dimanche 31 décembre 2023

dernière

(réédition)

Lettre documentaire 341.  Décembre 2000

LA DERNIÈRE FOIS, par Michel Ohl


Extrait d’un courrier de M Ohl relatif à G Simenon, mars 2000


     «J’ai parlé, il y a je ne sais plus combien de temps, de ce que j’appelais «La dernière fois que...». La dernière fois que j’ai joué au golf, la dernière fois que j’ai fait du ski, la dernière fois que j’ai joué au bridge, la dernière fois que j’ai nagé dans ma piscine d’Epalinges, la dernière fois que je suis monté à cheval, etc, etc. Je crois avoir signalé alors qu’au fond ces «dernières fois» n’ont rien de dramatique. D’ailleurs, on ne sait jamais quand elles ont lieu. On monte à cheval comme tous les jours. Puis, quelques mois après, on se demande à quelle date on a cessé de monter. Chaque premier de l’an, je ne peux m’empêcher de me demander : Est-ce la dernière fois que...»

     Simenon dicte ces mots le 1er janvier 1976 (A l’abri de notre arbre). Il a 73 ans. Il meurt en 1989. Les «dernières fois» qu’il évoque sont vraiment pour lui les dernières dernières. Il n’envisage pas de rejouer au golf ou au bridge. C’est un jeu de vieux et de malades.

     LA DERNIÈRE FOIS QUE

     - je suis allé au cinéma : en 85 ou 86, avec Lise et mon frère Jean-Pierre : adaptation de Au-dessous du volcan.

     - je suis allé chez le coiffeur : en 68 à Mimizan-Plage, au salon de coiffure qui est devenu le bar Palace Beer. Depuis, m’ont coupé les tifs : ma mère, une ou deux amies, Lise.

     - j’ai pris un bain de mer : été 68, plage de Catalogne du côté de Tarragone, au retour d’un voyage à Alicante avec un copain de Mimizan d’alors.

     - j’ai quitté la France : idem.

     - j’ai piloté une bagnole : celle de Lise en juillet 79 au Pays Basque. Elle s’était blessée au pied, je l’ai conduite à la clinique de Saint-Etienne-de-Baïgorry.

     - j’ai assisté à un match de rugby dans un stade : Toulouse, demi-finale du championnat de France 1960 (59? 61?) opposant Béziers à Agen.

     - j’ai pris une vraie cuite : le 10 (11?) octobre 1997 au Castans (avec traversée du Salon du Livre).

     J’en ai marre de ce jeu.

samedi 30 décembre 2023

lierre

 Détruis du lierre tous les jours : si tu ne sais pas pourquoi, lui le sait.

vendredi 29 décembre 2023

jeudi 28 décembre 2023

trois

(réédition)

Lettre documentaire 338

Novembre 2000

 

LE LIVRE DE TROIS

Les éditions Quaderns Crema, de Barcelone, ont réédité en 1997, par les soins de Martí de Riquer, un petit ouvrage catalan anonyme de la fin du XVe siècle, le Llibre de tres. Cet opuscule est un recueil d’aphorismes ternaires, amusant car il est partiellement parodique. On y trouve en effet mélangées des maximes d’une piété respectable mais banale, et d’autres qui intriguent par leur incongruité ou leur bizarrerie. En voici un choix, mis en français pour nos lecteurs.

 

     (7) Trois choses sauvent l’homme : le Père, le Fils et le Saint Esprit.

     (8) Trois choses damnent l’homme : pécher, continuer de pécher, et ne pas s’en repentir.

     (9) Trois choses conservent la jeunesse : engendrer jeune, vivre chastement, et allègrement.

     (10) Trois choses rendent l’homme bientôt vieux : engendrer vieux, naissance à la nouvelle lune, et peur de la mort.

     (11) Trois choses rendent l’homme riche : soin d’accumuler, diligence à conserver, et se garder du mal.

     (12) Trois choses rendent l’homme pauvre : négligence, intempérance, et mauvaise compagnie.

     (13) Trois choses rendent l’homme joyeux : santé, richesse, et plaisante compagnie.

     (14) Trois choses rendent l’homme joyeux : bien manger, bien boire, bien dormir.

     (16) Trois choses rendent l’homme triste : ventre vide, cul coulant, et mauvaise nuit.

     (19) Trois choses font l’homme bientôt gras : souffler sur le feu, élever des abeilles, et trainer au cellier.

     (20) Trois choses honorent l’homme : richesse, naissance, et beau vêtement.

     (21) Trois choses déshonorent l’homme : parler mal, être mal habillé, et envoyer des vents par derrière.

     (22) Trois choses trompent le jeune homme : pluie fine, vin doux, et larmes de pute.

     (23) Trois choses font l’homme sage : beaucoup vivre, beaucoup lire, et beaucoup voyager.

     (24) Trois choses rendent l’homme sot : ne pas sortir de son trou, ni rien lire, ni écouter de sermons.

     (25) Trois choses sont difficiles pour tous : moucher la chandelle, juger équitablement, et torcher le cul d’un petit.

     (26) Trois choses font sortir l’homme de chez lui : fumée, pluie, et mauvaise femme.

     (29) Trois choses défont l’homme : mauvaise femme, bouche gourmande, et mauvaise langue.

     (37) Trois choses font un bon roi : justice, miséricorde, et bon conseil.

     (38) Trois choses font un bon roi : qu’il ne soit pas invisible à son peuple, qu’il entende souvent la messe, et qu’il garde son pays en paix.

     (39) Trois choses font un bon roi : qu’il ait bonne compagnie, ne dépense pas plus qu’il ne gagne, et se fasse craindre en plaine comme en montagne.

     (42) Trois choses font une bonne reine : écouter pieusement la messe, ne pas aimer l’avarice, et ne pas s’éloigner de ses demoiselles.

     (43) Trois choses font une mauvaise reine : aimer l’avarice, ne pas supplier pour les injustement condamnés, et aller peu à la messe.

     (45) Trois choses font un mauvais chevalier : ne pas tenir parole, maltraiter ses hommes, et ne pas les défendre.

     (46) Trois choses font le bon prêtre : fuir le temporel, rester près du missel, et ne pas toucher la braguette.

     (54) Trois choses font le bon commerçant : dire la vérité, tenir sa promesse, et ne pas tromper son compagnon.

     (60) Trois choses font le bon jardin : fort bêcher, vieux fumier, et bonne plantation de choux.

     (78) Trois choses font une dame pieuse : peu parler, prier Dieu, et jeûner souvent.

     (80) Trois choses font une dame laide : nez de travers, yeux louches, et bouche tordue.

     (81) Trois choses font une dame déplaisante : couleur de melon mûr, seins secs, et hanches étroites.

     (88) Il y a trois plaisirs en ce monde : boire à la taverne, coucher au bordel, et chier dans le pré.

     (89) Trois plaisirs sont : l’été dormir seul, l’hiver faire un nid, et bons chapons sur la braise.

     (96) Trois douleurs sont : mal aux yeux, mal aux dents, et puce à l’oreille.

     (103) Trois choses font dormir l’homme : beaucoup manger, beaucoup boire, beaucoup veiller.

     (104) Trois choses font dormir : dire des prières, avoir la fièvre, et ne rien dire.

     (105) Trois choses empêchent de dormir : peur, douleur, et faim.

     (106) L’âne fait trois choses en même temps : il brait, siffle et piaffe.

     (107) L’hirondelle fait trois choses en même temps : elle vole, chie et mange.

     (111) Il y a au monde trois grandes choses : foi de chrétiens, fête de juifs, et justice de maures.

     (112) Trois choses défont la terre : voleurs que l’on n’ose punir, prêts à taux excessif, et mauvaises récoltes.

     (113) Trois peurs sont : perdre sa place, avoir le cancer, et chier du sang.

     (114) Trois effrois sont : éclairs, tonnerre, et diable.

     (115) Il y a trois sortes de pets : bruyants, silencieux, sifflants.

     (121) Trois choses font un bon sermon : sagesse, beau parler, et brièveté.

     (122) Trois choses font une bonne invitation : belle maison, bonne cuisine, et bonnes manières.

     (123) Trois choses font une belle fête : messe solennelle, bien manger, et puis danser.

     (126) On doit se méfier de trois choses : du courant d’air, d’un ami réconcilié, et de la chair deux fois cuite.

     (127) Trois choses font vivre longtemps : peu manger, se tenir au chaud, et être joyeux.

     (130) Trois choses font bien s’entendre mari et femme : qu’ils soient loyaux l’un envers l’autre, que la dame soit obéissante, et qu’elle le garde propre.

     (133) Le jeu fait faire trois choses : renier Dieu, dilapider ses biens, et oublier ses amis.

     (134) Trois puanteurs dépassent tout : pet de chou, rot de rave, et cadavre.

     (136) Trois règles sont à suivre en été : bien boire, bien manger, et peu marcher.

     (139) Trois fois sont peu estimées : foi de boucher, d’usurier, et de maquereau.

     (140) Le jeûne apporte trois biens : mérite envers Dieu, chasteté, et sainteté.

     (142) Il y a trois sortes de vins : frais, fin et fort.

     (158) Trois choses sont bonnes et seraient de grand prix s’il ne s’en trouvait qu’aux Indes : ail, chou et mouton.

     (160) Des gens de trois conditions peuvent mentir à leur guise : un grand seigneur devant ses vassaux, un vieillard devant les jeunes, et qui parle d’un pays lointain.

     (171) Il y a beaucoup d’autres trois, mais ... je n’en dis plus : prenez ce qui vous sera bon, et laissez le reste.

mercredi 27 décembre 2023

proverbes

    Le livre des Proverbes me semblait prometteur et je l’ai enfin lu la semaine dernière, en alternance dans la Bible Second disponible sur Wikisource, et dans une petite Bible de Jérusalem de poche, que l’on mettait à ma disposition. Je suis bien déçu de ces proverbes pâlots, sans grand intérêt, ressassant le plus souvent des banalités, genre les bons ont raison et les méchants ont tort, et des absurdités, genre les bons seront récompensés et les méchants châtiés de leur vivant. Un trait sympathique toutefois est l’association fréquente de la piété à l’intelligence. Cela me rappelait la belle formulation lue jadis dans je ne sais plus quelle traduction des Psaumes : «Des cieux, le Seigneur s’est penché vers les hommes, pour voir s’il en est un d’intelligent, qui cherche Dieu» (Ps 14:2). J’ai noté le proverbe 13:7, «Tel joue au riche qui n’a rien, tel fait le pauvre qui a de grands biens», lequel a peut-être inspiré la pensée 2135, plus explicative, du marquis de Maricá : «Les riches se déguisent en pauvres pour ne pas être importunés, les pauvres en riches pour obtenir crédit et confiance». J’ai aussi remarqué vers la fin du livre la jolie petite suite de proverbes numériques, du type Il y a trois choses (ou quatre) qui font ceci ou cela (Pr 30:15 à 30:33), lesquels me rappelaient le Llibre de tres anonyme catalan, dont j’avais traduit des extraits jadis dans ma Lettre documentaire 338.

Je pense qu'il faudrait mettre en ligne cette bonne Ld qui n'a existé qu'en papier.

mardi 26 décembre 2023

Depardieu

    Ma participation aux polémiques du moment : qu’il ait du talent comme acteur n’empêche que Depardieu soit un gros veau manquant de finesse.

lundi 25 décembre 2023

Alexakis

Vassilis Alexakis aurait quatre-vingts ans aujourd’hui. J’ai vu hier soir sa date de naissance dans Wiki. Je pensais à lui parce que récemment j’ai trouvé dans une boite son livre Paris-Athènes, que j’aimerais lire bientôt. Je me souviens qu’en 1986 j’avais transcrit un texte de lui entendu sur France Culture et qu’il m’avait autorisé à le reproduire dans ma revue Bizaar. C’était une interprétation fantaisiste du tableau de Manet Le balcon, qui me faisait rigoler parce qu’il disait que le personnage central était en train de fumer une cigarette de hachich. J’aimais bien entendre la voix nasale et trainante d’Alexakis à la radio, dans les époques...

vendredi 22 décembre 2023

Giuliani

    Je suis abasourdi par le verdict prononcé dernièrement contre Rudy Giuliani, ancien maire de New York et ancien avocat de Trump, soupçonné d’avoir calomnié deux assesseuses électorales, qu’il accusait d’avoir fraudé en 2020. Jugé coupable, il est condamné à leur verser la bagatelle de 148 millions de dollars. Même s’il était vraiment coupable (je n'en sais rien) cette somme astronomique me paraît relever du délire plus que de la justice.

jeudi 21 décembre 2023

Paris

    Cette petite lettre parisienne postée rue de Lourmel en janvier 1951, et que je viens de trouver entre les pages d'un livre de boite à livres, m'a amusé :
    Le 10 janvier 
    Ma chère Bianca
Je vous écris de mon lit où un fort mal de gorge me donne un peu de fièvre et beaucoup de fatigue. Ceci pour vous dire
1°) que je suis navrée mais que je crois qu’il ne faut pas compter sur la fameuse perle de f. de ménage : il paraît que dans la dernière place où elle était on l’a éreintée et elle trouve que rue de Prony c’est trop loin pour elle qui habite rue Lecourbe. Du coup elle ne viendra pas chez moi puisque je ne peux la prendre tous les jours.
2°) Voulez-vous venir dîner samedi soir avec les Griffet. Comme ça on se verrait 1 peu car dimanche nous sommes pris. Mais si ça ne vous dit rien d’être avec eux vs n’avez qu’à le dire. Je vous embrasse bien fort ainsi que votre homme et Cricri. Renée

lundi 18 décembre 2023

lgbtude

Il demeurait plongé dans un état de profonde LGBTude, dont il ne parvenait à s’extraire.

dimanche 17 décembre 2023

bibliothèque

    J’ai regardé sur YouTube une vidéo de la revue Eléments où l’on visite La bibliothèque d’Alain de Benoist, qui serait la plus grande ou du moins l’une des plus grandes biblis privées d’Europe, avec ses 100.000 volumes. J’avais déjà vu mentionner ce chiffre, si imposant qu’il me paraissait douteux. Mais après tout, pourquoi pas ? Les bibliothécaires considèrent qu’une étagère d’un mètre de long contient en moyenne 50 livres, et qu’ainsi 100 livres occupent 200 centimètres. Cent mille livres remplissent donc 200.000 centimètres linéaires, soit deux kilomètres d’étagères. Si les étagères sont superposées par dix (cela semble être tantôt moins et tantôt plus chez A de B), il leur faut 200 mètres de longueur de murs, ce qui paraît possible, surtout si ladite bibliothèque est répartie à ce qu’on dit entre deux maisons... Une belle collection, en tout cas, et qui a l'air bien ordonnée, ce qui est essentiel.

samedi 16 décembre 2023

porte


    Comme il n'y a pas de houx dans le coin, cette année j'ai décoré ma porte avec un rameau de cotoneaster, piqué à une branche qui dépassait d'un mur.

vendredi 15 décembre 2023

exposition

Ces deux dernières semaines, du 1 au 14 décembre, j’ai eu l’occasion d’exposer quelques uns de mes collages au Moulin à Café, le café associatif de Doeuil sur le Mignon, à une petite dizaine de kilomètres au nord-ouest de la Croix. Comme il fallait intituler la manifestation, j’ai choisi la formule Peindre avec des ciseaux (piquée à un article de jadis dans Libération, sur Roman Cieslewicz l'homme qui peint avec des ciseaux). J’exposais là seize collages à proprement parler, plus une transparition (Autoportrait au Natal, 1988) et un caviardage exquis (Le lendemain, 2020). A vrai dire il n’y avait pas foule au vernissage, mais j’ai encore accueilli quelques visiteurs tardifs les jours suivants et bénéficié du public venant au café pendant les créneaux d’ouverture. Après quelques tentatives infructueuses dans d’autres communes du voisinage ces derniers mois, c’était une expérience bien aimable, que de pouvoir montrer un peu mes images dans ce local très accueillant.

Photo D Berton.

Oeuvres exposées :

Autoportrait au Natal, 1988. Transparition, 19 x 29 cm.

Portrait sans titre, 05 I 2008. Collage, 10 x 15 cm.

Portrait sans titre, 20 VI 2009. Collage, 10 x 15 cm.

Calligrammes, 2 VIII 2010. Lettrage, 8 x 10 cm.

Portrait à l'antique aux yeux bleus, 2016. Collage, 10 x 14 cm.

Portrait sur fond ligné, 2016. Collage, 10 x 10 cm.

Season, 2016. Lettrage, 9 x 9 cm.

Rembrandt, 2018. Lettrage, 10 x 15 cm.

Bacubas, 2019. Collage, 7 x 10 cm.

Portrait abyssin, 2019. Collage, 8 x 13 cm.

Not-red-ame, 2020. Lettrage, 9 x 11 cm.

Le lendemain, 2020. Caviardage, 8 x 11 cm.

Paysage d'après Seurat, avril 2020. Collage, 10 x 14 cm.

Hellène, 2021. Collage, 9 x 14 cm.

Vincent, 2021. Collage, 10 x 12 cm.

Nocturne avec Playmobil et Vélasquez, 2021. Collage, 14 x 20 cm.

Monna, 2023. Collage, 12 x 18 cm.

Chathomme, 2023. Collage, 13 x 15 cm.

mercredi 13 décembre 2023

résistance

    Il s’est développé naguère, à propos des nations qui s’entretuent au Proche Orient, un curieux débat public sur les concepts de résistance et de terrorisme. Le point de vue dominant chez les journalistes humanistes consistait à juger inadmissible de qualifier le Hamas de mouvement de résistance, étant donné qu’il s’agit d’une organisation terroriste. Pour ma part, je ne vois pas que les deux notions s'excluent. Il me semble que l’Histoire a déjà donné mille exemples de mouvements de résistance qui ont recouru à des méthodes terroristes. Le fait d’être résistant, ou de se proclamer tel, n’a jamais suffi à rendre impeccable.

mardi 12 décembre 2023

cantonniers

    Il me semblait que Thoreau, dans son Walden, déclarait plaisamment avoir servi de cantonnier bénévole, ce qui pourrait se dire en anglais volunteer road-mender, ou unpaid roadmender. J’étais curieux de vérifier les termes, qui s’appliqueraient aussi bien à certaines de mes occupations. J’y pense à chaque fois que je prends le temps de ramasser des canettes le long d’un chemin, ou de remettre un peu d’ordre au pied d’une haie massacrée de frais. Ayant retrouvé le texte et sa traduction par un certain Fabulet, je vois que ma mémoire avait substitué ses propres termes à ceux de Thoreau, un peu différents : For many years I was self-appointed inspector (inspecteur, par moi-même appointé, des tempêtes ...) ... surveyor ... of forest paths and all across-lot routes (surveillant ... des sentiers de forêt ainsi que de tous chemins à travers les lots de terre...). Ce n’est pas tout à fait le même office, mais dans le même secteur d’activité : Henry David veillait à ce que les chemins demeurent praticables, moi à ce que leurs abords soient présentables. A chaque époque ses priorités, lui pionnier dans un monde encore neuf, moi néo-rural en un temps où il est si facile de salir et où l’on élague au char d’assaut. Mais on a toujours besoin de cantonniers, et à l’occasion de bénévoles.

PS. La traduction française de Louis Fabulet date de 1922. Je me suis amusé à vérifier, à la bibliothèque de l'université, les termes variables des traductions ultérieures de
- Germaine Landré-Augier (1967) : inspecteur nommé par moi-même des tempêtes de neige, des orages et de la pluie ... arpenteur ... des sentiers de la forêt et des pistes à travers champs
- Brice Matthieussent (2010) : inspecteur autoproclamé des tempêtes de neige et des orages de pluie ... arpenteur ... des sentiers forestiers et des chemins de traverse
- Jacques Mailhos (2017) : inspecteur auto-appointé des tempêtes de neige et des orages pluvieux ... inspecteur ... des chemins forestiers et de tous les sentiers de traverse...

vendredi 8 décembre 2023

cageots

A chaque nouveau cageot en bois fin, dont nous cassons des lambeaux pour allumer le feu, nous nous disons que cette fois nous allons faire plus simple et ne pas prendre la peine de défaire méticuleusement toutes les agrafes qui fixent toutes les planchettes, et puis finalement peu à peu jour après jour nous prenons quand même la peine de défaire méticuleusement toutes les agrafes qui fixent toutes les planchettes.

jeudi 7 décembre 2023

Sartre

    Je voudrais revenir un instant sur Le voyant d’Etampes, précisément à la page 354, où l’auteur Abel Quentin nous régale d’une citation édifiante de Jean-Paul Sartre, extraite d’Orphée noir (ce texte est la préface de Sartre à l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, de Léopold Sédar Senghor, parue aux PUF en 1948) : «L’unité finale qui rapprochera tous les opprimés dans le même combat doit être précédée aux colonies par ce que je nommerai le moment de la séparation ou de la négativité : ce racisme antiraciste est le seul chemin qui puisse mener à l’abolition des différences de races.» Ce «racisme antiraciste», on croit rêver : l’expression (répétée p xiv et xl) vaut son pesant. Il y a là comme la source vive de tout le délire déconnolonial actuel. Je déplorais naguère (le 16 X) que l’antiracisme engendre un autre racisme, j’ignorais que cette aberration idéologique avait été formulée et revendiquée déjà il y a trois quarts de siècle. Que reste-t-il de ce pauvre Sartre, bourgeois anti-bourgeois fanatique et bigleux, le «philosophe de la liberté» qui s'est distingué en ne levant pas le petit doigt contre l'Occupation allemande, puis après-guerre en défendant systématiquement les dictatures communistes ? Un beau fils de pute parmi les fils de pute, que vaut n’importe quel fils de pute et qui les vaut tous.

lundi 4 décembre 2023

Quentin

Il n’était pas assuré que je trouve le temps de lire l’assez long roman (380 pages, quand même) d’Abel Quentin, Le voyant d’Etampes (Editions de l’Observatoire, 2021) que m’avait proposé l’ami Adrien B. C’est une satire bien menée et bien renseignée des nouvelles idéologies extrémistes raciales et sexuelles. Le narrateur est un jeune retraité de l’Université, fermement de gauche, ancien militant de SOS-Racisme, présentement alcoolique, divorcé de la femme qu’il continue d’aimer, et père d’une jeune dinde lesbienne. C’est un spécialiste de l’histoire contemporaine des Etats-Unis, domaine dans lequel il s’est mal illustré en publiant à la quarantaine une vibrante apologie des époux Rosenberg, citoyens judéo-américains supposés avoir été injustement persécutés par le vilain maccarthysme et exécutés pour espionnage communiste. Or l’ouvrage avait paru juste avant l’ouverture d’archives américaines révélant que les Rosenberg étaient en effet des traitres à leur patrie, qui transmettaient aux soviétiques des secrets militaires, et l’auteur s’en était trouvé discrédité. Maintenant retraité, il se remet à l’étude et consacre un livre à un poète américain méconnu, mort encore jeune dans un accident de voiture en France, où il s’était exilé dans les années cinquante. Or voilà qu’un blogueur, et à sa suite une foule d’internautes, s’en prennent à l’historien, qu’ils accusent de racisme pour avoir négligé la négritude du poète. Le roman expose les arguments du fanatisme idéologique, citant à l’occasion les maitres à penser (Sartre, Fanon, Peggy McIntosh, Eric Fassin) et décrit les mécanismes des polémiques d’aujourd’hui, tournant au lynchage médiatique et aux campagnes «virales» des réseaux sociaux. Un ressort de drôlerie est que le protagoniste, toujours de gauche, vient à être défendu par les horribles réacs du RN et de Valeurs Actuelles, et trouve du réconfort auprès d’Africains. Quelques fantômes du passé apparaissent ici et là, tels Jean Cau, Julien Dray ou Alain Pacadis. J’ai relevé une petite incohérence à propos d’une employée, dont on dit d’abord qu’elle vient faire le ménage deux fois par mois, et plus loin chaque semaine (p 233 et 344) mais ce n’est qu’un détail. L’ensemble est assez divertissant. Il y a aussi matière à une méditation sur l'âge de la retraite, propice à la mélancolie et à la résignation. Je ne sais ce que l'auteur en connait, car il est encore jeune homme, mais ce n'est pas mal vu.