(Réédition)
Journal documentaire, dimanche 15 novembre 2009. (...) Ce faisant j'ai dû renoncer à quelques occasions sociales qui se présentaient en ville, en particulier la réception de l'écrivain péruvien Mario Vargas Llosa à l'université de Bordeaux, qui lui accordait le titre de docteur honoris causa. Je le regrette un peu. J'aurais aimé comparer mes impressions nouvelles avec mes souvenirs de la seule autre cérémonie honoris causante à laquelle j'aie assisté, il y a fort longtemps, quand j'étais tout jeune étudiant. On recevait alors un autre Latino-Américain, le poète noir cubain Nicolás Guillén. Fameuse époque où l'université n'avait pas honte d'honorer en fanfare un stalinien de la pire espèce, mais il n'est pas certain, vu l'ambiance qui y règne, que ça la gênerait beaucoup plus aujourd'hui. En tout cas Vargas Llosa est un homme plus raisonnable et, si les romans de lui que j'ai essayé de lire me sont tous rapidement tombés des mains, j'ai la plus grande estime pour son oeuvre de reporter sérieux. J'ai d'ailleurs traduit dans ma Lettre documentaire 422, en mars de l'an dernier, son savoureux article sur l'affaire Enric Marco, l'humaniste espagnol dément qui a réussi à faire croire pendant des années qu'il avait été déporté à Mauthausen, alors que c'était pure invention, et à présider l'amicale des déportés de ce camp. (...)
Vendredi 11 décembre 2020. J'étais curieux de lire la biographie en bande dessinée de Mario Vargas Llosa, oeuvre conçue par un certain Carlos Enrique Freyre, intitulée Mario : el universo Vargas Llosa, mise en images par quatre dessinateurs, et publiée à Lima l'an dernier chez Reservoir Books. J'ai été un peu déçu parce que cela tourne assez vite à l'hagiographie, qui est la pente fatale du genre, et parce que les dessins sont de qualité inégale. Mais je comprends que les Péruviens aient envie de célébrer leur grand intello, auteur célèbre, docteur honoris causa d'une quarantaine d'universités du monde entier, prix Nobel, et premier non-français publié de son vivant dans la Pléiade. Pour ma part je n'ai jamais été attiré par ses livres mais j'ai aimé quelques uns de ses articles journalistiques (j'en ai même traduit un, dans ma Ld n° 422). Je reconnais à Vargas Llosa le mérite de s'être éloigné du communisme auquel il avait adhéré dans sa jeunesse, fait rare dans la corporation des écrivains latino-américains, aujourd'hui encore surpeuplée de guévaropithèques. Ce qui m'a le plus intéressé dans l'ouvrage est ce que j'y ai appris de sa vie familiale bizarre. Il n'a connu qu'à l'âge de dix ans son père peu aimable, qu'il avait jusque là cru mort, et à dix-neuf ans il a remué ciel et terre pour épouser sa tante, la tía Julia, son ainée de dix ans, dont il n'a divorcé que pour se remarier avec une cousine. En fait on en apprend tout autant en consultant simplement l'article de Wikipédia, qui comporte en outre un croustillant passage sur «L'amitié brisée avec Gabriel García Márquez», laquelle a tourné court le jour où Mario a foutu son poing dans la gueule de Gabo, pour des raisons restées mystérieuses, histoire de femme ou désaccord idéologique.
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