Je reprends ici le récit de ce voyage, interrompu par manque de connexion en territoire portugais.
Lundi 5 juin. Nous quittâmes ce jour Cáceres en repartant cette fois-ci non vers le Nord-Est et Salamanque, d’où nous étions venus, mais vers le plein Nord et Ciudad Rodrigo. De la sorte, comme notre route à l’aller passait à l’Est du secteur de las Hurdes, elle passait maintenant à l’Ouest. J’ai étudié jadis la question de cette contrée déshéritée et du film de propagande communiste qu’en a tiré Luis Buñuel, sur lequel j’ai écrit un article en décembre 2011. Malgré mon intérêt pour le sujet, j’ai préféré ne pas compliquer notre itinéraire en nous détournant vers cette zone montagneuse où je n’avais rien de spécial à faire ni à voir. Notre route passait cependant par Coria, ville dont les évêques ont oeuvré efficacement en faveur de la paysannerie arriérée. En chemin, brève halte à Perales del Puerto, où nous visitâmes exceptionnellement une église ouverte, Nuestra Señora de la Asunción. Il n’y avait que deux vitraux historiés, datant probablement du vingtième siècle et disposés de part et d’autre de l’autel : à gauche ce qui semblait être une Sainte Vierge de Guadalupe avec trois angelots, à droite un saint tenant un livre, avec deux poissons à ses pieds, peut-être saint Antoine. Tous deux étaient signés Cervi taller artístico, Madrid. Sur la route j’ai vu un instant un panneau signalant à deux kilomètres le village de Peña Parda, d’où est originaire une personne de ma connaissance. A Robleda, arrêt-déjeuner sous un amandier, à côté de l’église bien sûr fermée. Ce fut probablement le jour où nous vîmes le plus de cigognes, très nombreuses dans cette province. Par moments on voyait à l’écart de la route tous les pylones électriques occupés par un, deux, ou trois nids. A Ciudad Rodrigo aussi, nous prîmes le temps de marcher un moment dans la ville petite mais monumentale. Après quoi, reprenant notre route vers l’Ouest, nous arrivâmes bientôt au Portugal, dans la province de Beira Alta. Entre les deux petites villes-frontières, Fuentes de Oñoro et Vilar Formoso, nous obliquâmes vers le Sud pour rejoindre non loin de là Malhada Sorda, village où nous étions accueillis pour quelques jours par Michou et Henriette. Deux aspects du paysage se remarquent tout de suite : d’une part que même dans ces campagnes reculées, tout comme en Espagne, les routes sont en excellent état ; d’autre part qu’il y a ici une tradition ingénieuse de l’emploi des pierres locales pour construire non seulement les murs des maisons, mais aussi les escaliers, les dallages, les murets d’enceinte des cours, des jardins et des champs. De grandes plaques fournissent aussi des bancs et des éléments de clôture.
Mardi 6 juin. Le matin, nous descendîmes à pied voir la rivière Coa, qui passe à un ou deux kilomètres en contrebas du village. Dans ce bel endroit aussi on a utilisé de grandes plaques de la pierre locale gris-brun, j’imagine une sorte de schiste, pour faire des tables de picnic, des bancs et des passerelles. L’après-midi nous fûmes à Guarda, la grande ville du coin et la plus haut perchée du pays, située à trente ou quarante kilomètres de notre bled. Nous visitâmes la cathédrale, beau vieux bâtiment austère en granit sombre, qu’égayent à peine quelques fantaisies décoratives : deux paires de colonnes torsadées dans la nef, quelques ornements en forme de cordages à l’extérieur. Nous visitâmes une autre église dont j’ignore le nom, assez belle mais tout aussi dépourvue de vitraux que la cathédrale, et un immense centre commercial près du lieu où nous étions garés. Il y avait au rez de chaussée un magasin Auchan, où sur le conseil de Henriqueta je me procurai un flacon d’eau de rose.
Mercredi 7 juin. Le matin je préférai rester lire à la maison plutôt que d’accompagner mes amis dans une nouvelle promenade à pied, à cause de quoi je manquai une occasion peu commune, car ils rencontrèrent dans la lande ce qui semble bien être un loup, dont ils tirèrent une photo médiocre mais assez convaincante, et du reste la zone géographique rendait le fait vraisemblable. L’animal fit le tour de l’endroit où ils se tenaient, à moitié dissimulé par les buissons, puis poussa un hurlement en s’éloignant. L’après-midi nous fûmes à la ville-frontière Vilar Formoso, où le plus beau bâtiment est sans conteste la gare de chemin de fer, formidablement décorée sur tous ses côtés par un ensemble de tableaux en carrelage jaune et bleu, figurant les principales villes du pays et quelques tenues traditionnelles. Nous visitâmes en face de la gare un intéressant magasin de vaisselle et de linge, et ailleurs en ville un Intermarché bien pourvu. Le soir nous dinâmes avantageusement au restaurant O Velho, dont je recommande l’adresse, rua do Caminho Velho : coustille et salade de tomates + côtes de porc et riz + poulet et frites + bière, vin, dessert et café, le tout pour 12 euros par personne.
Jeudi 8 juin. Je n’ai pu visiter l’église de Malhada mais ce matin j’ai pu entrer quelques instants dans la chapelle Nossa Senhora da Ajuda, ouverte à l’occasion d’une procession. Elle est grandette et assez majestueuse mais ne comprend qu’un seul vitrail, au-dessus du portail, une Vierge couronnée à l’enfant, non signée ni datée. Puis nous descendîmes au marché mensuel d’Alfaiates, à une vingtaine de kilomètres au Sud de Malhada. Bien que je n’aie pas trop d’argent à dépenser, j’achetai là un chapeau de paille au beau ruban bleu foncé, qui remplacera mon vieux chapeau troué depuis des années, et un solide fromage de chèvre à la croûte orange. Nous déjeunâmes sur place de grillades. L’après-midi en rentrant nous nous arrêtâmes à Vilar Maior et montâmes voir le château en ruine qui domine ce joli village endormi. Fait étrange, le château est bien signalé et on y accède par un sentier aménagé en ciment, mais l’endroit est désert et abandonné. Il y a un énorme donjon fermé, mais on peut accéder à la cour ronde, de vingt ou trente mètres de large. Elle est entourée d’un rempart haut de quelque trois mètres et large d’un bon mètre mais guère plus, auquel on accède çà et là par des escaliers primitifs, simples lignes obliques de pierres plus ou moins disjointes saillant du mur, sans rampe pour garantir le côté du vide. Je suis monté sur le rempart par un des escaliers, non sans hésiter, et mes camarades à ma suite, puis nous avons parcouru tout le tour du rempart, au sol par endroits disloqué. Précisons qu’à l’extérieur du château, d’où la vue portait fort loin, la muraille donnait par endroits sur des à-pics vertigineux, et qu’il soufflait un vent nerveux, de sorte que j’ai fait cette promenade en gardant une main sur la tête pour ne pas y perdre le bon chapeau acheté peu avant. C’était une expérience intéressante, inquiétante et excitante, il nous a semblé qu’en France une telle récréation aurait été interdite. Le soir, nous fûmes derechef nous goinfrer chez le Velho, à Vilar Formoso, où pour un peu plus cher que la veille nous eûmes droit à de la morue grillée.
Vendredi 9 juin. Enfin ce matin-là nous prîmes le chemin du retour. Nous avions envisagé de faire le trajet en deux journées mais en fin de compte, au prix de quelques haltes reposantes, dont une non sans charme à Magaz de Pisuergas, nous étions rentrés à la fin du jour.
Lundi 5 juin. Nous quittâmes ce jour Cáceres en repartant cette fois-ci non vers le Nord-Est et Salamanque, d’où nous étions venus, mais vers le plein Nord et Ciudad Rodrigo. De la sorte, comme notre route à l’aller passait à l’Est du secteur de las Hurdes, elle passait maintenant à l’Ouest. J’ai étudié jadis la question de cette contrée déshéritée et du film de propagande communiste qu’en a tiré Luis Buñuel, sur lequel j’ai écrit un article en décembre 2011. Malgré mon intérêt pour le sujet, j’ai préféré ne pas compliquer notre itinéraire en nous détournant vers cette zone montagneuse où je n’avais rien de spécial à faire ni à voir. Notre route passait cependant par Coria, ville dont les évêques ont oeuvré efficacement en faveur de la paysannerie arriérée. En chemin, brève halte à Perales del Puerto, où nous visitâmes exceptionnellement une église ouverte, Nuestra Señora de la Asunción. Il n’y avait que deux vitraux historiés, datant probablement du vingtième siècle et disposés de part et d’autre de l’autel : à gauche ce qui semblait être une Sainte Vierge de Guadalupe avec trois angelots, à droite un saint tenant un livre, avec deux poissons à ses pieds, peut-être saint Antoine. Tous deux étaient signés Cervi taller artístico, Madrid. Sur la route j’ai vu un instant un panneau signalant à deux kilomètres le village de Peña Parda, d’où est originaire une personne de ma connaissance. A Robleda, arrêt-déjeuner sous un amandier, à côté de l’église bien sûr fermée. Ce fut probablement le jour où nous vîmes le plus de cigognes, très nombreuses dans cette province. Par moments on voyait à l’écart de la route tous les pylones électriques occupés par un, deux, ou trois nids. A Ciudad Rodrigo aussi, nous prîmes le temps de marcher un moment dans la ville petite mais monumentale. Après quoi, reprenant notre route vers l’Ouest, nous arrivâmes bientôt au Portugal, dans la province de Beira Alta. Entre les deux petites villes-frontières, Fuentes de Oñoro et Vilar Formoso, nous obliquâmes vers le Sud pour rejoindre non loin de là Malhada Sorda, village où nous étions accueillis pour quelques jours par Michou et Henriette. Deux aspects du paysage se remarquent tout de suite : d’une part que même dans ces campagnes reculées, tout comme en Espagne, les routes sont en excellent état ; d’autre part qu’il y a ici une tradition ingénieuse de l’emploi des pierres locales pour construire non seulement les murs des maisons, mais aussi les escaliers, les dallages, les murets d’enceinte des cours, des jardins et des champs. De grandes plaques fournissent aussi des bancs et des éléments de clôture.
Mardi 6 juin. Le matin, nous descendîmes à pied voir la rivière Coa, qui passe à un ou deux kilomètres en contrebas du village. Dans ce bel endroit aussi on a utilisé de grandes plaques de la pierre locale gris-brun, j’imagine une sorte de schiste, pour faire des tables de picnic, des bancs et des passerelles. L’après-midi nous fûmes à Guarda, la grande ville du coin et la plus haut perchée du pays, située à trente ou quarante kilomètres de notre bled. Nous visitâmes la cathédrale, beau vieux bâtiment austère en granit sombre, qu’égayent à peine quelques fantaisies décoratives : deux paires de colonnes torsadées dans la nef, quelques ornements en forme de cordages à l’extérieur. Nous visitâmes une autre église dont j’ignore le nom, assez belle mais tout aussi dépourvue de vitraux que la cathédrale, et un immense centre commercial près du lieu où nous étions garés. Il y avait au rez de chaussée un magasin Auchan, où sur le conseil de Henriqueta je me procurai un flacon d’eau de rose.
Mercredi 7 juin. Le matin je préférai rester lire à la maison plutôt que d’accompagner mes amis dans une nouvelle promenade à pied, à cause de quoi je manquai une occasion peu commune, car ils rencontrèrent dans la lande ce qui semble bien être un loup, dont ils tirèrent une photo médiocre mais assez convaincante, et du reste la zone géographique rendait le fait vraisemblable. L’animal fit le tour de l’endroit où ils se tenaient, à moitié dissimulé par les buissons, puis poussa un hurlement en s’éloignant. L’après-midi nous fûmes à la ville-frontière Vilar Formoso, où le plus beau bâtiment est sans conteste la gare de chemin de fer, formidablement décorée sur tous ses côtés par un ensemble de tableaux en carrelage jaune et bleu, figurant les principales villes du pays et quelques tenues traditionnelles. Nous visitâmes en face de la gare un intéressant magasin de vaisselle et de linge, et ailleurs en ville un Intermarché bien pourvu. Le soir nous dinâmes avantageusement au restaurant O Velho, dont je recommande l’adresse, rua do Caminho Velho : coustille et salade de tomates + côtes de porc et riz + poulet et frites + bière, vin, dessert et café, le tout pour 12 euros par personne.
Jeudi 8 juin. Je n’ai pu visiter l’église de Malhada mais ce matin j’ai pu entrer quelques instants dans la chapelle Nossa Senhora da Ajuda, ouverte à l’occasion d’une procession. Elle est grandette et assez majestueuse mais ne comprend qu’un seul vitrail, au-dessus du portail, une Vierge couronnée à l’enfant, non signée ni datée. Puis nous descendîmes au marché mensuel d’Alfaiates, à une vingtaine de kilomètres au Sud de Malhada. Bien que je n’aie pas trop d’argent à dépenser, j’achetai là un chapeau de paille au beau ruban bleu foncé, qui remplacera mon vieux chapeau troué depuis des années, et un solide fromage de chèvre à la croûte orange. Nous déjeunâmes sur place de grillades. L’après-midi en rentrant nous nous arrêtâmes à Vilar Maior et montâmes voir le château en ruine qui domine ce joli village endormi. Fait étrange, le château est bien signalé et on y accède par un sentier aménagé en ciment, mais l’endroit est désert et abandonné. Il y a un énorme donjon fermé, mais on peut accéder à la cour ronde, de vingt ou trente mètres de large. Elle est entourée d’un rempart haut de quelque trois mètres et large d’un bon mètre mais guère plus, auquel on accède çà et là par des escaliers primitifs, simples lignes obliques de pierres plus ou moins disjointes saillant du mur, sans rampe pour garantir le côté du vide. Je suis monté sur le rempart par un des escaliers, non sans hésiter, et mes camarades à ma suite, puis nous avons parcouru tout le tour du rempart, au sol par endroits disloqué. Précisons qu’à l’extérieur du château, d’où la vue portait fort loin, la muraille donnait par endroits sur des à-pics vertigineux, et qu’il soufflait un vent nerveux, de sorte que j’ai fait cette promenade en gardant une main sur la tête pour ne pas y perdre le bon chapeau acheté peu avant. C’était une expérience intéressante, inquiétante et excitante, il nous a semblé qu’en France une telle récréation aurait été interdite. Le soir, nous fûmes derechef nous goinfrer chez le Velho, à Vilar Formoso, où pour un peu plus cher que la veille nous eûmes droit à de la morue grillée.
Vendredi 9 juin. Enfin ce matin-là nous prîmes le chemin du retour. Nous avions envisagé de faire le trajet en deux journées mais en fin de compte, au prix de quelques haltes reposantes, dont une non sans charme à Magaz de Pisuergas, nous étions rentrés à la fin du jour.
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