C’est un bien étrange livre que celui d’Ivan Repila, El niño que robó el caballo de Atila, qui m’avait été recommandé par l’ami Rémy. Ce petit roman paru en 2013, dont le titre signifie «L’enfant qui a volé le cheval d’Attila», ce qui n’a guère à voir avec le contenu, a été traduit en français sous la formule plus explicite de Le puits (en 10-18). C’est l’histoire de deux enfants, deux frères qui ne sont jamais nommés autrement que El Grande et El Pequeño (le Grand et le Petit) et qui se trouvent prisonniers au fond d’un puits naturel de sept mètres de profondeur, dans une forêt de montagne. Les chapitres sont numérotés de façon discontinue, portant chacun non leur numéro d’ordre mais celui du quantième jour où l’action se déroule : … 11, 13, 17 et cela va jusqu’à 97, ce qui fait plus de trois mois. J’ai entendu l’auteur déclarer dans une interview qu’il y avait dans cette œuvre trois niveaux de lecture : d’abord celui de l’anecdote (la situation, les actions), ensuite celui des rapports entre les deux personnages (qui en effet vont et viennent de l’entente à l’hostilité, de la colère à la tendresse), enfin celui d’une lecture allégorique à signification politique, qu’il juge le plus intéressant mais sans l’expliquer. Peut-être accorde-t-il ce sens symbolique à la situation dans sa globalité, ou plus précisément aux quelques tirades obscures, au style peu enfantin, dans lesquelles les deux gosses se lancent par moments. Il y a aussi en exergue deux citations, de Madame Thatcher et de Brecht, dont on se demande ce qu’elles font là. Je dois avouer que pour ma part, cette éventuelle signification symbolique m’a paru peu claire et qu’en tout cas si elle existe, elle m’échappe et je ne cours pas après. Au contraire j’ai trouvé très intéressante la tension psychologique des deux personnages dans le huis-clos, et plus encore cette extraordinaire situation de captivité. Très vite on cesse de se demander comment les deux drôles en étaient arrivés là (l’explication terrible ne vient qu’à la fin) et l’on n’a plus qu’une hâte, c’est de savoir ce qu’ils vont devenir et s’ils vont seulement s’en sortir. Les détails réalistes sur leur façon de survivre (en se nourrissant d’insectes, de vers, de larves, de racines) et de s’accomoder du froid, de la pénombre et des échos qui leur parviennent du monde extérieur, captivent l’attention. Je peux dire sans exagérer que cette lecture est une expérience envoûtante, inquiétante même, et que l’angoisse demeure après la fin, où tout le mystère n’est pas éclairci (j’en ai fait des cauchemars la nuit suivante). Si vous voulez passer un moment très bizarre, plongez dans ce puits.
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