Dans les boites à livres je tombe souvent sur des best-sellers qui ont eu leur heure de gloire il y a quelques décennies et que j’ai vaguement connus de réputation, au moins de nom, mais qui ne m’ont pas assez attiré en leur temps pour que je cherche à les lire, et dont je dispose maintenant à volonté. Dernièrement j’en ai lu deux.
D’une part L’os de Dyonisos, de Christian Laborde (1987), célèbre pour avoir subi la dernière censure littéraire en France. Il fut interdit pour pornographie, ce qui fait sourire quand on considère le contenu assez bénin de l’ouvrage, vu de notre époque d’OnlyFans. Mais on se console pour l’auteur, tant il est vrai que ce genre de condamnation, loin de nuire à la réputation, est au contraire la meilleure publicité possible et une véritable assurance-vie artistique. L’histoire est plus ou moins autobiographique, j’imagine. Elle raconte quelques semaines ou quelques mois de la vie d’un professeur de lettres et d’occitan dans un lycée catho du Sud-Ouest (comme l’auteur a dû l’être), sa liaison avec une femme, ses déboires avec ses collègues, ses activités radiophoniques, etc. C’est un gascon lettré plein de verve, qu’on lit avec plaisir. Les moments sexuels ne sont pas de mes préférés, mais j’aime bien un passage comme «J’arrivai à hauteur d’une haie de frênes. ... Je sais faire des sifflets avec un bout de frêne. Ce n’est pas bien compliqué, je vous expliquerai ça une autre fois…» Il y a quelques traits idéologiques (anti-vieux, anti-patriotes, etc) typiques de l’époque et qui peuvent agacer, je ne sais ce que l’auteur en dirait aujourd’hui. Le livre est plein d’entrain mais au bout du compte il ne s’y passe pas grand chose et l’on reste un peu sur sa faim. Je me demande ce que mon ami Michel Ohl en pensait, je ne me rappelle pas qu’il m’en ait jamais parlé. Il partageait avec Laborde certains goûts (pour Nougaro, pour Manciet, comme il apparaît dans le texte, mais aussi pour Le tour de France, paraît-il).
J’ai lu d’autre part, tenez-vous bien, La valise en carton (1984) de Linda de Suza, dont Laborde se moque une ou deux fois, mais l’avait-il seulement lue ? Pour ma part je ne connais pas les chansons de Linda et le peu que j’en ai entendu ne m’a pas fait grande impression, en revanche je n’ai rien trouvé de risible dans son autobiographie. Ce livre n’a aucune prétention littéraire mais il est dans l’ensemble correctement écrit, en tout cas clairement, même si c’est je suppose avec l’aide d’un secrétaire. Je n’ai pas aimé le sentimentalisme du prologue, pour le reste cet ouvrage est intéressant comme document, moins sur la vie difficile des émigrés portugais que sur celle en particulier de cette jeune femme pleine d’énergie à qui ses parents ont mené la vie dure en l’exploitant, en l’injuriant et en la battant. La petite bonne portugaise étonne par sa force de caractère. Elle considère par exemple avec froideur mais honnêteté ses liaisons avec quelques hommes, qu’elle a ensuite préféré quitter, dont le père de son fils. Elle m’amuse par son franc-parler, jugeant ici être mal habillée «comme une gitane», donnant là un conseil peu féministe mais de bon sens : «Quand on a besoin de quelque chose, il ne faut pas hésiter une minute à utiliser tous ses atouts. La séduction, c’est notre arme à nous, les femmes.» Eh oui, c’est l’arme qui désarme les hommes.
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