Je ne vais jamais voir les putes mais j’aime bien les regarder, à l’occasion. Elles n’en sont pas toutes, les filles que dessine Bill Térébenthine, on reconnait même parmi elles des vedettes (Deneuve, Bardot, Marylin…). Lui les appelle des girls. Il a réuni ces images dans trois volumes numériques de Some girls (sur le site éditorial de GFIV, le Groupe Fictif d’Intervention Virtuelle, 2018 et 2019) et plus récemment dans Many girls (2021). Ce sont des pdf en accès gratuit. Chaque page montre une belle fille, rarement plus, en tenue légère, tenue de plage par exemple, ou habillée mollement (décolleté lâche, ceinture défaite…). Il se dégage de l’ensemble une ambiance estivale et sensuelle, d’un érotisme léger, quelquefois plus ardent, telle cette donzelle à quatre pattes sur un fauteuil, l’abricot visible (page 26 de Many girls). Il y a au début du premier volume une Présentation de l’éditeur, qui ne m’aide pas bien à comprendre l’œuvre, mais peut-être ne s’agit-il que d’une parodie du baratin des critiques d’art. La technique est variable : dessin, peinture, mélange de dessin et peinture, couleur, noir et blanc, monochromie, mélange de couleur et de noir et blanc. Une des images les plus réussies à mes yeux est ce portrait de dame dessiné au trait noir, avec juste les lèvres teintées de rouge (Many girls p 22). J’aime bien l’air songeur qu’ont souvent les modèles. J’ai l’impression que tous ces dessins et peintures sont réalisés d’après des photos. Certains reproduisent même explicitement des couvertures de magazines de la seconde moitié du XXe siècle, genre Lui, Crime Detective, Hustler… (L’auteur s’emploie d’ailleurs, dans d’autres publications, à reproduire des couvertures de livres et de disques). Telle est en quelque sorte l’essence de Térébenthine, si j’ose dire : il ne représente pas simplement des femmes, il re-représente la façon dont elles ont été représentées sur des clichés d’il y a quelques décennies. C’est un méta-mateur. Il n’a pas le style léché d’un Aslan. Les premiers volumes ont souvent un genre brouillon et maniéré qui rappelle Bazooka. Le dernier présente une façon plus dépouillée, plus épurée, plus concentrée sur l’objectif de rendre simplement, à travers une imagerie datée, la grâce éternelle de la féminité. Profitons-en, pendant qu’elle existe encore.
Liens : Some girls 1, Some girls 2, Some girls 3, Many girls.
"Je ne me sers pas des femmes, je les use par le regard." → Flaubert (Lettres) ou Michel Schneider (Des livres et des femmes)
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