Le blog littéraire et agricole de Philippe Billé. Des notes de lecture, et des notes du reste.
samedi 19 juillet 2025
crotales
En relisant quelques pages du Tratado descritivo do Brasil, de Gabriel Soares de Sousa (1587), je retrouve ce passage qui m’avait frappé, au chapitre II-111, à propos des jararacas, nom tupi du Fer de lance commun, serpent de la famille des crotales, qui sont les vipères d’Amérique. Je traduis : «Ces serpents ont pour dents des crocs, avec lesquels ils mordent en biais. Il est arrivé dans la capitainerie des Ilhéus qu’un de ces serpents a mordu un homme à travers sa botte, lequel n’a pas senti de douleur et s’est moqué du serpent, mais il est mort le lendemain. Or comme on vendait ses habits aux enchères, un autre homme a acheté ses bottes et il est mort en vingt-quatre heures, avec les jambes gonflées. Alors on a examiné les bottes et on y a trouvé plantée la pointe de la dent, fine comme une aiguille. Ce qui a bien montré que ces jararacas ont le poison dans les dents.» Je me demande si cette histoire est véridique ou s’il faut en douter.
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Me permettrez-vous une petite correction ?
RépondreSupprimerRetournant au texte original, où se trouve l'anecdote que vous traduisez, je lis "jeraracas" dans le titre du chapitre et "jararacas" à la ligne 21. De fait, la première écriture est fautive, et il s'agit bien de "jararaca". Pour autant (et voici ma correction), "jararaca" ne désigne pas le ou les serpents à sonnette, mais le fer de lance commun (Bothrops atrox L.). Le serpent à sonnette se dit, en portugais, cascavel, comme l'écrit d'ailleurs Soares de Sousa lui-même une page plus loin.
"Jararaca" est bien un mot tupi, je vous suis sur ce point (les Wayãpi appellent ce serpent "yalala"), mot qui reste pour moi immotivé (il ne se décompose pas). Son venin est responsable, chez les Amérindiens, de la plupart des décès de chasseurs (souvent jeunes) ; et s'ils n'en meurent pas, ils en gardent des plaies nécrosantes très invalidantes. Ses crocs, "prêsas" comme l'écrit Soares de Sousa, sont effectivement des très fines aiguilles dans lesquelles transite le venin venant des poches ou glandes postérieures. On peut imaginer, dans l'épisode conté par l'auteur, qu'un crochet cassé dans le cuir de la botte ait pu conservé un peu de venin non injecté ; que la quantité ait été suffisante pour tuer le second pauvre bougre est plus difficile à croire. Mais bon, les histoires sont faites pour être édifiantes…
PS : Dans mon édition de 1971 (quarta edição, Companhia Editora National e Editora da UPS), votre extrait se trouve au chapitre CXI, intitulé : "Que trata das cobras de coral e das jereracas" ; le chapitre CXII pour sa part poursuit : "Em que se declara que cobras são as de cascavel, e as dos formigueiros, e as que chamam boitiapóia" (pages 260-262).
Amicalement à vous
Françoise Grenand
J'ai oublié une dernière ligne concernant jararaca :
RépondreSupprimerVoir wayãpi ancien yararaga « serpent venimeux » (Leprieur, 1834 : 228) ; teko djalalak (Bothrops atrox) ; †tupinamba gerara (Thevet, 1557) et jararaca (Cardim, 1584).
Elle nous permet de voyager dans le temps et l'espace, sans se faire mordre…
Toujours aussi amicalement
Françoise Grenand
Chère Françoise, il ne me surprend pas que vous réagissiez à cette note et vous avez bien fait, car je me trompe en effet au sujet de ce serpent qui n'est pas à sonnette. Je vais reprendre mon énoncé. Avant d'écrire, j'aurais dû me reporter à la fameuse thèse de Philippe Billé sur La faune brésilienne, qui signale en outre des allusions à ce reptile chez d'autres auteurs de l'époque (Anchieta, Gandavo). Selon le dictionnaire Aurélio, et selon le Dicionário dos animais do Brasil de von Ihering, jararaca s'applique en fait à différentes espèces du genre Bothrops, mais en effet ce n'est pas une désignation commune à tous les crotalidés. Je numérote ce chapitre II-111 pour signaler que c'est le 111e de la deuxième partie du Traité, même s'il ne peut y avoir d'ambiguïté puisque la première n'en compte que 74. Merci également pour toutes les intéressantes précisions que vous apportez. Meilleures pensées à vous.
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