mardi 31 mai 2022

panthère

Dans La panthère des neiges (Gallimard, 2019) Sylvain Tesson raconte une expédition au Tibet en compagnie du chasseur d’images Vincent Munier et de deux assistants, à la recherche de ladite panthère. Ils ne la voient pas beaucoup, mais avec d’autant plus de joie. En revanche il leur est donné de contempler ou seulement d’apercevoir quelques autres beaux animaux. Le récit au ton alerte se lit agréablement. Il n’a pas la pesanteur d’un journal de voyage complet, il est au contraire très elliptique. L’auteur va directement aux scènes décisives, aux détails choisis. Il insère ici et là des souvenirs d’autres lieux, d’autres moments, sans insister. Souffrant de la colonne vertébrale, il est dispensé de porter les lourds équipements dont ses compagnons ont la charge, mais on sent en lui le tempérament du sportif pas mécontent de se colleter avec les rudesses de l’entreprise : froid extrême, confort minimal, longs affûts. Il observe que souvent «les bêtes surgissent sans prémisses puis s’évanouissent (…)  Il faut bénir leur vision éphémère, la vénérer comme une offrande» (p 35). Ce sentiment doit être d’autant plus fort que l’animal est aperçu après des heures de guet inconfortable. Pour ma part je ne pratique pas l’affût, dans les bois peu exotiques où je circule et travaille, mais chaque fois qu’un animal fait ainsi une brève apparition, j’ai de même l’impression d’une faveur inattendue qui m’est soudain accordée. Tesson admire en esthète la beauté des bêtes, il râle contre l’humanité moderne polluante, bruyante et surpeuplante, déplore la «haine mondiale de la solitude et du silence» (p 166). On ne peut cependant réduire son point de vue à celui d’un admirateur béat de la Nature, comme il y en a tant. Il semble au contraire très conscient de ce qu’est l’histoire de la Vie, depuis son apparition sur terre : une entretuerie sans fin. Il y a là un sujet de méditation.

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