vendredi 28 février 2025

livres

On m’a donné un sac de livres, pour que je les vende parce que je suis cassoce, ou pour en faire ce que je veux, peut-être en lire si j’avais le temps. En attendant je les examine l’un après l’autre pour statuer sur leur destin, d’où l’autre jour le Gibran. Parmi eux j’ai feuilleté le début d’un gros roman américain, La ligne de fuite, qui m’a fait douter de la traduction. A la première page une femme portant «un chapeau de toile à visière». Ce bizarre chapeau à visière, serait-ce pas simplement une casquette, le mot hat servant aux deux ? Trois pages plus loin dans un dialogue, «Je lui ai dit que s’il s’était défoncé, jamais il ne serait resté staliniste.» Staliniste, vraiment ? Y a-t-il un locuteur francophone sur cent mille, qui en traite un autre de staliniste et non de stalinien ? Bon, si ce sont en effet des maladresses, ce qui reste à vérifier, elles ne sont pas bien graves, et je suis bien placé pour savoir qu’il est facile d’en commettre. Mais ce qui m’intrigue est qu’il s’agit là d’une «nouvelle traduction», censée être meilleure que la précédente, que l’on aimerait comparer. Et qui plus est confiée à un vieux routier comme Philippe Garnier. Ah, j’ai aussi ouvert, mais très brièvement, Le bruissement de la langue, de Roland Barthes. Lui, je dois dire, je n’ai jamais pu l’encadrer, avec son ton entortillé insupportable, de précieuse au petit doigt levé, je ne tiens pas dix lignes. Mais il y en a que je vais vouloir lire, je le crains.

jeudi 27 février 2025

Desiree

    Etant donné que Frédéric Roux m’a hébergé deux nuits à Pau la semaine dernière, et à cette occasion m’a offert son dernier opus, Desiree, récemment paru chez Allia, on risque de m’accuser de flatterie si j’en dis trop de bien. Aussi m’en garderai-je. Il faut pourtant constater que c’est bien écrit. Vous me direz ça peut, s’il est vrai que l’auteur, selon les dates indiquées, a écrit et récrit ces 90 pages pendant un quart de siècle, il a eu le temps de polir son style. L’ouvrage raconte ce que l’on peut savoir des circonstances dans lesquelles le champion de boxe Mike Tyson, ancien pauvre et nouveau riche, aurait violé une négrillone, Desiree Washington, candidate à un concours de beauté dans l’Indiana. On raconte aussi le procès qui s’en est suivi, aboutissant à la condamnation du rustaud, qui a dû faire trois ans de taule. C’est assez bref et enlevé, on n’a pas le temps de s’ennuyer. On sait gré au narrateur de n’avoir pas cédé à la rhétorique humaniste que l’on pouvait redouter sur un tel sujet, genre cet enfant du ghetto est noir, donc opprimé, donc innocent. Au contraire il reste factuel et réserve son jugement quant à la culpabilité de Tyson qui, si elle n’est ni avouée ni indubitable, reste largement probable, au vu des éléments accablants rapportés sans complaisance. Un point qui m’a laissé perplexe, le bizarre coup de théâtre des dernières lignes, que rien n’explique dans ce qu’on a lu avant. Mais c’est une belle sale histoire.

lundi 24 février 2025

"fascisme"

    D’après les sophismes politiques en vogue, il suffit aujourd’hui de vouloir réprimer le crime et contrôler la frontière, pour être réputé « fasciste ».

dimanche 23 février 2025

prophète

    Entrouvert Le prophète, de Khalil Gibran. Ce livre m’a l’air terriblement ennuyeux.

samedi 22 février 2025

néorural

    Une occasion de sourire, le recueil de « minuties » En campagne, d’Olivier Hervy (Denis éditions, 2025) reçu par la poste. A sa façon maintenant éprouvée, l’auteur pratique un humour à double détente. D’abord par le comique de répétition, car la périphrase définissant son sujet est reproduite in extenso dans quasi tous les brefs pavés de quelques lignes : en l’occurrence « le couple néorural qui habite le moulin » et qui n’est pas sûr d’avoir fait le bon choix. Ensuite par la teneur satirique de chaque anecdote (« La femme du couple néorural qui habite le mouiin près de la forêt, rentre avec un panier plein de champignons sous le bras. Achetés à la coopérative bio. »). Un petit volume tout en légèreté, par le format comme par le propos.

vendredi 21 février 2025

Calamity

Pourquoi pas, me disais-je en tombant sur le mince volume des Lettres à sa fille, de Calamity Jane (Rivages, 2007), bien qu’a priori je ne sois pas très fasciné par la personnalité de cette femme hommasse. Les supposées lettres n’auraient pas été envoyées à la fille, confiée par sa mère incapable à des parents adoptifs, mais écrites dans un cahier, remis plus tard à l’intéressée. Au bout d’une dizaine de pages, la véracité du document paraissant douteuse, j’abandonne la lecture pour aller me renseigner. J’apprends dans Wikipédia qu’il s’agit là en effet d’une imposture, de l’avis quasi général. Malgré quoi ces fariboles sont parait-il un objet de culte pour le milieu du spectacle, qui en tire du théâtre, des chansons, et autres colifichets rebelloïdes.

jeudi 20 février 2025

Rome

Savez-vous que Rome
Ne s’est pas faite en un jour
Veuillez patienter

samedi 15 février 2025

Sucre

    L’écrivain vénézuélien insomniaque José Antonio Ramos Sucre naquit à Cumaná en 1890 et se suicida en 1930 à Genève, où il était devenu consul. Il fut entre temps enseignant, avocat et interprète. Il est l’auteur de trois recueils de poèmes en prose parus dans les années 20 (dont des extraits ont été traduits en français sous les titres de Le chant inquiet en 2009 et La substance du rêve en 2020). Il publia par ailleurs en plusieurs livraisons dans des revues, entre 1925 et 1929, une centaine d’aphorismes provocants, sous le titre général de Granizada (averse de grêle). Cette série d’aphorismes est notamment reproduite dans les deux principales réunions de ses écrits : Obra completa (Biblioteca Ayacucho, Caracas, 1980 puis 1989, pages 423-427) et Obra poética (Colección Archivos, Allca XX, Nanterre, 2001, pages 519-526). J’ai le plaisir de présenter à mes lecteurs, dans la Lettre documentaire n° 525, une vingtaine de ces grêlons.

grêlons

Lettre documentaire n° 525

VINGT-ET-UN GRÊLONS de José Antonio RAMOS SUCRE

choisis dans sa Granizada (averse de grêle, 1925-1929) et ici traduits par Philippe Billé

Lire est un acte servile.

 

Le bien, c’est le moindre mal.

 

La vie est un gaspillage.

 

Dieu s’acharne sur les pauvres.

 

Dieu est le souverain tenu à l’écart, et paresseux, d’une monarchie constitutionnelle dont Satan est le premier ministre.

 

Le droit et l’art sont des corrections par l’homme de la réalité.

 

Les bourgeois se caractérisent par la peur de paraître bourgeois.

 

La grammaire sert à justifier les absurdités du langage.

 

Les écrivains se partagent entre ennuyeux et agréables. Les premiers reçoivent aussi le nom de classiques.

 

La seule chose décente que l’on puisse faire avec l’histoire est de la falsifier.

 

L’histoire ne sert qu’à accroitre la haine entre les hommes.

 

Il est possible d’évaluer les peuples selon les interjections dont ils se servent. Les Romains étaient niais, ils s’exclamaient avec des interjections inexpressives : io, eheu, papae.

 

Le mariage est un état zoologique.

 

Un homme se marie quand il n’a rien d’autre pour s’occuper.

 

L’humanité est un troupeau de singes.

 

L’hospitalité est une vertu de peuple barbare.

 

Les hommes doivent payer le privilège d’être nés mâles.

 

Le mot cosmétique résume la vie et l’œuvre d’Oscar Wilde.

 

L’aristocrate doit avoir de la prestance. La laideur de la race gêne sensiblement l’essor d’une aristocratie au Venezuela.

 

La sociologie est la tour Eiffel de la stupidité.

 

L’incertitude est la loi de l’univers.

 

(Textes originaux :  Leer es un acto de servilismo. - El bien es el mal menor. - La vida es un despilfarro. - Dios se ensaña con los pobres. - Dios es el soberano relegado y perezoso de una monarquía constitucional, en donde Satanás actúa de primer ministro. - El derecho y el arte son una enmienda del hombre a la realidad. - Los burgueses se caracterizan por el miedo de aparecer como burgueses. - La gramática sirve para justificar las sinrazones del lenguaje. - Los escritores se dividen en aburridos y amenos. Los primeros reciben también el nombre de clásicos. - Lo único decente que se puede hacer con la historia es falsificarla. - La historia no sirve sino para aumentar el odio entre los hombres. - Es posible calificar los pueblos conforme las interjecciones de que se valen. Los romanos eran unos sandios; se animaban con interjecciones inexpresivas : io, eheu, papae. - El matrimonio es un estado zoológico. - Un hombre se casa cuando no tiene otra cosa de qué ocuparse. - La humanidad es una reata de monos. - La hospitalidad es una virtud de pueblo bárbaro. - Los hombres deben pagar el privilegio de haber nacido varones. - La palabra cosmético resume vida y obra de Oscar Wilde. - El aristócrata necesita prestancia. La fealdad de la raza estorba de modo sensible el florecimiento de una aristocracia en Venezuela. - La sociología es la torre de Eiffel de la estupidez. - La incertidumbre es la ley del universo.)

jeudi 13 février 2025

confort

    Parmi les publicités, auxquelles nul ne peut échapper, je m’amuse à distinguer cet alexandrin en pantoufles : Confort exceptionnel pour vos pieds fatigués !

mercredi 12 février 2025

camarade

    T’affole pas, camarade. Le vieux monde est loin derrière toi. De plus en plus loin. Tu risques rien.

mardi 11 février 2025

pieds

PIEDS JOINTS

pied bleu

pied bot

pied droit

pied ferme

pied fourchu

pied gauche

pied levé

pied marin

pied noir

pied nickelé

pied nu

pied plat

pied sec

pied tendre 

lundi 10 février 2025

collège

    Variations sur la vie scolaire en France aujourd’hui. Mardi dernier à Bobigny, un adolescent de 15 ans lynché devant le collège Angela-Davis (BFM). Mercredi à Drancy, un élève de 13 ans tabassé à la sortie du collège Aretha-Franklin (Le Parisien). Vendredi à Epinay-sur-Orge, une fillette de 11 ans retrouvée morte poignardée dans un bois près du collège André-Maurois (20 Minutes).

dimanche 9 février 2025

timbres

    Dans un demi-sommeil, l’autre matin, je me disais qu’une caractéristique générale des timbres-poste est d’être colorés, et j’imaginais à l’inverse une collection qui ne rassemblerait que les rares timbres où prédomine le blanc.

samedi 8 février 2025

autrefois

    Voyons voir. Pendant les millénaires qui ont précédé la vie publique d’Adolf Hitler, qui donc représentait le mal absolu ? Comment parvenait-on à nommer l’innommable ?

vendredi 7 février 2025

Jason

Lu une bd, ça faisait longtemps. Cette fois-ci J’ai tué Adolf Hitler, du dessinateur et scénariste norvégien Jason (Editions de Tournon-Carabas, 2006). Un grand avantage de ce livre aux dialogues laconiques est qu’il est vite lu. Un inconvénient est que la plupart des personnages ont des têtes de Mickey si ressemblantes que j’avais du mal à les distinguer, et donc à suivre le fil de cette histoire à dormir debout. Il semble que quelqu’un utilise une machine à remonter le temps pour aller assassiner Hitler, mais le rate, mais ne s’en aperçoit pas tout de suite, mais réussit quand même longtemps après. Cela m’a paru sans grand intérêt. Il faut attendre la page 27 pour apprendre que l’histoire se passe à Kreuzberg, ce que rien ne permet de deviner dans les décors. Petit jeu : chercher les fautes d’accord dans le texte français, aux pages 36 et 41.

jeudi 6 février 2025

âge

Equivalence mois / années

    Par dizaines d’années :

10 ans = 120 mois.

20 ans = 240 mois.

30 ans = 360 mois.

40 ans = 480 mois.

50 ans = 600 mois.

60 ans = 720 mois.

70 ans = 840 mois.

80 ans = 960 mois.

90 ans = 1080 mois.

100 ans = 1200 mois.

    Par centaines de mois :

100 mois = 8 ans et quatre mois.

200 mois = 16 ans et huit mois.

300 mois = 25 ans pile.

400 mois = 33 ans et quatre mois.

500 mois = 41 ans et huit mois.

600 mois = 50 ans pile.

700 mois = 58 ans et quatre mois.

800 mois = 66 ans et huit mois.

900 mois = 75 ans pile.

1000 mois = 83 ans et quatre mois.


mercredi 5 février 2025

dissymétrie

    Sur un réseau, où je repasse régulièrement des extraits de mon journal, j’ai reproduit hier une note (du 5 IV 2016) dans laquelle j’évoquais l’unique entretien que je venais d’avoir avec un artiste de ma connaissance, de passage à Bordeaux. Son travail de musicien et de performeur me paraissait sans intérêt, mais j’avais apprécié certaines de ses pages, et nous avions eu par courrier quelques échanges très aimables. Cependant je devais découvrir au cours de la conversation à quel point nos rapports étaient dissymétriques : je savais assez bien qui il était mais je n’étais à peu près rien à ses yeux, en tout cas rien de bien précis. Dans ma note, je rapportais ma déconvenue sans citer le propos involontairement blessant, que je n’ai pourtant jamais oublié : «T’écris, c’est ça ?» Je me dis maintenant qu’il y aurait là un bon titre, pour un volume de journal : «T’écris, c’est ça ?»