vendredi 27 août 2021

lérots & gobemouche

Hier matin j’ai pris mon huitième lérot depuis le début du printemps. Très excité comme les trois précédents, bondissant dans la cage, roulant des yeux. Les deux premiers au contraire étaient amorphes, prostrés, peut-être épuisés par les vains efforts pour sortir du piège. D’autant que je travaillais encore et que quand je les découvrais en arrivant, ils pouvaient avoir déjà passé plusieurs jours en prison. Quand je suis là, je repère la capture au bruit qu’ils font dans la nasse métallique, qui résonne sur le plancher du grenier. Si c’est le soir ou la nuit, pour pouvoir dormir je monte la chercher et je la descends dans le chai, le monde du silence. Au petit matin je déporte la bête au bois de Volebière, à deux kilomètres. J’imagine les émotions du petit mammifère : l’arrivée du geôlier qui soulève la cage, la sortie dans le jardin, la montée en voiture, le ronronnement du moteur, l’auto-radio. Ici je ne reçois pas Radio Classique, ils doivent se contenter de France Musique. Une fois sur place je dispose la cage au pied d’un chêne ou d'un érable et j’ouvre la porte. Quand ils réalisent qu’ils peuvent sortir, ce qui n’est pas toujours immédiat, ils grimpent à toute vitesse sur le tronc et en quelques secondes sont hors de ma vue. Une fois l’un d’eux s’est arrêté à deux ou trois mètres de haut, s’est retourné et m’a dévisagé un instant avant de repartir. La prise la plus curieuse fut celle de la nuit du 13 au 14 juillet, quand je me suis exilé de la ville. J’en avais pris deux à la fois. Plutôt menus, sans doute des jeunes, peut-être deux frères. Quand je suis allé les chercher au lever du jour, j’ai eu la surprise de les trouver endormis roulés en boule, pelotonnés l’un contre l’autre. Je ne voulais pas les déranger, je suis allé m’occuper d’autre chose pendant une heure, mais à mon retour ils n’étaient toujours pas réveillés. J’ai secoué un peu la cage, rien n’y faisait. Ils montraient ce que veut dire dormir comme un loir. J’ai décidé de les emmener quand même, mais rien ne les a tirés du sommeil, ni le transport, ni le moteur, ni France Musique, ni l’ouverture de la cage. J’avais beau la secouer pour les faire sortir, ils s’accrochaient instinctivement au grillage avec leurs petites griffes, tout en continuant à dormir. Je suis allé faire un tour dans le bois. A mon retour l’un d’eux roupillait encore, l’autre était sorti mais restait sur le toit de la cage, l’air groggy. Je les ai laissés, je ne suis revenu que le lendemain chercher la cage vide. Je me demande si tous les lérots que je relâche dans ce bois se retrouvent entre eux. Peut-être forment-ils un quilombo de lérots marrons. En tout cas ils ne jouent pas de tam-tam, c'est un avantage. 
Dans le jardin ces derniers jours il y a un nouvel oiseau, que je ne connaissais pas. En cherchant à l’identifier dans les livres, je me dis que ce doit être une femelle de gobemouche noir. La gorge blanche, un trait blanc à l’aile, mais le reste du plumage gris. Une jolie petite bête, je lui accorde volontiers un permis de séjour.

mercredi 25 août 2021

néomots

 Mes néomots ces derniers temps :  scandinavire, lituanid, talibanlieue.

mercredi 18 août 2021

Davila

Au printemps dernier j’ai eu l’occasion de prendre connaissance du savant ouvrage que Michaël Rabier a consacré à Nicolás Gómez Dávila, penseur de l’antimodernité, Vie, œuvre et philosophie. Ce livre issu d’une thèse et paru à L’Harmattan est le premier publié en français sur le penseur colombien. Bien qu’il soit agréablement écrit en langage normal et sans jargon, je dois avouer que la partie proprement philosophique m’est assez difficile d’accès, à la différence de celles portant sur la vie et l’œuvre. J’ai remarqué entre autres points d’intérêt que la question des épigraphes employées par Davila est traitée pages 65 sq (c’est un sujet d’article auquel j’avais songé, resté en plan, mais qui est là bien élucidé). L’auteur a l’amabilité de me citer quelques fois dans son livre et de rappeler le petit rôle que j’ai joué au début des années 2000 comme premier traducteur français de Gomez Davila. J’aimerais à ce propos apporter quelques précisions et évoquer la mésaventure de mes tentatives de faire publier cet écrivain en français. Les œuvres du Colombien ont d’abord été traduites en allemand, à commencer dès 1987 par une sélection de ses aphorismes, qu’il appelait des scolies, parus en 1975. Un lecteur enthousiaste, le dramaturge et essayiste Botho Strauss, en a cité une dizaine dans un texte de 1990, Der Aufstand gegen die sekundäre Welt, qui fut traduit en français en 1996 sous le titre Le soulèvement contre le monde secondaire, chez L’Arche Editeur. C’est dans cette retraduction à partir d’une version allemande, par Henri-Alexis Baatsch, qu’ont été publiés en français les quelques premiers aphorismes de Davila. Mon ami Baudouin, qui lisait le livre de Strauss en 99 ou en 2000, a attiré mon attention sur ce Gomez Davila, qui était singulièrement absent des bibliothèques et des bibliographies à ma disposition. En cherchant sur internet, j’ai découvert un gisement de ses pensées mis en ligne par je ne sais plus qui (Oscar Torres Duque, peut-être ?). Elles m’ont vivement intéressé, pour ne pas dire ébloui, et j’ai aussitôt voulu traduire celles que je préférais. J’en ai publié un petit choix de deux douzaines dans ma Lettre documentaire 332, en septembre 2000. La même année, mon ami colombien Juan Moreno, qui travaillait dans la même université que moi, m’a procuré peu à peu les quelques livres de Davila. J’ai alors traduit, en 2001, un choix plus important, une quarantaine de pages de ses Scolies, dont j’ai publié certaines dans le n° 20-21 de la revue La Polygraphe, de Chambéry, et la même année je me suis mis en quête d’un éditeur. A l’automne, ma proposition a d’abord été refusée par Pierre-Guillaume de Roux, qui travaillait alors aux éditions du Rocher, puis par Fata Morgana. Au printemps de 2002 je suis parvenu à éveiller l’intérêt des éditions de L’Arche, qui envisageaient sérieusement une publication en m’assurant que je serais leur traducteur. Hélas le projet a capoté quand il s’est avéré qu’une édition était déjà en préparation sous la direction de Samuel Brussel, lequel travaillait aux mêmes éditions du Rocher qui avaient pourtant refusé ma proposition l’année précédente. C’est ainsi qu’ont paru au Rocher, début 2003 et fin 2004, les deux premiers livres de Davila en français, une sélection des Escolios de 1975 (devenus Les horreurs de la démocratie) et une des Nuevos escolios de 1986 (Le réactionnaire authentique) traduits par Michel Bibard. Je fus bien déçu, d’abord de n’avoir pas été le traducteur de ces livres, comme on peut comprendre, mais aussi par la forme que l’on avait donnée à ces éditions françaises, notamment le choix discutable d’avoir doté les scolies d’une numérotation qui peut rendre service, mais qui ne correspond en rien à ce que serait la numérotation réelle d’une édition complète. Les traductions cependant étaient de bonne qualité, quoique pas exemptes de quelques faux-sens ou contresens, comme de traduire le verbe Creer par Créer au lieu de Croire (Horreurs, 785) ou de traduire Dependencia par son exact contraire Indépendance (Réac auth, 490). Mais passons, après tout je suis bien placé pour savoir qu’un traducteur n’est pas toujours infaillible. Entre ces deux dates, je me suis consolé en publiant à mes frais, à l’automne 2003, la livrette Studia daviliana, où je réunissais quelques documents, études et traductions. Elle a obtenu un bon succès. Mais il manquait encore à ma déconvenue le coup de pied de l’âne, qui arriva en 2009 quand les éditions de L’Arche, ayant oublié mon existence, confièrent à une danseuse de flamenco, qui d’ailleurs ne s’en est pas mal tirée, la traduction du troisième et dernier recueil de pensées de Davila (Carnets d’un vaincu). J’arrêterai ici la narration de cette drôle d’histoire, pour en revenir à mon propos initial en évoquant encore ce point. J’aurais pu m’en apercevoir plus tôt mais c’est en lisant les pages biographiques du bon ouvrage de M Rabier, que je réalise combien Davila avait longuement résidé en France dans sa jeunesse. Né en Colombie en 1913, il a vécu à Paris de 1919 à 1936, c’est à dire pas moins de dix-sept ans. Cela m’amène à songer qu’un autre de mes grands réacs préférés, Albert Caraco, né en Turquie en 1919, a de son côté habité Paris de 1929 à 1939. Pendant sept ans, de 1929 à 1936, ces deux esprits ont donc vécu non loin de l’autre, ont pu se croiser… Ils étaient encore bien jeunes et n’avaient pas commencé d’écrire, en tout cas de publier, mais l’idée de cette coexistence porte à la rêverie. 

vendredi 13 août 2021

oiseaux 3

OISEAUX BOTANIQUES D'EUROPE











Pinson des arbres

Tarin des aulnes

Caille des blés

Geai des chênes

Râle des genêts

Phragmite des joncs

Hypolaïs des oliviers

Bruant des roseaux

Bec-croisé des sapins

Bruant des saules 

jeudi 12 août 2021

Oiseaux 2

 OISEAUX COLORÉS D'EUROPE (2)










Plongeon à bec blanc

Chocard à bec jaune

Crave à bec rouge

Engoulevent à collier roux

Canard colvert

Héron bihoreau à couronne noire

Chevalier cul-blanc

Pic à dos blanc

Rossignol à flancs roux

Rouge-queue à front blanc

Bruant à gorge brune

Pipit à gorge rousse

Guillemot à miroir blanc

Pie-grièche à poitrine rose

Pygargue à queue blanche

Barge à queue noire

Mésange à tête brune

Fauvette à tête noire

Pie-grièche à tête rousse

mercredi 11 août 2021

Oiseaux 1

OISEAUX COLORÉS D'EUROPE












Goéland argenté

Mésange azurée

Pigeon biset

Sizerin blanchâtre

Aigrette blanche

Merle bleu

Mésange bleue

Goéland brun

Macreuse brune

Héron cendré

Oie cendrée

Roselin cramoisi

Pluvier doré

Puffin fuligineux

Gobe-mouche gris

Perdrix grise

Fauvette grisette

Hipolaïs ictérine

Bruant jaune

Merle noir

Corneille noire

Héron pourpre

Flamant rose

Perdrix rouge

Brante roussâtre

Barge rousse

Hirondelle rousseline

Etourneau unicolore

Pouillot verdâtre

Rousserolle verderolle

Pic vert

Bécasseau violet

lundi 9 août 2021

Eça

 

Depuis des années je suis en possession d’un exemplaire, que je me promettais d’ouvrir un jour, du roman d’Eça de Queiroz Le crime du Padre Amaro (1880) traduit et présenté par Jean Girodon (Editions de la Différence, 1985). Girodon fut un de mes deux professeurs français de portugais à l’université, lui du côté Portugal, et celui du côté Brésil fut Albert Audubert. Deux hommes qui m’ont beaucoup apporté, aujourd’hui disparus, le premier dès les années 80, l’autre dans les années 2000, mais dont je garde le meilleur souvenir. Cet exemplaire est précisément celui que Girodon avait offert à Audubert, comme en témoigne la dédicace manuscrite à l’encre noire : «Au camarade Audubert, Maire de toutes les chapelles de tous les saints, Bien cordialement, Jean Girodon, décembre 1985». Pour bien comprendre le sens de cet aimable envoi, il faut savoir que le camarade Albert était alors le maire socialiste de La Chapelle aux Saints, en Corrèze (alors que Girodon était je crois très à droite) et lire dans ce «de tous les saints» une allusion à Bahia et à travers elle au Brésil, même si Audubert a surtout résidé à São Paulo. Il faut aussi songer que le roman, sous-titré Scènes de la vie dévote, a paraît-il une teneur lourdement anti-cléricale. J’ai lu avec grand plaisir les huit pages d’introduction très savantes et très claires. Girodon s’y réfère a plusieurs autres écrivains du XIXe siècle, et de façon plus inattendue à Cioran. Quant au roman lui-même, heureusement que je n’ai pas à avouer ça au cher maître, mais j’ai voulu essayer de le lire et j’ai préféré renoncer. Il est sans doute bien écrit et bien traduit, mais il me semble que l’on pressent dès les premières pages l’essentiel de ce qui va se passer, or il en reste 450 à lire et c’est présentement au-dessus de mes forces.

samedi 7 août 2021

Wayne

 Je traduis ces quelques phrases, lues en anglais sur Facebook, et supposées être les Cinq règles de vie de John Wayne. Ce n'est peut-être pas vrai, mais au moins c'est amusant.

1. L'argent ne fait pas le bonheur, mais il est plus confortable de pleurer dans une Mercedes que sur un vélo.

2. Pardonne à ton ennemi, mais souviens-toi du nom de ce salopard.

3. Aide ceux qui ont des ennuis, et ils se souviendront de toi quand ils auront encore des ennuis.

4. Beaucoup de gens sont en vie uniquement parce qu'il est illégal de les flinguer.

5. L'alcool ne règle pas les problèmes, mais après tout, le lait non plus.

vendredi 6 août 2021

Guitry

Dans une boite à livres, un heureux hasard m’a fait tomber sur un petit volume délabré mais exquis de Sacha Guitry, Toutes réflexions faites, Précédées d’un portrait de l’auteur par lui-même (Editions de l’Elan, 1947). Les vingt pages du portrait sont ce que j’ai le mieux aimé. Elles sont écrites sans trop de forfanterie, ni non plus de fausse modestie, l’auteur y montre une belle conscience de ses qualités et de ses défauts. On y sent encore l’amertume des deux mois de taule qu’il a dû faire à la Libération mais qui ne lui ont pas fait perdre sa morgue. Quant aux réflexions, c’est un recueil de notes, d’aphorismes et autres fragments bien tournés, qui séduisent moins par la profondeur ou le goût du paradoxe, que par le charme du personnage, lequel fait du Guitry sur le papier comme il en fait sur scène. Il y a une très belle page sur les Parisiens, qui ne sont pas forcément les natifs de Paris : «… On n’est pas de Paris comme on est de Clermont, mais on est de Paris comme on serait d’un cercle. On est élu Parisien, élu à vie. C’est une dignité …» Notez le rythme de la première phrase, comme deux alexandrins enchaînés, et notez les trois qui forment la première de cette autre citation : «Il est des écrivains que l’on connaissait mal, sur lesquels on se jette, et qui vous ensorcellent – et qui pendant un mois vous dispensent des autres. Ce sont ordinairement des écrivains de second ordre.» Ce n'est pas mal vu, il y a là de quoi méditer...

jeudi 5 août 2021

psychopathie

Il y a quelques semaines de cela, j’ai eu l’occasion de lire en diagonale un des derniers livres parus d’Albert Caraco, son Supplément à la Psychopathia sexualis, publié d’abord en 1983 par L’Age d’Homme et réédité en 2014. Le titre se réfère à celui du manuel de pathologie sexuelle Psychopathia sexualis, du psychiatre germano-autrichien Krafft-Ebing (1886). Au vu de l’intitulé austère et connaissant par ailleurs le caractère généralement peu enjoué de l’auteur, je m’attendais à trouver là quelque grave théorie, or j’ai découvert que c’est pour l’essentiel une œuvre humoristique. Elle est constituée de 211 paragraphes numérotés, consacrés à des cas de bizarrerie sexuelle réels ou inventés. Ces paragraphes commençent tous par «Un tel …» (fait ceci ou cela), avec quelques variations comme la série commençant par «On nous signale l’existence d’une société secrète…» Ils sont répartis en une quarantaine de chapitres thématiques et peuvent être lus dans n’importe quel ordre, ce qui ajoute à la légèreté de l’ouvrage. Je me dis que derrière cette fantaisie se tient l’idée de Caraco que le libertinage, auquel lui-même était peu enclin, vaut mieux que la sexualité normale, responsable de la surpopulation. Mais en tout cas voilà un petit livre assez drôle, pour qui veut s'amuser. 

mercredi 4 août 2021

préjugés

 Les préjugés favorables sont plus sympathiques, mais pas moins erronés que les préjugés défavorables.

mardi 3 août 2021

retirement

 Un mail de ma principale Caisse de Retraite, la Carsat Centre Ouest, m’informe que la pension mensuelle que je vais toucher à partir de septembre s’élèvera à 278,38 euros brut, soit 250 euros net. Bon. D’un naturel optimiste, je me dis que c’est toujours mieux que si je devais n’en toucher que 249. Mais je dois avouer que malgré mes habitudes frugales, cela risque de faire juste. A cette somme devrait s’ajouter la centaine d’euros qui me sont dus pour avoir obtenu le statut de fonctionnaire lors de mes dernières années de service, et les éventuels compléments des caisses complémentaires, si elles jugent que j’en mérite. Combien cela fera-t-il au total, je n’en ai qu’une vague idée, et d’après mes recherches il n’y a personne à la surface de la Terre qui sache le dire. On verra bien. Sans doute pas lourd. Tout cela n’a rien de bien surprenant, n’ayant jamais été un bourreau de travail salarié, je suis rétribué en conséquence. Une jeunesse oiseuse produit une vieillesse nécessiteuse, comme disait Oyhenart. En attendant, sur quoi compter? J’aimerais mieux ne pas toucher à la petite fortune personnelle que j'ai amassée au cours de ma vie d'aventures, mais il va sans doute falloir que j’y pioche. Il me faudrait d’autres ressources, mais lesquelles ? Ne me sentant guère de talent pour le proxénétisme, le brigandage ou le poker, il reste mes trafics habituels, vendre quand je le peux mes livres d’occasion et mes œuvres d’art low cost, jouer au vide-grenier, tenter de monnayer des travaux d’écriture... En bref, selon notre coutume, nous allons continuer de naviguer à vue…