lundi 31 janvier 2022

Guérin

 L’on m’a appris la mort de Joël Guérin, qui était âgé de quatre-vingts ans. Il avait joué un rôle important dans mon parcours. Un mail de la fac, puisque je les reçois encore, rappelle qu’après des années passées à la Casa de Velázquez à Madrid, il avait dirigé la bibliothèque universitaire de Lettres à Bordeaux-Pessac de 1980 à sa retraite en 2006. Je l’avais connu lors de mon année de formation au métier de bibliothécaire, en 1992-93. C’était lui qui nous donnait les cours de bibliographie, ma discipline préférée, et je crois avoir été son meilleur élève. Ce professeur m’avait à la bonne et allait bientôt me rendre un grand service. Mes condisciples se répartissaient entre deux situations professionnelles : pour les uns, déjà en poste dans quelque établissement, le petit examen que nous préparions rendait possible une promotion. Pour les autres, dont je faisais partie, il représentait tout simplement l’espoir de s’arracher au chômage, et je crois avoir été le seul parmi nous à trouver du travail en cours d’année. Ce fut grâce à Monsieur Guérin, qui avait repéré que j’avais suivi des études en Lettres ibériques. Or il recherchait quelqu’un pour prendre en main, en attendant la nomination d’un titulaire, le nouveau service spécialisé dans la culture latino-américaine, dont la bibliothèque universitaire venait de se voir confier la charge. C’est ainsi qu’il me proposa un contrat de neuf mois, d’avril à décembre 93, pendant lesquels je fus employé à temps plein pour ébaucher les collections de ce nouveau secteur. C’était pour moi une aubaine, d’abord parce que j’y gagnais un salaire (qui plus est pour opérer dans un domaine dont j’étais familier), ensuite parce j’avais ainsi le pied à l’étrier (je devais par la suite, avec des hauts et des bas, rester au service des biblis de l’université), enfin parce que c’est la situation documentaire très favorable où je me trouvais placé, qui m’a donné le courage de reprendre plus tard mes études pour passer un doctorat (lequel, par contre, ne m’a pas servi à grand chose sinon à me faire plaisir). Monsieur Guérin était avec moi aux petits soins. Le jour où j’embauchai, il passa la matinée à me promener dans tous les étages du bâtiment, me présentant à des collègues, me faisant visiter le vaste labyrinthe des magasins. Au bout de quelques jours, il me félicita d’avoir su remettre de l’ordre dans le bureau qui m’avait échu, où la précédente occupante avait accumulé un invraisemblable capharnaüm. Deux ou trois fois, en fin de journée, il eut la bonté de me raccompagner lui-même en voiture de Pessac à Bordeaux, afin de m’épargner le trajet que je faisais alors en bus. Cette sollicitude me gênait un peu. Je dois dire que si j’ai jamais été le chouchou de quelqu’un, ce fut alors. Ma situation professionnelle se dégrada quelque peu au terme de ce bel emploi. L’université me garda sous son aile mais comme une marâtre parfois ingrate, m’octroyant pendant les vingt années qui suivirent une trentaine de contrats plus ou moins avantageux. Cependant peu après ces débuts, ce fut encore Guérin qui me fit profiter d’une nouvelle opportunité inattendue quand, l’un des cadres de l’institution étant écroué pour une affaire de mœurs, je pus bénéficier pendant quelques mois d'un traitement de conservateur. De 1994 à 97, je fus employé à traiter des livres de différents secteurs, dans le cadre de l’immense chantier d’informatisation des catalogues. J’étais alors logé dans les obscurs bureaux d’un des étages intermédiaires, où le public n’avait pas accès. Guérin fut une des personnes qui m’initièrent patiemment aux nouvelles procédures. Il avait son humour, ses bons mots. Comme les universités françaises adoptaient alors progressivement le Système informatique des bibliothèques de Lausanne, en abrégé Sibil, il se plaisait à répéter que nous faisions désormais partie des bibliothèques sibilisées. Il me rejoignait parfois dans mon antre, pour un brin de conversation. Une fois où je m’excusais de n’être guère présentable, car je n’étais pas rasé depuis des jours, il me rassura en jugeant qu’il n’était pas mal d’avoir «une petite barbe de pirate». Un beau jour où il nous aidait, avec quelques collègues, à apprêter une salle à l’occasion d’un pot (on ne disait pas encore un «moment de convivialité»), il provoqua la bonne humeur générale en lançant tout de go : «Je suis comme Lady Diana, il paraît qu’elle adore faire le ménage…» C’était le bon temps. Monsieur Guérin eut encore une influence décisive sur mon destin en me nommant à la rentrée de 1997 à la Bibliothèque ibérique, où je devais servir jusqu’à la fin de ma carrière. Après quoi peu à peu nos relations s'espacèrent, s’atténuèrent, se dégradèrent, jusqu’au moment où j’en vins à considérer que j’étais tombé en disgrâce. Peut-être parce que loin des yeux, loin du cœur, peut-être parce que j’avais fini par décevoir ce supérieur par mon manque d’ambition, en refusant systématiquement de passer des concours selon ses conseils, peut-être pour d’autres raisons et maintenant peu importe. Les dernières fois où je l’ai revu, ce fut après son départ à la retraite, à l’occasion de réunions festives où il était encore invité. Il avait alors souvent un air absent, comme s’il était devenu étranger à cet univers qui n’était en effet déjà plus le sien, ce que je peux comprendre. La nouvelle de sa mort m’a peiné. Je lui garde mon estime, et ma reconnaissance pour l’aide qu’il m’a apportée.

mercredi 26 janvier 2022

Olavo

Tristesse d’apprendre la mort avant-hier d’Olavo de Carvalho, emporté par le covid à l’âge de 74 ans. Intellectuel atypique, il avait été communiste, puis était passé par l’astrologie et le soufisme avant d’en venir à un conservatisme catholique et résolument anti-communiste. Grande gueule, brillant polémiste, il avait quitté le Brésil pour s’installer aux USA il y a une quinzaine d’années. Il vivait de ses livres et des cours de philo qu’il donnait en ligne. Dernièrement il était devenu paraît-il l’éminence grise, le Steve Bannon du président Bolsonaro. A une époque j’ai regardé beaucoup de ses causeries sur YouTube, où il vitupérait avec l’accent pauliste en fumant clope sur clope. Je notais à l’occasion ses remarques de bon sens (genre «La Révolution française a tué plus d’innocents en quatre ans que l’Inquisition en quatre siècles»). J’avais commandé pour la fac son énorme recueil d’articles O mínimo que você precisa saber para não ser um idiota (Le minimum que vous devez savoir pour ne pas être idiot), dont j’avais traduit pour ma 500e Lettre documentaire une page amusante, «Brève histoire du machisme», où il se moquait du féminisme. J’aimais bien son style, son culot, son humour.

mardi 25 janvier 2022

faux

TOUT FAUX

Faux air

Fausse alerte

Faux-ami

Faux billet

Faux bond

Faux col

Fausse couche

Faux-cul

Faux départ

Fausse facture

Faux-filet

Faux frère

Faux-jeton

Fausse joie

Faux jour

Fausse modestie

Fausse monnaie

Faux mouvement

Fausse note

Faux numéro

Faux pas

Faux plafond

Faux plat

Faux pli

Fausse route

Faux-semblant

Faux sens

Fausse sortie

Faux témoin

Faux-texte

mardi 18 janvier 2022

oiseaux bis

 Avant-hier j’ai publié ma Lettre documentaire n° 517, la liste de mes livres d’oiseaux. L’idée m’en était venue récemment, alors que je passais en revue ma bibliothèque, dans le cadre de ma campagne de reprise en main de mes biens en général et de ma documentation en particulier. J’avais d’abord songé et bientôt renoncé à établir une bibliographie de ces ouvrages d’ornithologie, qui ont toute ma sympathie, en donnant pour chacun une notice descriptive, complétée de commentaires techniques ou personnels. Mais un tel projet aurait pris les proportions inutiles d’un article long et en partie redondant, puisque j’ai déjà évoqué un certain nombre de ces livres au fil des ans dans mes journaux. J’ai finalement opté pour la formule plus souple d’une liste succincte, où ne seraient mentionnés que les titres et les dates, sans aucune indication d’auteur, d’éditeur, de collection ou de pagination, et sans glose. Le document ainsi obtenu est un objet de contemplation plus que d’étude, avec les petites qualités de mystère et de légèreté qui conviennent à un poème-liste. Il m’a amusé d’y mêler, derrière la rigueur de l’ordre alphabétique, des éléments mal assortis, allant de l’épais volume à la mince brochure, du manuel pratique à l’étude savante, adressés à divers publics et rédigés dans différentes langues. Un hasard imprévu mais bienvenu fait que le premier livre cité est le plus récent et le plus complet, et le dernier le plus ancien, sauf erreur. Comme cette pièce me plait assez, je lui ai octroyé le statut privilégié de Lettre  documentaire. La cinq-cent-dix-septième, donc.

dimanche 16 janvier 2022

oiseaux

Lettre documentaire 517

MES LIVRES D'OISEAUX

poème-liste 

All the birds of the world, 2020.

Australian bird photography, 2012.

Aves do Brasil : pantanal & cerrado, 2010.

Bien élever et soigner dindons, pintades et faisans, 199?

Bien élever et soigner les oies et les canards, 199?

Bien élever et soigner les poules, 199?

Birds of the Indian Ocean islands, 2003.

Comment venir en aide au martin-pêcheur?, circa 2000.

Dessiner les oiseaux, 1992.

L’Encyclopédie mondiale des oiseaux, 1991.

L’Encyclopédie par le timbre : Les oiseaux, 1953.

L’Etymologie des noms d’oiseaux, 1997.

Field guide to North American birds, 1994.

Una Guía de las aves de Venezuela, 1979.

Guide de poche des rapaces nocturnes, 1997.

Guide des canards, des oies et des cygnes, 1995.

Guide des hérons du monde, 1989.

Guide des oiseaux, 1989.

Guide des oiseaux de mer, 1997.

Guide des oiseaux de proie du monde, 1992.

Le Guide ornitho, 2010.

Handguide to the birds of the Indian sub-continent, 1980.

Le Livre des oiseaux Audubon, 1992.

Nids et œufs, 1991.

Nomenklatournaya terminologiya ptits, 1973.

Un Oiseau sauvage blessé : que faire?, 1996.

Oiseaux chanteurs, 1994.

Oiseaux de cage et de volière, 1993.

Les Oiseaux de l’Est de l’Amérique du Nord, 1994.

Ornithologie du promeneur, 1995.

Ornitologia brasileira, 1997.

Petit guide des oiseaux d’Europe, 1985.

Reconnaître les nids, 2002.

Reconnaître les plumes, traces et indices des oiseaux, 1995.

Tous les oiseaux d’Europe, 1973.

Traité de fauconnerie et d’autres oiseaux de vol, 2018.

Volailles sélect en direct du Gers, 1993.

Was fliegt denn da?, 1966.

Watching birds, 1951.

vendredi 14 janvier 2022

normal

 La normalité est très mésestimée de nos jours. Il est mal vu d’être normal, il faut presque s’en excuser. Moi par exemple, qui suis probablement l’homme le plus normal du Grand Ouest (Nantes-Bayonne) il y a des jours où j’hésite à en faire état.

vendredi 7 janvier 2022

royal

 Le nom complet de la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals a un peu plus d'allure que sa réduction au sigle RSPCA. Pourtant seul celui-ci figure sur le site de la société, comme sur ses pages Facebook et Twitter, où nulle part n'apparait la forme développée. Je me demande à quoi tient ce choix. Serait-ce que l'hystérie politicorrecte déconseille d'afficher le vilain adjectif "royal"? Il me semble au contraire que la royauté pourrait s'honorer d'avoir créé une telle institution...

(PS. Bah, je vois que la SPA fait de même...)

mardi 4 janvier 2022

féerie

Ma vie palpiteuse (suite). Renseignements pris, il semble que je vais devoir me contenter pour pension de retraite des 577 euros qui me sont versés chaque mois. Il existe bien une aide complémentaire, nommée jadis Minimum vieillesse et aujourd’hui Allocation de solidarité aux personnes âgées (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué), qui peut être accordée aux retraités nécessiteux, de sorte que leur revenu soit d’au moins 900 et quelques euros mensuels, ce qui m’arrangerait. Mais il se trouve que cette aide est considérée comme une sorte d’emprunt, consenti à l’intéressé de son vivant mais remboursable ensuite sur son patrimoine si celui-ci s’élève à plus de 39.000 euros, ce qui est inévitablement le cas des «privilégiés» qui comme moi sont propriétaires de leur maison, raison pour laquelle ladite maison doit être placée sous hypothèque. Peu importe si la bâtisse en question n’a rien de luxueux, peu importe si le propriétaire, qui déjà n’a pas volé sa crèche, est certes dispensé de loyer mais pas des frais d’entretien de son bien, et peu importe si, en toute justice, un citoyen qui ne paye pas de loyer coûte moins cher à la communauté qu’un locataire, dont le logement est financé par le contribuable sous forme d’allocations. Eh bien, me direz-vous, que t’importe d’hypothéquer, si cela doit te rapporter quelques centaines d’euros supplémentaires par mois, et après toi le déluge… Certes, il se peut que je me range à cette solution, si je n’arrive pas à m’en sortir, mais je dois dire que pour l’instant cette sorte de «solidarité» à géométrie variable, typiquement socialiste, me dégoûte.

Je ne peux pas me plaindre, en cette période de fêtes, car plusieurs mains secourables se sont chargées de me procurer toutes sortes de chocolateries, qui ne sont plus dans mes moyens. Et comme l’époque est aux sucreries, je me suis amusé à lire un recueil de trois Contes de fées, de la comtesse de Ségur. J’avais soutiré d’une boîte à livres ce petit volume paru en 1957, délabré mais joliment illustré d’aquarelles. Les trois récits m’ont plu, bien qu’inégalement, par leur ambiance magique et leur pureté morale. Je n’ai pas trop aimé la durée interminable des épreuves imposées au Bon petit Henri,  ni l’argument tarabiscoté de La petite souris grise. C’est La princesse Rosette, heureusement mariée au roi Charmant, qui a eu ma préférence. Ces histoires de princes et princesses bien élevés, finement idéalisés, triomphant de la méchanceté, ont quand même une autre allure que la ragougnasse idéologique dont on farcit aujourd’hui la cervelle des enfants. Une indication des pages liminaires, comme quoi ces contes s’adressent aux garçons et aux filles de huit à douze ans, me rassure : s’ils m’ont bien plu, c’est sans doute que je suis resté assez jeune d’esprit…

dimanche 2 janvier 2022

voeux

 Que dire aux pauvres types qui ont retrouvé leur voiture cramée au matin du premier janvier : «Bonne année quand même» ?