Dans La panthère des neiges (Gallimard, 2019) Sylvain Tesson raconte une expédition au Tibet en compagnie du chasseur d’images Vincent Munier et de deux assistants, à la recherche de ladite panthère. Ils ne la voient pas beaucoup, mais avec d’autant plus de joie. En revanche il leur est donné de contempler ou seulement d’apercevoir quelques autres beaux animaux. Le récit au ton alerte se lit agréablement. Il n’a pas la pesanteur d’un journal de voyage complet, il est au contraire très elliptique. L’auteur va directement aux scènes décisives, aux détails choisis. Il insère ici et là des souvenirs d’autres lieux, d’autres moments, sans insister. Souffrant de la colonne vertébrale, il est dispensé de porter les lourds équipements dont ses compagnons ont la charge, mais on sent en lui le tempérament du sportif pas mécontent de se colleter avec les rudesses de l’entreprise : froid extrême, confort minimal, longs affûts. Il observe que souvent «les bêtes surgissent sans prémisses puis s’évanouissent (…) Il faut bénir leur vision éphémère, la vénérer comme une offrande» (p 35). Ce sentiment doit être d’autant plus fort que l’animal est aperçu après des heures de guet inconfortable. Pour ma part je ne pratique pas l’affût, dans les bois peu exotiques où je circule et travaille, mais chaque fois qu’un animal fait ainsi une brève apparition, j’ai de même l’impression d’une faveur inattendue qui m’est soudain accordée. Tesson admire en esthète la beauté des bêtes, il râle contre l’humanité moderne polluante, bruyante et surpeuplante, déplore la «haine mondiale de la solitude et du silence» (p 166). On ne peut cependant réduire son point de vue à celui d’un admirateur béat de la Nature, comme il y en a tant. Il semble au contraire très conscient de ce qu’est l’histoire de la Vie, depuis son apparition sur terre : une entretuerie sans fin. Il y a là un sujet de méditation.
Le blog littéraire et agricole de Philippe Billé. Des notes de lecture, et des notes du reste.
mardi 31 mai 2022
dimanche 29 mai 2022
Witold
Souvenir de Witold Pozoga. Je ne le voyais plus ces dernières années, à mon grand regret, et je viens d’apprendre qu’il est mort à Arcachon, où il résidait maintenant. Il me semble que nous avions fait connaissance, dans les années 80, parce qu’il avait demandé à me rencontrer après avoir vu dans le petit magasin punk de la rue de Ruat, que j’avais publié dans mes revues des œuvres de son compatriote Waclaw Ropiecki. Il était je crois un peu plus jeune que moi. Il avait fui sa chère Pologne, alors communiste, pour échapper au service militaire. Il était de Szczecin (anciennement Stettin). Quand je l’ai connu, il habitait rue de Pessac avec sa femme et ses deux premiers fils. Nous étions devenus copains. Nous pratiquions tous deux la traduction. Dans les années 90 il a collaboré à plusieurs de mes Lettres documentaires en traduisant des fragments de Jan Lechon, de Witold Gombrowicz, de Jakub Sobieski. Les trois lettres de Gombrowicz qu’il a fait paraître dans les Ld ont ensuite été retraduites en anglais dans la revue World Letter, en Iowa. Il avait aussi traduit les légendes de dessins de Piotr Szyhalski et m’avait fourni la version polonaise de listes de vocabulaire que je collectionnais. C’est grâce à lui qu’une de mes Lettres a paru sous le titre polonais de List dokumentalny. Je ne sais plus en quelle année il avait eu la bonne idée, une fois naturalisé, de passer l’agrégation de polonais. Il n’y avait pas de poste pour cette matière dans l’académie de Bordeaux, mais il avait obtenu la possibilité d’y rester en servant dans d’autres fonctions que l’enseignement. Il avait une vie sentimentale mouvementée. Nous lui avions offert quelque temps l’asile «politique» dans notre logement de Saint-Pierre quand il s’était séparé de sa femme. Dans un moment d’exaltation, il avait déclaré trouver dans Gombrowicz la solution de tous ses problèmes familiaux. Il buvait beaucoup, et m’a entrainé plus d’une fois dans ce qu’il appelait volontiers l’ivrognerie. La vue des vignobles l’enchantait, il m’encourageait à planter un petit carré de vigne. Il m’avait acheté une histoire de la littérature polonaise que je tenais de Michel Ohl, qui m’offrait parfois des livres pour que je fasse un peu d’argent en les revendant. Il y eut je ne sais quand cette bizarre escapade d’une journée en Dordogne, où nous étions allés en empruntant la voiture de ma mère, visiter un temple bouddhiste qu’il voulait voir, et rôder autour de ce que nous supposions être la propriété du naturaliste Jacques Brosse. J’ai assisté à son remariage haut en couleur dans les Deux-Sèvres, pendant une canicule sévère. Il est venu peut-être trois fois à la Croix, la dernière en compagnie de Margot et de leur fils encore tout jeune. Je ne l’ai plus vu que rarement ces dernières années, étant pour ma part exilé dans les banlieues et maintenant dans la brousse. Je l’ai croisé par hasard une paire de fois dans les rues de Bordeaux, je suis passé chez lui quand il habitait je crois rue Leupold, près des quais. Je possède encore deux objets qu’il m’avait offerts, une belle pierre d’ambre de la Baltique et le seul livre de Philippe Muray que j’aie lu. Il me manquera.
mardi 24 mai 2022
tours
TOUR A TOUR
Tour de cartes
Tour de chant
Tour de clé
Tour de cou
Tour de doigt
Tour de force
Tour de guet
Tour de hanches
Tour d’ivoire
Tour de lit
Tour de main
Tour du monde
Tour de phrase
Tour de piste
Tour de quart
Tour de rein
Tour de rôle
Tour de table
Tour de taille
Tour de vis
samedi 14 mai 2022
départements
DEPARTEMENTS
Bouches-du-Sud
Corse-Atlantique
Côtes-du-Rhône
Haute-Vilaine
Ille-et-Garonne
Loire-d’Armor
Lot-et-Moselle
Meurthe-et-Garonne
Pas-de-Garonne
Tarn-et-Calais
(J'ai pris les noms des huit départements français comptant quatre syllabes et je les ai mélangés)
vendredi 13 mai 2022
Academia
Alejandro Pacheco, Trevor Fountain, Renata Philippov, Armand Kanjer… Il ne se passe pas un jour sans que le site Academia, où j’ai déposé mes travaux scientifiques, ne me signale qu’au moins deux chercheurs les ont cités, sans compter ceux qui les auraient simplement consultés. Si j’en crois ces avis, le monde universitaire international bruisse littéralement du nom de Philippe Billé. Cette approbation universelle m’enchanterait, si je n’y voyais plutôt du pipeau pour me faire adopter la version premium. Ce n’est pas dans mes projets. Le défilé fictif va donc se prolonger, mais il ne me dérange qu’à moitié. Dans le fond elle m’amuse, cette procession cosmopolite fantomatique. Roberto Flores, Hiroki Arimura, Ang Chen, Noeska Smit…
jeudi 12 mai 2022
Pontalis
Il y a bien longtemps, j’avais déjà essayé de lire une des œuvres littéraires de Jean-Bertrand Pontalis et il m’était vite apparu qu’elle ne présentait aucun attrait à mes yeux. Je viens de refaire l’expérience sans plus de succès avec ses Fenêtres (Gallimard, 2000). Il est vrai que de manière générale je suis allergique aux écrits des psychanalystes. Celui-ci pourtant est assez sobre, ne jargonne guère, et peut-être était-il un grand savant et un grand premier de la classe, mais franchement ce qu’il raconte me paraît insipide et son livre me tombe des mains.
mercredi 11 mai 2022
Amérique
mardi 10 mai 2022
Hervy
Quelquefois en effet «Small is beautiful», me dis-je en considérant les Promenades entre collègues, d’Olivier Hervy (Editions Fly, 2022). Le charmant volume est de taille modeste, c’est un livre de pochette, et raconte des «minuties», comme dit le sous-titre, c’est à dire de brèves anecdotes, tenant en quelques lignes. Elles sont réparties en chapitres consacrés chacun à un(e) collègue du narrateur, au nombre d’une dizaine : le collègue lunaire et décalé, le collègue exigeant, la sévèrement myope, le colérique au regard noir, celle qui laisse toujours trainer ses affaires, le pinailleur, la déléguée syndicale qui défend nos droits, les deux inséparables, enfin le collègue musicien (la parité est respectée!). Certaines historiettes peuvent être tirées de l’observation amusée, d’autres tiennent plus évidemment de la caricature. C’est assez drôle, j’ai passé de bons moments à lire cet ouvrage.
lundi 9 mai 2022
dimanche 8 mai 2022
assurance
- l’énorme quantité de paperasse. Le contrat lui-même s’étend sur deux feuilles (quatre pages) en deux exemplaires (l’un à conserver, l’autre à renvoyer). Il est accompagné de deux autres feuilles et d’un livret d’explications comptant à lui seul la bagatelle de quatre-vingts pages. Tout cela au format A4.
jeudi 5 mai 2022
graphzines
Reçu un nouveau catalogue de la librairie Lecointre-Drouet, sur le thème Photocopie, Copy Art, Xerox Art, dans lequel je remarque aux pages 28 à 32 (articles 28 à 40) quelques unes de mes publications périodiques de jadis : Limite, Poqo, Bizaar, Documents-Pages. Les prix m’impressionnent et m’intriguent, mais j’en suis assez flatté, après tout. Dommage que je ne sois pas moi-même aussi doué pour le marketing.
mardi 3 mai 2022
terres
Chine
France
Grèce
Inde
Suède
Suisse
Tchad
Une explication : ce poème est la liste des noms français monosyllabiques de pays, à l'exclusion des noms étrangers comme Eyre,
des noms de pays anciens comme Gaule, et des petits pays insulaires comme Chypre ou Malte.