Le Persepolis de Marjane Satrapi m’a bien plu et m’a fait penser à L’Arabe du futur de Riad Sattouf, qu’il a peut-être inspiré. Dans les deux cas une bédé autobiographique se déroulant au Proche ou au Moyen-Orient, dans les deux cas un récit captivant dont le fond (témoignage humain, reportage sans complaisance) m’a plus intéressé que la forme (un dessin efficace quoique sans virtuosité). Persepolis a paru en quatre tomes publiés de 2000 à 2003 par l’Association (ce nom...). On m’a prêté la réédition de 2007 en un seul volume. Je me suis demandé qui, de l’auteur ou de l’éditeur, a eu l’idée idiote de ne pas numéroter les pages de ce fort volume, qui en compte environ 350. Hormis quelques retours plus en arrière dans l’histoire de la famille et du pays, la dessinatrice iranienne raconte son enfance et sa jeunesse depuis ses dix ans en 1979-80, au moment de la révolution islamique, jusqu’à son départ en France à vingt-quatre ans, en 1994. Au cours de cette quinzaine d’années, elle quitte l'Iran pour un séjour de quatre ans (1984-88) en Autriche, où elle étudie au lycée français de Vienne, après avoir fréquenté le lycée français de Téhéran. Elle était donc bien formée à la langue française avant même de venir en France et cela se ressent dans le soin porté au texte du récit. Le livre évoque sans fard les rudesses du régime des mollahs, les assassinats politiques, parfois en masse, les châtiments corporels, l’ambiance générale de flicage irrespirable, comparable au totalitarisme communiste ou fasciste. Les femmes doivent sortir emmitouflées dans la rue, où elles doivent cacher jusqu'à leur poignet, de même que les étudiants des beaux-arts dessinent un modèle emmitouflé. Il y a des détails pittoresques, le laveur de carreaux promu directeur d’hôpital, la petite clé en plastique doré que l’on donne aux enfants-soldats envoyés au casse-pipe pendant la guerre avec l’Irak, pour qu’ils puissent entrer au Paradis. Il y a même un mollah intelligent, que l’auteuse rencontre deux fois. L’épisode autrichien (objet du tome 3) apporte un peu d’air frais dans cette aventure. C’est le moment où l’adolescente déjà occidentalisée devient punkette, découvre le sexe et la drogue, se débat avec ses problèmes d’hébergement, apprend l’allemand et visite le Tyrol. Je n’ai pas beaucoup d’affinités avec la famille de bourges de gauche de Marjane, ni avec ses tendances féministes et son tempérament pète-sec, et elle m’a franchement heurté à deux reprises. Une fois quand elle sert dans un restaurant à Vienne où la cuisinière, pour la venger d’un indélicat qui lui a mis la main aux fesses, crache en cachette dans le plat qu’elle lui prépare. Elle a l’air d’apprécier cet acte, que je trouve vraiment ignoble. Une autre fois dans une scène de rue à Téhéran où, redoutant de paraître indécente et voulant mettre la police de son côté, elle prend les devants en allant accuser un quidam de l’avoir harcelée, alors que le pauvre type, qui n’a rien fait, est embarqué pour subir on ne sait quel traitement. Malgré ces réserves Marji m’a entraîné, j’ai aimé lire son histoire, partager ses joies et ses déceptions, son livre m'a plu.
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