(Pour Dominique L, que cette histoire intéressait). Un beau jour quelqu’un offrit un plant de Ginkgo biloba, haut d’un mètre, à la jeune Laeti, laquelle, ne sachant qu’en faire, l’offrit à sa mère, laquelle, ne sachant qu’en faire non plus, et se trouvant être mon aide de camp, me l’offrit à son tour, puisqu’il est connu que j’aime les arbres et que j’ai des terres. Mais la chose ne va jamais de soi, quand les terres sont déjà peuplées. Tous les bois vous disent : Ici c’est complet. Il faut s’arranger. Tout bien considéré, je plantai le scion à la Rigeasse, un bosquet triangulaire au milieu des champs, non loin du village. On verrait bien. L’arbre mourut je crois dans l’année qui suivit. J’en fus désolé mais guère surpris. Outre que l’espace déjà boisé n’est pas accueillant aux intrus, il faut encore que ceux-ci survivent à la sécheresse, à la pourriture, à l’ombre, au soleil, au gel, à la dent des herbivores, à la chimie du sol, à la main des voleurs, bref à tous les dangers, si bien que mon taux de réussite en ce domaine est fort modeste. Les années passèrent. Il y en eut quelques unes où je ne mettais plus les pieds dans ce coin, que la broussaille regagnait, puis je le reconquis, je l’ai même bien éclairci, et chaque fois que je passais par là, j’hésitais à arracher la pauvre tige du ginkgo desséché. Or voilà qu’un beau jour de printemps, l’an dernier, que vois-je soudain, à quelques centimètres à côté du petit tronc mort depuis plus de dix ans : une nouvelle pousse de ginkgo, dressant son double décimètre orné de quelques feuilles pimpantes. J’étais enchanté de cette résurrection inattendue. Cela paraissait incroyable mais il fallait admettre que pendant toutes ces années, bien que la tige fût morte, quelque chose survivait dans la motte des racines avec assez d’énergie pour se remettre enfin à pousser. Aussitôt je pris quelques mesures de sécurité, j’entourai la plante d’un bout de grillage, je veillai à porter de l’eau. A l’automne, je trouvais mauvaise mine à mon protégé. Ses feuilles prenaient un vilain marron au lieu d’un beau jaune. Cet hiver plus d’une fois la petite pousse m’a paru tout à fait morte. Mais enfin je viens de voir qu’elle bourgeonne de nouveau. Tout n’est pas perdu.
Photo Josiane Suel, septembre 2022.
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