que cette fois-ci il ait vraiment rejoint Jim Bones.
Une étude sur Y5/P5 par Eric Heilmann ici.
dimanche 4 mai 2025
classe
Ce que l'on appelle conscience de classe n'est en général rien d'autre que de la haine de classe.
mercredi 30 avril 2025
bûches
A la fin de l’année dernière, au bois de la Rigeasse, un coup de vent a fait tomber un vieil arbre. A vrai dire c’était un orme déjà mort sur pied depuis des années, qui n’avait pratiquement plus ni branches, ni écorce. Restait un gros bâton long de quatre mètres, épais de quinze à vingt centimètres. Ce bout de bois tombé dans le passage me dérangeait mais j’étais incapable de le scier ou seulement de le déplacer. Je n’avais plus embauché de bûcheron depuis des années, et ceux auxquels j’avais déjà eu recours étaient tous partis ailleurs entre temps. En cherchant un peu j’ai trouvé un gentilhomme du village, qui voulait bien me rendre service. Pour la modique somme d’un billet bleu, il a promptement débité le tronc en bûches de cinquante, puis il a travaillé une petite heure à tronçonner d’autres arbres morts dans la même parcelle. Il oeuvrait si vite et bien que je l’ai réembauché quelques jours plus tard pour en faire autant dans un autre bois. Ensuite pendant quelque temps cet hiver mes promenades quotidiennes ont eu pour but de ramasser peu à peu toutes les bûches restées éparpillées sur le sol, pour les rapporter chez moi, un panier chaque fois. J’ai ajouté le menu bois à mes réserves et j’ai créé une pile à part avec les plus belles bûches. Il y en avait une quinzaine de trop belles, qu’il fallait refendre au moins en deux. La plus grosse, je l’ai refendue en cinq. Ce bois est sec de sève depuis des années, il sera sec d’eau en quelques semaines, il brûlera dès l’an prochain. Je ne coupe pratiquement, ou je ne fais couper s’il est trop gros pour mes scies, que du bois ainsi déjà mort et bien sec, qui pourra brûler sans tarder. J’évite autant que possible mais je suis parfois obligé de couper du bois vert, le bois philosophique qu’il faut mettre à sécher au moins deux ans, le bois dont on se demande si on sera encore là pour le brûler le moment venu. Dans ces piles de bois vert, pour me souvenir de leur âge, je trace le millésime au marqueur sur au moins une des bûches. Les deux derniers chiffres suffisent, comme 25 pour cette année, il ne saurait s’agir de 1925. Je m’arrange comme ça.
Photo : à droite une pile de bois vert, avec une bûche millésimée, à gauche des bûches de vieil orme.
lundi 28 avril 2025
vins
Chardonnay d’Australie, Cabernet du Chili, Sauvignon blanc d’Afrique du Sud : mon goût de l’exotisme se satisfait des trouvailles de solderie.
dimanche 27 avril 2025
Isis
Encore un signe d’inquiétude, j’ai rêvé que je lisais dans un réseau social cette interrogation à mon propos : Philippe Billé est-il réconcilié avec Isis bis ? Des sanctions contre moi ne seraient levées qu’au prix de cette réconciliation. (PS : je relie ce rêve au fait d'avoir pensé la veille à mon copain Patrick, qui était né un 5 mai, soit un 5-5 (date double : bis). Je lui avais signalé qu'elle était citée par Bob Dylan au début de la chanson Isis, dans son album Desire : I married Isis on the fifth day of May... A la fin aussi : I still can remember the way you smiled / On the fifth day of May in the drizzlin rain).
jeudi 24 avril 2025
prénoms
Avez-vous remarqué chez certain(e)s internautes cette mode consistant à couper son prénom en deux et à doter la deuxième partie d’une majuscule, comme s’il s’agissait de deux noms distincts ? Je me suis amusé à noter les dix derniers sur lesquels je suis tombé : Cé Line, Sy Lvie, Emma Nuelle, Sam Uel, Auré Lie, Gaet Tan, Lau Rent, Doro Thée, Nath Alie, Ber Nard. Je ne comprends pas cette vogue : je ne vois pas que le procédé ait quelque utilité, et le résultat esthétique me parait affreux. Je n’en ai pas encore trouvé mais je suppose que je dois avoir ici et là des homonymes qui se présentent comme Phi Lippe, ou pire, Phil Ippe. Dieu me préserve de ces égarements…
mardi 22 avril 2025
dada
J'ai rêvé que j'étais redevenu bordelais et que j'étudiais l'histoire des éditions du Manifeste dada. Je retrouvais là des souvenirs d'Ohl, de Suel. Bref, j'ai rêvé que j'étais encore jeune...
lundi 21 avril 2025
révolutions
Il y a matière à discuter, si les révolutions politiques modifient la vie des hommes plus assurément que les révolutions techniques, ou pas. Pour ma part j’ai connu en son temps la démocratisation des moyens de reproduction visuelle et sonore, apportée par la photocopie et les bandes magnétiques. C’est maintenant la télévision qui est à la portée de tous, grâce aux téléphones-caméras et à l’accès à internet. Aujourd’hui tout un chacun, s’il est plus dégourdi que moi, peut disposer d’un public à qui exposer ses idées, ses goûts, ses travaux et ses jours. Et la taille de ce public peut passer du groupe à la foule, si l’opérateur est assez talentueux, ou habile. La notoriété ainsi acquise, qu’on l’approuve ou pas, tient incontestablement de la démocratie, et de la méritocratie.
dimanche 20 avril 2025
Walsh
Deux points de vue de Matt Walsh, publiés avant-hier et hier dans Facebook, je traduis :
L'ironie est que les bodycams étaient une idée des Black Lives Matter. Il y a quelques années, ils ont mené le combat pour rendre les caméras corporelles obligatoires. Ils disaient que cela révélerait la violence policière, que cela assurerait la transparence et contribuerait à la justice. Maintenant que l'exact contraire s'est produit, maintenant que c'est la violence criminelle qui a été révélée, ils ont changé d'avis. Tout d'un coup, les caméras corporelles sont un instrument de la suprématie blanche. Ils se plaignent que les vidéos servent à accuser "des citoyens principalement pauvres, noirs". En effet, car telles sont les personnes montrant un comportement criminel sur les vidéos. BLM exigeait des bodycams. Ils les ont eues. Maintenant ils le regrettent.
Je ne comprends pas les gens qui baissent le rideau du hublot, en avion. On est à 10.000 mètres d'altitude. Vous ne voulez pas profiter de la vue? On est carrément au-dessus des nuages, Grand Dieu. Pendant des millénaires, les gens n'ont pu que rêver d'un tel point de vue. Et vous baissez le rideau. J'ai fait des centaines de vols et je ne me lasserai jamais du spectacle. Laissez le rideau levé. Même la nuit. Plongez vos regards dans l'abîme noir. Dans le vide. Contemplez-le. Le problème est que le passager près du hublot pense qu'il a l'autorité pour contrôler le rideau sans consulter le reste du rang. Ce hublot nous appartient à tous. Vous ne pouvez pas nous boucher la vue sans nous demander notre avis.
(Textes originaux : The irony is that bodycams were BLM’s idea. Just a few years ago, they led the charge for mandatory body cameras. They said it would expose police brutality, increase transparency, and lead to justice. And now that it’s done exactly the opposite — now that it’s exposed violent criminals instead — they’ve changed their tune. Suddenly, bodycams are a tool of white supremacy. They complain that the footage is being used to prosecute “largely poor, largely Black citizens.” Of course it is — because those are the people committing the crimes on video. BLM demanded bodycams. They got what they wanted. And now they regret it. --- I don’t understand people who keep the window shade down on a plane. We’re 35,000 feet in the sky. You don’t want to check out the view? We’re above the freaking clouds, for God’s sake. Humans could only dream of a view like this for millennia. And you have the shade down. I’ve flown hundreds of times and will never get tired of the view. Always keep the shade up. Even at night. Stare out into the black abyss. The void. Contemplate it. The worst part is that the window seat passenger thinks he has the authority to control the shade without consulting the rest of the row. That window belongs to all of us. You can’t shut off our view without asking first.)
jeudi 17 avril 2025
piraterie
J’ai lu avec intérêt l’ouvrage de Roland Courtinat sur La piraterie barbaresque en Méditerranée : XVIe-XIXe siècle (Editions Jacques Gandini, Nice, 2003). A vrai dire il y a eu de la piraterie un peu partout depuis que la navigation existe, mais le livre porte presque uniquement sur Alger, restée la seule base permanente et irréductible de piraterie pendant toute cette période, correspondant à la régence turque de la ville. La piraterie était d’ailleurs la seule source de revenus d’Alger, dont l’économie était entièrement parasitaire. L’auteur distingue les purs pirates des corsaires, la course étant une piraterie officielle et légale au service d’un état, et la piraterie une activité de hors-la-loi. Dans le cas des Barbaresques nord-africains, elle ajoutait au vol des embarcations et des cargaisons la réduction en esclavage des personnes : esclavage sexuel pour les femmes, qui n’en revenaient jamais, enrôlement des enfants dans les troupes de janissaires, travaux forcés pour les hommes, aux bagnes ou aux galères (j’apprends en l’occurrence la parenté des mots bain et bagne, un bagne italien ayant été jadis bâti sur d’anciens bains). La piraterie barbaresque ajoutait aussi aux exactions en mer des razzias à terre sur les côtes espagnoles, françaises et italiennes. Cette piraterie fut un des aspects de l’affrontement entre chrétienté et islam, avec des ambiguïtés, puisque nombre de pirates ne furent que des renégats chrétiens ayant changé de camp, certains forcés par le destin, d’autres par goût de l’aventure, dont le célèbre Barberousse. Après avoir bien fait chier toute la Méditerranée occidentale pendant plus de trois siècles, Alger a fini par subir les conséquences de l’évolution progressive du rapport de force en faveur des Européens, et c’est ainsi qu’en 1830 les Français ont fini par appliquer le seul moyen d’avoir la paix avec cette ville, qui était d’en prendre le contrôle. Peuple bricoleur, les Français ont ensuite eu l’idée de créer autour un nouveau pays, l’Algérie, dont le nom n’apparait qu’en 1834. Etait-ce bien nécessaire ?