Rendons-nous un peu plus populaire en abordant un sujet consensuel. J’avais regardé en son temps et je viens de me repasser en partie une vidéo de la Chaine parlementaire en date du 29 février, où sont enregistrées les auditions de responsables de la chaine CNews devant la Commission d’enquête sur les fréquences de la Télévision Numérique Terrestre (TNT). Je voulais revoir en particulier un passage de quelques minutes (de la 33e à la 39e) où l’inquisiteur général, je veux dire le président Quentin Bataillon, après les propos préliminaires, annonce vouloir poser à ses interlocuteurs deux questions, dont je n’examinerai ici que la première, qu’il formule en ces termes : « La première question, qui est effectivement d’actualité, c’est celle que nous avons vécue dimanche, avec tout le rebond dessus, c’est effectivement cette présentation horrible, ignoble, de l’avortement ... » Malgré sa conception très personnelle de l’éloquence, nous comprenons que le député a été choqué par une émission. L’émotion (ou l’hypocrisie) est telle que le sujet va être abordé pendant plusieurs minutes sans que ni l’enquêteur ni les gens de CNews ne prononcent le nom de l’émission, ni ne précisent l’objet du délit. Renseignements pris, il s’agit d’En quête d’esprit, l’émission catho de la chaine, où l’on aurait présenté l'IVG comme la « première cause de mortalité dans le monde », devant même le cancer. La belle affaire. On peut trouver cette formulation polémique, discutable, outrancière, ou ce qu’on voudra. Personnellement je suis agnostique et favorable au droit à l’avortement, lequel d’ailleurs n’est nullement menacé de nos jours, mais enfin je ne vois pas au nom de quoi il faudrait interdire à ses opposants le droit d’exprimer leur point de vue. Le fait est qu’il s’agit aujourd’hui d’un des sujets tabous (un de plus, avec la peine de mort, le mariage homosexuel, et d’autres) sur lesquels toute réflexion critique est maintenant interdite : il faut accepter le dogme dominant et fermer sa gueule. Ce que font aussitôt les accusés, je veux dire les gens de la télévision, qui rampent littéralement devant le commissaire politique : « Vous avez utilisé les bons qualificatifs », l’assure Serge Nedjar, directeur de CNews, et son voisin le directeur général de Canal+ renchérit en parlant de « dramatique erreur ». Toute la scène est d’une bassesse vraiment répugnante. Qu’un député de la république ait une syntaxe de traviole, c’est aujourd’hui chose banale. Ce qui me choque surtout, c’est son manque de réserve (l’adjectif « ignoble » est répété), son arrogance de bureaucrate bien installé du côté du manche, se permettant de trainer dans la boue ceux qui ne pensent pas comme lui. Qui plus est à la tête d’une commission chargée de vérifier que les chaines respectent le pluralisme. On voit là l’idée que les inquisiteurs se font de la diversité des opinions...