mardi 23 avril 2024

Palestine

Pendant les longs moments où je déserte mon chantier de terrassement, j’ai aussi lu la bédé Les amandes vertes, Lettres de Palestine, des sœurs belges francophones Delphine et Anaële Hermans (éditions Warum, 2011). Cela se présente comme une correspondance entre la dessinatrice Delphine, qui demeure à Liège, et sa sœur partie de Bruxelles passer dix mois en Cisjordanie, de mars à décembre 2008, pour accomplir on ne sait trop quelles tâches au sein d’organismes humanitaires. L’ouvrage est divisé en chapitres commençant chacun par une carte postale envoyée de Liège par Delphine et suivie sur plusieurs pages par la réponse de la voyageuse. Ces réponses, constituant l’essentiel du livre, sont une chronique des actions et des sentiments de la narratrice, en même temps qu’un reportage sur la vie locale. C’est intéressant d’autant plus qu’Anaële, basée à Bethléem, n’y reste pas tout le temps mais visite plusieurs autres villes et villages du sud de Jérusalem. Elle s’entend bien avec les Palestiniens qu’elle rencontre et, comme elle a aussi des amis israéliens, elle se rend quelques fois en Israël. Cela lui permet de comparer l’ambiance différente des deux pays : en Israël le mode de vie occidental, avec à Tel-Aviv l’agrément du bord de mer, et en Palestine une vie plus rurale, plus austère à cause de l’islam (tabou de l’alcool, relative distance hommes-femmes) et plus rude à cause des colons israéliens qui pourrissent la vie des locaux (expulsions, confiscations, menaces, couvre-feux, murailles barrant les routes et la vue, etc). Points faibles : les pages ne sont pas numérotées, et les parties de texte tracées en blanc sur noir sont souvent illisibles. Mais c’est un bon livre, bien raconté, par petites touches sensibles sans insistance, et qui donne honnêtement matière à méditer, mais je dois dire qu’il ne m’a pas rendu plus optimiste quant à l’issue de ce pénible conflit.

lundi 22 avril 2024

monologues

La grande vertu des Monologues du vagin (Balland, 1999, édition originale américaine The vagina monologues, 1998) c’est la brièveté. L’écrivaine Eve Ensler a su se contenter d’une centaine de pages, ventilées en courts chapitres, c’est bien assez. Ce pamphlet féministe tient à la fois de l’essai et du théâtre, les textes étant destinés à être lus sur scène. Il s’agit d’une célébration du sexe féminin, que l’on examine sous toutes les coutures et sous une lumière crue, et que l’on s’efforce de glorifier. Eve pense ainsi œuvrer à la «libération» des femmes, terriblement opprimées par l’ordre patriarcal des vilains hommes, qui sont très méchants. Le choix du terme Monologues me paraît discutable : il peut s’appliquer à certains des textes (développements de l’auteuse, transcription ou adaptation des propos de telle ou telle autre femme) mais enfin il rend mal compte du fait que l’ouvrage est essentiellement polyphonique, et plusieurs des chapitres sont des collections de réponses à des questions, ces voix multiples étant tout le contraire de monologues. Il y a là des Discours ou des Variations, plutôt que des monologues. Quant au thème du Vagin, est-il si libérateur, et si passionnant ? On sent bien là l’obsession des femmes féministes qui n’en peuvent plus de se trouver formidables, et dont on devine que le deuxième organe préféré doit être le Nombril. Je pense qu’il ne serait pas plus appétissant de composer pareillement des Tirades du pénis, ou des Soliloques du trou du cul. Il ne faut peut-être pas avoir honte de ce que nous soyons des êtres biologiques, mais je crois qu’il n’y a pas non plus matière à s’en vanter. Quant aux particularités de la biologie féminine, les féministes seraient bien avisées d’admettre que les hommes n’y sont pour rien. (Par comparaison je relisais naguère les méditations autrement graves d’un Caraco sur le sujet, dans son Post mortem : «La menstruation, la grossesse et l’accouchement, et la lactation, nous ne pouvons glorifier de telles servitudes, elles sont dégoûtantes et nombre d’hommes en frémissent, bien qu’ils n’étalent l’horreur qu’ils éprouvent, de peur de passer pour des monstres. Les hommes amoureux affectent de les oublier, les autres gardent le silence, c’est un sujet que l’on élude et qui nous peine tous ...»). Enfin l’aspect le plus pénible des dits Monologues, c’est la niaiserie souvent avec laquelle le sujet est traité. Alors que certains chapitres observent une certaine justesse de ton (le meilleur à mon avis est celui recueillant des témoignages sur les premières règles, pages 55-60), d’autres sombrent dans un mauvais goût de très bas niveau. Les pires sont les trois compilant de multiples réponses à ces trois questions : Comment habilleriez-vous votre vagin (p 39-40) ? Si votre vagin pouvait parler, en deux mots, que dirait-il (p 41-42) ? enfin Qu’évoque pour vous l’odeur d’un vagin (p 93-94) ? Inutile de préciser que les réponses rivalisent de ridicule avec les questions, je laisse aux curieux le plaisir de découvrir ces perles. Un détail social m’a frappé, page 28, quand Eve évoque ses vastes recherches : «J’ai parlé avec plus de deux cents femmes ... Elles étaient professeurs, actrices, cadres, professionnelles du sexe ...» Ces dernières sont naturellement des opprimées de choix, en quelque sorte estampillées, mais les trois premières professions citées sont celles de milieux plutôt aisés, et surtout très réceptifs aux idéologies dites progressistes. Par contre zéro prolo, zéro paysanne, zéro petite employée. Malgré quoi cette œuvre larmoyante est un best seller international et des millions de dindes, de dindons et de dindonneaux ont applaudi le spectacle ou acheté le livret dans le monde entier. Ce succès immense dément d’ailleurs l’idée que la voix des femmes serait étouffée. En France il paraît que le texte a été lu à Bobino par les politiciennes humanistes Roselyne Bachelot, Myriam El Khomri et Marlène Schiappa, qui ont bien la tête à ça, en effet.

samedi 20 avril 2024

actualités

Les livres s’accumulent sur ma table de chevet plus vite qu’ils n’en repartent, présentement une vingtaine ou trentaine dont certains en processus de sédimentation depuis des mois ou des années, il faudrait là que je fasse place nette car en ce moment j’ai moins que jamais le temps de lire, m’étant lancé dans un nouveau chantier intermittent et d’envergure, pas moins que du terrassement, soit le décaissement et l’empierrement d’un quadrilatère d’environ dix-huit mètres carrés devant mon portail, afin de disposer ainsi au minimum d'une place où garer ma voiture automobile ailleurs que dans la rue quand les pluies abondantes comme cet hiver transforment le jardin en marécage, et je travaille comme je peux, certains jours pas du tout je l'avoue, à cet ardu ouvrage qu’un pésant du cru torcherait en deux jours et qui va je le sens me demander deux mois, mais il faut ce qu’il faut et qui vivra verra.

jeudi 18 avril 2024

bikini

BIKINI

Bikini

Bilitis

Bimini

Biribi

Cilicie

Difficile

Dimitri

Incipit

Isigny

Mirifique

Mistigri

Ouistiti

Philippines

Primitif

Rififi

Rimini

Riquiqui

Sibylline

Simili

Tbilissi

 

- - - 

       Je publie aujourd’hui le poème-liste Bikini, constitué de mots de trois syllabes dans lesquels la seule voyelle audible est le i (ou le y, mais pas le son nasal in). J’avais publié en septembre 2022 un poème semblable, Alaska, qui ne contenait que des toponymes. Ceux-ci étant trop rares avec la lettre i, j’ai étendu cette fois la liste à tous les noms propres et communs, ainsi qu’aux adjectifs. Comme dans Alaska j’ai pris pour titre l’incipit, Bikini, qui présente l’avantage de relever lui-même de différentes catégories sémantiques, étant à la fois un nom de lieu et un nom commun. Mes correspondants sur Facebook m’ont aimablement aidé à collecter des termes. Pour éviter d’être prolixe, j’ai limité mon choix à un numerus clausus de vingt unités et j’ai donc exclu certaines des propositions, comme celles des noms trop rares (viriliste, Shichimi...) ou trop sinistres (Syphilis), ou les formes conjuguées (initie, vivifie) lesquelles se prêtent moins bien à la juxtaposition. Merci à C Petchanatz, F Brouillaud, P Daudon, S Cauvin, A-J Roland, P Joncquez, C Colant, A Fournier, J-C Menu, I Czekierska, G Piti-Piotr, C Low, C Colomb et L Nadot.

mardi 16 avril 2024

allumettes

L’imagerie des boites d’allumettes (photos d’intérieurs chaleureux et autres niaiseries) me plait rarement. J’en achète volontiers lorsque je suis à l’étranger, ou je m’en fais rapporter. Elles ne sont pas toujours mieux inspirées quand elles viennent d’ailleurs, mais elles présentent au moins le charme de l’exotisme. Or je viens de découvrir près d'ici, dans les magasins de St-Jean d’Angély, deux marques à l’esthétique remarquablement sobre, toutes deux produites en Inde. D’une part des boites de «240 allumettes maison» vendues chez Gamm Vert, figurant juste en médaillon une marmite au-dessus de flammes, sur fond de motifs géométriques. D’autre part deux modèles de boites de «100 pcs 55 mm» trouvées chez Lidl, montrant simplement une allumette grandeur nature, sur fond de lignes ou de losanges. Aimables trouvailles, ma foi.



lundi 15 avril 2024

expo

Une exposition collective sur le thème «Doeuil sur le Mignon village d’eau et de lumière» est organisée par le Foyer rural de cette commune. J’y participe avec un collage-lettrage de format carte-postale horizontal. Je me suis intéressé au beau quadrillage de 3 x 6 = 18 cases que permettent les lettres de ce toponyme. J’ai traité le thème de façon minimale, par deux petits signes tracés dans la case laissée libre. L’exposition se tiendra au Moulin à Café, 7 rue des Ecoles, du 12 au 26 avril.
(Suite à une panne, cette note parait avec un peu de retard. Jours et heures d'ouverture sur la page Fb du MàC).

jeudi 11 avril 2024

tourterelles

    Il existe en France et en Europe deux espèces de tourterelles, la Tourterelle turque (Streptopelia decaocto) et la Tourterelle des bois (Streptopelia turtur). Le nom du genre en latin scientifique, Streptopelia, est formé sur deux racines grecques, streptos = collier, et peleia = pigeon ramier.

La Tourterelle turque vient comme son nom l’indique de Turquie ou d’Orient. Elle a envahi l’Europe depuis les années 1930 et elle y est maintenant l’espèce la plus répandue. C’est notamment la tourterelle des villes et des villages, nichant toujours près des habitations humaines. Elle se reconnaît à son demi-collier noir très net, qu’elle porte sur la nuque et sur les côtés du cou. Son nom d’espèce en latin scientifique est decaocto, c’est à dire dix-huit, en référence à la légende antique d’une servante accablée de travail et se plaignant de ne gagner que dix-huit pièces par an. Les dieux la changèrent en tourterelle mais elle continue de pimer : hou-hou... hou. Son petit chant plaintif est ainsi fait de deux premières notes collées, puis d’une troisième séparée. Le nom de la Tourterelle turque dans la plupart des langues européennes se réfère comme en français à son origine géographique : en espagnol Tórtola turca, en portugais Rola-turca, en allemand Türkentaube, en néerlandais Türkse tortel. Mais on la nomme d’après son collier en italien : Tortora dal collare, et en anglais : Ring-necked dove ou Collared dove, parfois Eurasian collared dove.

La Tourterelle des bois est l’espèce indigène en Europe. Elle ne vit pas que dans les bois mais se tient toujours plus à l’écart des hommes que l’envahisseuse turque, et on la trouve parfois aux abords des villages. On la distingue à ses ailes au plumage écaillé et non uni comme chez la turque, et à son cou orné de petites griffures noires au lieu d’un collier. Son nom d’espèce en latin scientifique est le même qu’en latin classique : turtur. C’est une onomatopée, son cri étant très roucoulant : tourrr tourrr tourrr... On l’appelle en anglais European turtle dove ou simplement Turtle dove (= pigeon-tourterelle) comme en allemand (Turteltaube). C’est en espagnol la Tórtola europea, en portugais la Rola comum ou Rola brava (tourterelle commune ou sauvage), en italien la Tortora selvatica. Les Hollandais la nomment Zomertortel, tourterelle d’été, parce que c’est un oiseau migrateur qui va passer l’hiver en Afrique, au contraire de la turque sédentaire.