Ayant trouvé dans une boite à livres la plus célèbre pièce, «Art», de la célèbre écrivaine Yasmina Reza, j’ai passé, peut-être perdu, un moment à la lire. Cela raconte sur quelques soirées les chamailleries de trois amis dont le plus riche, Serge, dermatologue et amateur d’art contemporain, vient de payer une fortune pour s’offrir un tableau intrigant, grand rectangle blanc parcouru de lignes blanchâtres. Son ami Marc, ingénieur, également friqué mais de goût plus classique, est scandalisé par cette dépense pour une oeuvre qu’il juge sans valeur et qu’il qualifie de «merde». Le troisième homme, Yvan, simple représentant, et d’un naturel conciliant, adopte un point de vue intermédiaire. La dispute dérive par moments sur des questions personnelles secondaires. Cette comédie ne m’a pas beaucoup intéressé mais il parait qu’elle a obtenu un grand succès depuis sa création en 1994, ayant été plusieurs fois mise en scène, avec de bons acteurs, primée, et traduite dans trente-cinq langues. Sans doute présente-t-elle au public un miroir dans lequel il retrouve les questions que tout le monde s’est posées un jour ou l’autre, sur le thème L’art contemporain est-il de l’esbroufe ? Pour ma part, je ne me retrouve pas bien dans ce questionnement, étant habitué à voir dans l’art contemporain, y compris dans les avant-gardes les plus extrêmes, aussi bien des oeuvres que je prise et d’autres que je méprise. Quant à la dépense, ma foi, je suis d’avis que chacun a le droit d’user de ses avoirs comme il lui plait. J’aurai bien sûr plus d’estime pour quelqu’un qui dépense avec discernement, mais si un riche imbécile veut gaspiller sa fortune, je n’y vois aucun inconvénient. J’y verrais même l’avantage, selon la théorie du ruissellement, que ce serait là autant de bien diffusé dans le corps social. La question qui me parait plus discutable, touchant l’art contemporain, est celle des subventions publiques, dont la pièce ne dit rien. Qu’un particulier jette son argent par les fenêtres, n’importe, mais je suis très tatillon sur l’emploi de l’argent du contribuable.
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