Le jeudi 22, au Reina Sofía. Devant l’entrée, rencontre-surprise avec Guillaume H, un jeune historien que nous avions bien connu à la fac, et qui s’est trouvé juste derrière nous dans la file d’attente. A l’extérieur du musée se dresse une sculpture, comme un grand totem tout en hauteur. C'est parait-il la réplique d'une oeuvre conçue par un certain Alberto Sánchez en 1937, et elle porte un titre ampoulé, Le peuple espagnol a un chemin qui conduit à une étoile, mais je lui trouvais fière allure. Il y a au centre du musée un beau grand cloitre, enlaidi par quelques sculptures moches. Le Reina Sofía est un musée d’art contemporain où il semble que les gens viennent principalement pour voir l’inévitable Guernica de Picasso. Au Prado le public est maintenu à quelque distance des tableaux par un fil tendu à hauteur du genou, au Thyssen on se contente élégamment d’un trait tracé au sol, mais au Reina, musée de gauche, il n’y a plus rien, ni trait ni fil, sauf bien sûr devant le Guernica, oeuvre sacro-sainte. Elle avait l’air de plaire aux écoliers, qui reconnaissent dans ses formes simples ici une tête de vache, ici une de cheval, là un bonhomme vautré avec des gros pieds. Pour ma part elle ne m’a jamais emballé, non plus que le personnage de l’auteur, révolutionnaire en robe de chambre, bien installé en France où il n’était guère en danger, et pouvait s’employer à guerniquer tranquillo. Mais ne commençons pas à persifler. Dans ce musée nous avons visité hâtivement les collections permanentes et deux des expositions temporaires, une de Laia Estruch qui ne m’a pas du tout plu, genre gros boudins gonflés et bruits de vrombissement, l’autre de l’artiste libanaise Huguette Caland, que j’ai trouvée très intéressante. Nous ne restâmes que deux heures dans le musée, puis nous prîmes un bon déjeuner de pintxos au petit restaurant basque Sukaldea Atotxa, rue du Doctor Drumen, où je mangeai pour la première fois me semble-t-il des pibales. L’après-midi nous gagnâmes en métro la station Príncipe Pío, pour une virée dans l’ouest de la ville, qui m’a un peu déçu. Je me faisais une idée romantique de rues citées dans un bon passage du Lazarillo español de Ciro Bayo, que j’avais traduit jadis (Ld 491). Mais la Cuesta de San Vicente n’est plus qu’une autoroute urbaine, et le Paseo de la Florida une grande avenue sans grâce, bordée de cités énormes, et au bout de laquelle nous trouvâmes l’ermitage de San Antonio de la Florida lui aussi fermé pour travaux. Quant au Manzanares, qui passe non loin de là, c’est une petite rivière chétive, où il y a plus de terre, bancs et iles, que d’eau (un plaisantin a dit un jour qu’elle était navigable en voiture et à cheval). Charmante cependant, et je m’y fusse volontiers trempé les pieds, mais sur les quelques hectomètres où nous la longeâmes, elle était encaissée entre de hauts murs, sans passage pour y descendre. C’est je crois cet après-midi-là (ou la veille) que dans un métro bondé j’ai senti distinctement un doigt qui s’enfonçait dans la poche arrière de mon pantalon, là où se trouvait ma petite liasse de billets pliés en deux. J’y portai aussitôt la main, le doigt disparut, et la personne à qui il me semblait appartenir, une jeune femme à l’air sérieux, tout de noir vêtue, regardait calmement ailleurs. Revenus en ville, nous revisitâmes la belle Plaza Mayor et la chocolaterie San Ginés. Le soir, dîner médiocre au Tapa Café (ce nom aurait dû nous alerter) rue Saint-Jérôme.
Nous devions repartir le lendemain matin. Ainsi s’achevait ce bref séjour, qui dans l’ensemble fut agréable. Notre rue portait donc le nom de saint Jérôme, et par coïncidence nous avons vu ce personnage souvent représenté dans les peintures anciennes. Notre voyage était ainsi placé sous le signe du saint patron des traducteurs, ce qui n’était pas pour me déplaire. Parmi mes regrets, peut-être celui de n’avoir pas vu plus de vitraux : nous n’avons pas recherché les églises, mais toutes celles que nous avons trouvées étaient fermées, sauf les deux cathédrales... La plupart des gens à qui nous avons eu affaire étaient bien aimables. Mention spéciale à la petite Latinette qui a eu la charité de m’offrir sa place assise, dans un métro.
Nous devions repartir le lendemain matin. Ainsi s’achevait ce bref séjour, qui dans l’ensemble fut agréable. Notre rue portait donc le nom de saint Jérôme, et par coïncidence nous avons vu ce personnage souvent représenté dans les peintures anciennes. Notre voyage était ainsi placé sous le signe du saint patron des traducteurs, ce qui n’était pas pour me déplaire. Parmi mes regrets, peut-être celui de n’avoir pas vu plus de vitraux : nous n’avons pas recherché les églises, mais toutes celles que nous avons trouvées étaient fermées, sauf les deux cathédrales... La plupart des gens à qui nous avons eu affaire étaient bien aimables. Mention spéciale à la petite Latinette qui a eu la charité de m’offrir sa place assise, dans un métro.
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