mercredi 31 août 2022

cet été

Cet été il n’y a pas eu de prunes, sans doute parce qu’il a gelé au mauvais moment au printemps. D’habitude à la saison, on patauge dans la compote dès qu’on a l’imprudence de marcher sous les pruniers, mais cette année l’herbe est propre, on ne se salit pas les semelles. L’herbe ou ce qu’il en reste, la sécheresse est passée par là.
Je n’ai pas non plus mangé de raisins, parce que les oiseaux les ont tous dévorés avant même qu’ils ne soient mûrs, avant la mi-août.
Vers la fin juillet je suis devenu propriétaire d’une petite tortue de Hermann âgée d’un an. Sa carapace ne mesure que neuf centimètres de long et la bête entière ne pèse que 123 grammes. On me demande comment je l’appelle et je ne sais que dire, n’étant guère inspiré pour baptiser les animaux. (Je lui cherche un nom en D, si l’on a des idées…)
Les lérots sont discrets, je ne les entends pas, je n’en ai pas pris dans mes nasses depuis la fin juin.
Je m’attendais à recevoir quelques visites humaines et finalement personne n’est venu, ou quasi. C’est un peu décevant mais ce n’est pas bien grave. Et puis entre le chat sdf, les poissons, les deux cailles et la tortue, je ne manque pas de compagnie. Comme disait le poète, il ne se passe rien mais je ne m’ennuie pas. Ah, mais j'attends quand même un couple de héros, qui devrait s'aventurer dans ma brousse à la fin de la semaine.

lundi 29 août 2022

supplément

 

Longtemps ce beau titre m’a fait rêver, Supplément au Voyage de Bougainville, et je viens de déchanter en prenant connaissance du bref ouvrage que Diderot a composé en 1772, soit peu après que ledit Bougainville eut fait paraître son Voyage autour du monde, lequel avait eu lieu de 1766 à 1769. Le Supplément se présente sous la forme d’un dialogue entre deux interlocuteurs, A et B, que l’on pourrait définir grosso modo comme A l’ingénu et B le malin, ce dernier représentant bien entendu les grosses idées de Denis l’éclairé. Ce dialogue en cinq chapitres est entrecoupé par la harangue d’un vieillard tahitien (chapitre II) puis par une discussion entre un aumônier et le Tahitien Orou (III & IV). Ce que l’on voit à l’œuvre dans cette fiction, c’est le mythe du Bon Sauvage dans toute sa balourdise. On en apprend moins là-dedans sur les mœurs véritables des Sauvages, que sur les fantasmes de l’intellectuel occidental typique ébaubi, tout occupé à se dégueuler sur les pieds en faisant l’éloge de l’Autre, qu’il trouve tellement admirable. Le thème général est donc l’opposition entre le gentil sauvage tahitien, qui est «innocent et doux» (I), inspiré par «le pur instinct de la nature» (II) et les vilains Européens, décrits ici et là comme «ces hommes ambitieux et méchants… leurs extravagances et leurs vices» (II). En résumé : «la vie sauvage est si simple, et nos sociétés sont des machines si compliquées» (I) … «leur barbarie est moins vicieuse que notre urbanité» (V). Les démonstrations du philosophe sont ainsi imprégnées de niaiserie, et non exemptes de maladresses ou d’erreurs, dont je citerai quelques exemples. En prêtant aux Tahitiens des propos méprisants envers les Européens, il les dépeint involontairement comme étant d’une belle muflerie : «Laisse-nous nos mœurs, elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes» (II) … «vous êtes plus barbares que nous» (IV). Quelle suffisance… Il y a aussi ce passage embarrassant, où Orou déclare «nous nous sommes aperçus que vous nous surpassiez en intelligence» (IV). Egalement gênant, le long et pesant éloge de la supposée hospitalité sexuelle des Tahitiens (III-IV). Je ne sais quelle est la part du réel ou de l’imaginaire à ce sujet, mais en admettant que les Tahitiens aient en effet proposé aux voyageurs de coucher avec leurs femmes et leurs filles, qui plus est avec insistance («je te supplie de te prêter aux mœurs de Taïti», III), je ne vois rien de bien appétissant dans cette promiscuité et je doute que la pratique ait bénéficié de l’assentiment général des Tahitiennes. Dans l’histoire, Orou insiste si bien auprès de l’aumônier («Elles m’appartiennent et je te les offre», III) que celui-ci finit par céder et s’enfile successivement les trois filles puis la propre femme de ce bon Orou. Sans blague. Plus débile encore, l’idée que ce sont les préjugés religieux «opposés à la nature et contraires à la raison» (III) qui font que les civilisés se défient de l’inceste et de l’adultère («l’inceste ne blesse en rien la nature», IV). Je tiens aussi pour totalement fausse l’affirmation «qu’on n’a jamais vu l’homme de la forêt se vêtir et s’établir dans la ville» (V). On aura compris que cette œuvre ne m’a pas bien convaincu. Mais enfin, pour dire que je n’y ai pas trouvé que des sujets d’accablement, je citerai l’intéressante remarque d’A, sur la question de savoir «pourquoi les hommes faisaient la cour aux femmes, et non les femmes la cour aux hommes», à quoi quelqu’un aurait répondu «qu’il était naturel de demander à celui qui pouvait toujours accorder» (V). Là-dessus B présente l’objection que «Cette raison m’a paru de tout temps plus ingénieuse que solide». J’aime bien ce trait.

jeudi 18 août 2022

Rushdie

 Il paraît que Les versets sataniques sont redevenus un best seller depuis que leur auteur s’est fait poignarder à New York la semaine dernière. Je ne sais ce que j’en penserais aujourd’hui, je me souviens que j’avais essayé de les lire à l’époque et que ça m’avait plutôt fait l’impression d’être Les versets soporifiques. Je me sens tout à fait solidaire de Salman Rushdie mais l’enthousiasme public et médiatique me semble en partie douteux. A mon avis ce n’est pas parce qu’il est génial que cet écrivain est attaqué, et ce n’est pas parce qu’il est attaqué qu’il est génial. Il ne faut pas tout mélanger. Pas d’amalgame !

jeudi 11 août 2022

Papalagui

Un ami taquin, monsieur Bruno R, m’envoie de Paris un livre de poche. «Si tu connais pas ? Des Lettres persanes gauchistes !» Je feuillette ce chef d’œuvre, Le Papalagui, dont l’édition originale en allemand remonte à 1920, et dont la traduction que j’ai entre les mains a paru chez Pocket en 2006. L’ouvrage est censé transcrire «les étonnants propos de Touiavii», chef de tribu des îles Samoa, décrivant le «papalagui», c’est à dire l’homme blanc. Lesdits propos auraient été recueillis par un certain Erich Scheurmann (1878-1957), qui les a peut-être un peu arrangés. Je peux vous résumer le contenu du livre, identique à quelque page qu’on l’ouvre : l’homme blanc est très con, à la différence de l’indigène, qui est un gros malin. Je lis dans Wiki que l’auteur, du genre touche-à-tout, a exercé entre autres le métier de marionnettiste. C’était, j’imagine, une vocation.

mercredi 10 août 2022

rêves

 Actualité du rêve. Un de mes correspondants, monsieur Romain D, m’écrivait ceci la semaine dernière : «J'ai rêvé hier que je lisais un texte de vous dans lequel vous-même racontiez un rêve dans lequel un compositeur du nom d'Eduardo Vanini avait écrit une pièce ayant la propriété de repousser les vampires. Et vous vous adressiez au compositeur : Eduardo, il faut dire que s'il y a une pièce où tu es anti-vampire …, c'est bien celle-là!» Le nom m’a fait penser à celui de Marc-Edouard Nabe (Zannini) mais ce rêveur ne le connait pas. Et pour ma part, à quelques jours de là, j’ai rêvé qu’une commère, dans la rue, disait à une autre, comme on énonce un proverbe : «Le sac a accouché du pont.»

Je ne comprends pas pourquoi le texte de cette note apparait sur des lignes blanches.

mardi 9 août 2022

Schmidel

 Le dernier numéro du Bulletin hispanique, daté de juin, mais qui ne m’est parvenu qu’hier, contient dans sa section Varia mon article sur «La faune sud-américaine dans le récit de voyage d’Ulrich Schmidel». Pour moi qui ne suis pas souvent publié, c’est une satisfaction.

lundi 8 août 2022

denrées

Je ne consomme pas beaucoup de moutarde mais je tâche d’en avoir toujours un pot chez moi, ne serait-ce qu’à l’usage d’éventuels commensaux, ma préférence allant à celle avec des graines. Or il se trouve que ces derniers mois j’ai aussi acheté à Inter un petit pot de moutarde anglaise Colman’s, pour l’exotisme, et chez Noz, pour la même raison et pour le bon prix, un pot de moutarde tchécoslovaque. Si bien qu’au moment où, paraît-il, le produit manque dans le pays, j’en ai dans mon frigo plus qu’il n’en faut.
     Pourquoi est-il maintenant devenu si difficile d’acheter du pain de mie simple, c’est à dire du pain de mie nature-normal-classique, sans être obligé de prospecter laborieusement parmi soixante-quatorze variétés de pain de mie complet, sans gluten, sans croûte, spécial sandwich, longue conservation, extra-moelleux et je ne sais quoi d’autre, quand seulement il s’y trouve ?

jeudi 4 août 2022

Léautaud

 Propos d’un jour (Mercvre de France, 1964) est un recueil d’aphorismes et de fragments rédigés à diverses époques par Paul Léautaud. Il y parle beaucoup de l’amour, sur lequel il a des vues matérialistes, considérant que la chair prime sur les sentiments. Ce n’est pas mon sujet favori, et je ne partage pas toutes les idées de l’auteur, mais j’aime bien son ton, parfois sa justesse : «L’amour, sans la jalousie, n’est pas l’amour» (page 39). Sur bien des sujets il a ses partis pris : il déteste les Polonais («Race abominable», 124), admire les Vendéens qui «se soulevèrent pour n’être pas soldats par force, grand exemple … du véritable amour de la liberté» (132), déplore qu’un étudiant juif se soit fait rosser par des crétins d’Action française (70), se moque des «Anes à diplômes, qui n’en restent pas moins des ânes» (88). Je n’aimerais pas accueillir comme lui chiens et chats dans ma maison, surtout en nombre, mais je comprends et j’approuve sa charité envers les animaux. Belle anecdote à propos d’un soir de mauvais temps, où quatre chats du voisinage se sont réfugiés dans sa maison toujours ouverte : «Quand je fais mon dernier tour à minuit, je les trouve dans la cuisine, ouvrant de grands yeux inquiets, dans la crainte d’être chassés. Je fais comme si je ne les voyais pas» (150). Il a aussi une page émouvante sur le triste sort des chevaux de mine, condamnés à passer vingt ans sous terre sans revoir le jour et ne ressortant que pour aller à l’abattoir : «quand de jeunes chevaux arrivent dans la mine, pour y trouver le même sort, les vieux viennent à eux, les examinent, les flairent, comme pour respirer sur eux l’odeur de l’air et du grand jour…» (151). Léautaud raconte qu’une fois, un rustre dans la rue l’ayant bousculé et invectivé en lui lançant «Va donc, espèce d’enc…», il lui a répondu «on n’en dira pas autant de vous, vous n’êtes pas assez joli» (132). Cet incident me rappelle la réplique encore plus lapidaire d’un opprimé, sous mes fenêtres jadis à Bordeaux. Un autre lui ayant lancé «Je t’encule !», il avait rétorqué «Ben pas moi, t’es pas assez beau.» Il arrive à Paul de se contredire, par exemple il juge tantôt que sa vie a valu le coup, et tantôt qu’elle a été médiocre (magnifique paragraphe où il répète vingt fois l’adjectif «mauvais(e)» à propos de tous les aspects de son existence, 127). Autre exemple, il affirme ici que «Rien n’apprend à bien écrire comme la lecture des mauvais écrivains» (129) et conseille là, à celui qui veut écrire, de ne lire «rien de bas…, de commun…, de servile…, de populaire…», de chercher «toujours haut et libre» (137). Mais il pondère plus loin qu’ «Il n’est pas de sentences, de maximes, d’aphorismes, dont on ne puisse écrire la contre-partie» (145). Il cite à deux reprises le mot de Sainte-Beuve, selon qui «Un membre de l’Académie écrit comme on doit écrire. Un homme d’esprit écrit comme il écrit» (93, 153). En effet Léautaud est d’avis qu’il faut rechercher la spontanéité, l’improvisation (131), plutôt que la correction. Il prise moins le grand style que celui de la conversation écrite (92, 158). Je suis assez d’accord avec ce point de vue, sans aller jusqu’au culte du premier jet. A mon sens, un peu de polissage ne nuit pas.

mercredi 3 août 2022

brocante

 Rude épreuve le week-end dernier, où j’ai pris part au vide-grenier de Prissé-la-Charrière, samedi et dimanche. Je n’en ai tiré qu’un peu plus de quatre-vingts euros mais ce n’est pas mal, en négociant surtout de petites marchandises au prix moyen d’un euro. Des livres et des objets, principalement de la vaisselle. Le deuxième jour j’ai renoncé aux livres, en ayant trop peu vendu la veille. La vente la plus étonnante dans cet arrière-pays a été celle d’une Introduction à la philosophie médiévale. Il faisait chaud mais j’étais installé par chance à l’ombre des arbres. Le seul incident déplaisant est que je me suis fait arnaquer par un Arabe, qui m’a fourgué ce qui avait tout l’air d’une pièce de deux euros, et quand je me suis aperçu que ce n’en était pas une, l’escroc avait filé depuis longtemps. Comme je n’étais pas bousculé par la clientèle, j’ai eu le temps de lire deux petits livres que j’avais emportés. D’abord une chronique, intéressante mais sans plus, sur l’histoire d’une famille de colons viticulteurs en Algérie, avant l’Indépendance. Ensuite un recueil d’aphorismes de Paul Léautaud, qui m’a bien plu, j'en parlerai demain.

mardi 2 août 2022

Olavo

 Bref dialogue du regretté Olavo de Carvalho, publié sur son compte Facebook le 2 août 2017, je traduis :
Dialogue en voiture.
Moi : - C'est tout droit, chérie. Tu ne sais plus revenir à la maison ?
Roxane : - C’est qu’il fait nuit.
Moi : - Mais la nuit, la maison est au même endroit.

(Diálogo no automóvel:

Eu: -- É só seguir em frente, muié. Você não sabe mais o caminho de casa?

Roxane: -- É que é de noite.

Eu: -- Mas de noite a casa está no mesmo lugar.)