jeudi 30 janvier 2025

Ernaux

    J’ai lu avec méfiance mais somme toute avec plaisir un petit livre de boite, qui j’avoue m’attirait surtout par sa minceur, dans les trente pages, Le jeune homme, d’Annie Ernaux (Gallimard, 2022). Elle y raconte la liaison qu’elle a eue pendant quelques années avec un homme beaucoup plus jeune qu’elle (elle a cinquante-quatre ans quand il en a vingt-cinq). Le style est agréablement limpide, les choses sont bien dites, même s’il traine deux trois phrases balourdes. Le jouvenceau est étudiant, on ne sait en quoi. Il n’a pas l’air très intello, il est fan des Guignols de Canal+ et de football, et ses quelques propos rapportés ne sont pas bien éloquents. Mais il a peut-être l’outil parfait. La relation semble avoir été surtout charnelle. Annie n’entre pas dans les détails mais on sent qu’elle n’a pas pris la poussière. Comme il est miséreux et elle parvenue, elle l’entretient gentiment, lui paye des voyages en Italie et en Espagne. Il y a nombre de notations psychologiques bien vues. Mais comme Annie est de gauche, elle ne peut s’empêcher de militer. Elle tient à ne pas cacher au public la nature de ses rapports avec le jeune homme, et veut au contraire qu’ils s’affichent par «défi pour changer les conventions». Hum. Pour en juger on aimerait savoir en quoi consistent au juste ces démonstrations explicites, et quelle est réellement la nature des réactions muettes du public. Ne prend-elle pas pour de la réprobation ce qui n’est qu’étonnement vis-à-vis d’une disparité d’âge certes légitime entre personnes consentantes, mais statistiquement rare et d’avenir incertain. La question du futur, en effet problématique, Annie la règle en annonçant dans les dernières pages qu’elle met fin à la relation. Elle explique qu’elle écrivait alors un livre à propos d’un avortement subi dans sa jeunesse, et qu’à mesure qu’approchait la fin de la rédaction, elle éprouvait le besoin d’expulser le jeunot de sa vie comme elle avait jadis expulsé l’avorton de ses entrailles. Ce parallèle m’a semblé lui aussi d’un goût douteux. Mais enfin le récit n’est pas sans charme, ni sans intérêt.

mardi 28 janvier 2025

Sales

Lu sur le net cette anecdote, vraie ou fausse, mais amusante : Un jour une religieuse, toute préoccupée par sa vie spirituelle, entre précipitamment dans le bureau de François de Sales et lui demande : Monseigneur, que dois-je faire pour devenir sainte ? - Pour commencer, répond-il, apprenez à entrer doucement sans claquer la porte.

On attribue aussi au saint homme cette belle pensée : Le bruit ne fait pas de bien, le bien ne fait pas de bruit.

lundi 27 janvier 2025

titres

DIX TITRES DE REVUE POSSIBLES

Allons bon

Encore que

Et puis quoi

Faut pas tout mélanger

La réponse est non

Lectures pas pour tous

L’ennemi du peuple

Mais

Parlons d’autre chose

See more

dimanche 26 janvier 2025

chute

Cherchant à voir un autre documentaire de Werner Herzog, j’ai trouvé sur YouTube une version anglaise, Wings of hope, de son téléfilm de 65 minutes Les Ailes de l'espoir, tourné circa 1999 (le titre allemand est Julianes Sturz in den Dschungel (La chute de Juliane dans la jungle)). En décembre 1971, alors qu’il est en repérage au Pérou pour tourner son film sur Aguirre, une réservation annulée à la dernière minute évite à Herzog de prendre le vol LANSA 508 du 24 décembre. Or l’avion, pris dans un orage, va se disloquer en vol à plus de trois kilomètres au-dessus de la jungle amazonienne. Des 92 personnes à bord, une seule survit : Juliane Koepcke, jeune femme de 17 ans, fille de biologistes allemands venus s’installer au Pérou à la fin de la deuxième Guerre mondiale. Elle a perdu connaissance et, après être tombée du ciel et avoir traversé les branchages, elle se retrouve au sol sonnée mais vivante, les yeux tuméfiés, avec une clavicule cassée et une autre blessure. Elle est encore attachée au rang de trois sièges dont les deux autres occupants ont été éjectés. Elle marchera dans la forêt pendant une dizaine de jours en suivant le cours d’un ruisseau avant de trouver refuge dans une cabane de bûcherons, qui la ramèneront à la civilisation. Près de trente ans plus tard, le cinéaste et elle explorent la jungle dans la zone de l’accident, retrouvent des débris de l’épave, et retracent l’itinéraire de la rescapée, qui raconte ses souvenirs. Entre temps la protagoniste germano-péruvienne est devenue elle-même biologiste avec une thèse sur les chauves-souris. On imagine que Herzog se sent particulièrement lié à cette dame, parce qu’ils sont chacun à sa manière les deux survivants du drame, et se trouvent par ailleurs être compatriotes. Ils parlent allemand entre eux, espagnol avec les locaux, et Herzog dit son texte en anglais en voix off (en tout cas dans la version que j’ai vue, dotée en outre de sous-titres en anglais). Des scènes visiblement reconstituées, de trouvailles d’objets ou de retrouvailles avec les locaux, donnent parfois une impression d’artifice. Malgré quoi on est captivé par cette histoire hors du commun. B.

samedi 25 janvier 2025

lectures

(Réédition : texte des trois notes que j'ai lues hier soir à Doeuil)

         Mercredi 18 septembre 2013. Dans l'apparte que je sous-loue, j'ai découvert un petit livre qui a fait ma joie quelques jours, et chaque jour un peu plus à mesure que j'approchais d'en finir la lecture. C'est l'Histoire amoureuse des Gaules, écrite en 1662 par Roger de Rabutin, comte de Bussy, appelé d'ordinaire Bussy-Rabutin. Cet écrivain pas très connu, qui brille par son absence dans le Lagarde et Michard, était un cousin de madame de Sévigné, et un officier. Dans cet ouvrage écrit pour divertir ses ami(e)s, il relate en réalité les histoires de cul et de coeur de quelques personnages de son temps, dont les noms étaient à l'origine travestis, malgré quoi, le manuscrit ayant circulé plus que prévu, et plusieurs intéressés s'en étant plaints, le livre a valu à l'auteur des ennuis sans fin. Les histoires s'enchaînent d'un personnage à l'autre, avec parfois un peu de complication, dont on est dédommagé par les grâces du style. J'ai souri en lisant cette phrase, que l'on n'écrirait aujourd'hui sous aucun prétexte : «Ces diables seraient bien mieux dans leur pays qu'ici» (il s'agit de Normands, page 48 dans l'édition Garnier-Flammarion). Une relation surprenante, racontée sans ostentation ni condamnation, est celle du couple gay, comme on ne disait pas encore, formé par le comte de Guiche et son amant Manicamp, qui «s'aimaient fortement comme s'ils eussent été de différent sexe» (60). Il y a notamment cette scène dramatique où de Guiche, étant parvenu à séduire une dame et se retrouvant dans son lit, se découvre impuissant à la servir. «Il faut se connaître, confie-t-il ensuite à un ami, et savoir à quoi on est propre ; pour moi je vois bien que ce n'est pas mon fait que les dames» (85 sq). Je remarque ces traits appuyés, dans les portraits de deux femmes, ici une «princesse, qui était malpropre et qui sentait mauvais» (106), là au contraire une dame «propre au dernier point, et l'air qu'elle souffle est plus pur que celui qu'elle respire» (158). J'admire un portrait contrasté comme celui-ci, où le positif et le négatif se chamaillent : «Condé avait les yeux vifs, le nez aquilin et serré, les joues creuses et décharnées, la forme du visage longue, la physionomie d'un aigle, les cheveux frisés, les dents mal rangées et malpropres, l'air négligé, et peu de soin de sa personne, la taille belle. Il avait du feu dans l'esprit, mais il ne l'avait pas juste. Il riait beaucoup et fort désagréablement, il avait le génie admirable pour la guerre, et particulièrement pour les batailles. Le jour du combat il était doux aux amis, fier aux ennemis. Il avait une netteté d'esprit, une force de jugement et une facilité sans égale. Il était né fourbe, mais il avait de la foi et de la probité aux grandes occasions. Il était né insolent et sans égard, mais l'adversité lui avait appris à vivre» (107). Je m'amuse de l'usage, qu'ils avaient tous et toutes à l'époque, de posséder une «cassette» où ranger leurs lettres et leurs bijoux (131, par exemple). J'aime des remarques psychologiques comme celle-ci : «Avec tant de feu, il n'est pas étrange que le discernement soit médiocre : ces deux choses étant d'ordinaire incompatibles, la nature ne peut faire de miracle...» (146) ou celle-là : «Celui-ci néanmoins a quelque faux brillant qui peut éblouir d'abord les étourdis, mais qui ne trompe pas les gens qui font des réflexions» (159). Je retiens aussi la vision enchantée de cette fête nocturne donnée dans un bois, où d'aucuns «se promenaient avec leurs maîtresses dans les allées où l'on se touchait sans se voir» (167). J'ai beaucoup aimé lire ce petit livre charmant. J'étais si déçu d'en avoir fini, que j'ai encore lu tout l'appareil critique sans en perdre une miette.

         Vendredi 28 novembre 2008. Il y avait un Victor excellent poète, il y avait aussi un Hugo les Gros-Sabots, c’est ce dernier qui a pondu les cent pages d’emmerdement ridicule que compte Le dernier jour d’un condamné. L’ouvrage est parvenu à moi précédé de sa grosse réputation, c’est donc sans grande surprise que j’en ai pris connaissance (en Folio). Ce petit livre lugubre est non seulement d’un ennui mortel, mais d’une mauvaise foi grotesque. Le protagoniste passe son temps à se lamenter sur son triste sort, sans avoir l’honnêteté d’indiquer clairement ce pour quoi il a été jugé, sans exprimer non plus un seul regret vis-à-vis de la personne qu’il a vraisemblablement estourbie. Avec une impudeur de cochon, il essaie de nous avoir aux sentiments, nous expliquant que sa petite fille va être bien malheureuse de se retrouver orpheline etc. Avec moi ça ne marche pas, je trouve ses raisonnements foireux, j’ai bien l’impression de lire Le dernier jour d’un con tout court, et qui n’éveille nullement ma pitié, pourtant Dieu sait si j’ai bon coeur. Dans une préface de 1832, l’auteur présentait cette bouse comme une «plaidoirie générale et permanente pour tous les accusés présents et à venir», ouvrant en effet la voie à l’humanisme fanatique moderne, dont l’idéal est de prendre systématiquement la défense des criminels, en se souciant fort peu des victimes.

         Vendredi 8 avril 2016. Autant qu’il m’en souvienne, je n’avais jamais connu que de titre l’histoire de La belle au bois dormant. Je l’ai découverte l’autre jour dans la version des frères Grimm, qui tient sur deux pages et demie. Je dois avoir exactement l’âge mental qui convient, car vraiment je poussais des oh et des ah en lisant ce conte sublime, où tout me ravissait : la malédiction contredite, les interventions féeriques, la dormition des personnages, les buissons qui s’écartent et se referment au passage du jeune chevalier, le happy end… Là-dessus mon garde du corps, à qui je faisais part de ma vive émotion, m’a lu la version de Perrault, quelque peu différente et plus longue, qui était en sa possession. C’était un bon moment. En y réfléchissant, je me dis que j’aurais sans doute aimé le métier de prince charmant. Si c’était à refaire…

vendredi 24 janvier 2025

lecture


Ce soir je participerai aux Nuits de la lecture, sur le thème du patrimoine, au Moulin à Café de Doeuil sur le Mignon. J’y lirai trois notes de lecture extraites de mon journal, sur des livres du passé (l’Histoire amoureuse des Gaules, Le dernier jour d’un condamné, et La Belle au bois dormant).

jeudi 23 janvier 2025

mercredi 22 janvier 2025

anonymat

    En ce début d’année j’ai pris un petit moment pour passer en revue les quelques commentaires déplaisants que j’ai refusé de publier sur mon blog. Je ne parle pas des critiques intelligentes, mais des petits aboiements rageurs m’accusant d’être un gros vilain bête et méchant. Je pourrais aussi bien les faire disparaître de la mémoire interne mais pour l’instant je les conserve, afin de méditer dessus à l’occasion. A vrai dire ils ne sont pas nombreux, en tout sept pour les deux dernières années, soit pas même un par trimestre, je ne suis pas harcelé. Il est vrai que mon lectorat général n’est pas immense. La fréquentation quotidienne moyenne de mon journal est certes passée de la douzaine de lecteurs à la centaine, mais cela reste assez confidentiel. Si j’ai la chance de vivre deux cents ans, je finirai peut-être par avoir une audience potable. Pour en revenir à ces commentaires malveillants, j’ai remarqué qu’ils étaient tous anonymes, signés Inconnu. Soit que leurs auteurs n’aient su se débrouiller avec la procédure de communication, ce qui hélas est aussi le cas de bien des commentateurs bienveillants, soit qu’ils aient jugé que l’anonymat était une planque plus confortable, d’où lancer leur venin. Sur cette question de l’anonymat en ligne, je lisais l’autre jour chez Quillette ce paragraphe du politologue Richard Hanania, je traduis : «Les gens croient que l’anonymat enrichit la discussion en avançant des arguments impopulaires qui sans cela seraient ignorés. C’est parfois le cas, mais le plus souvent l’anonymat entraine les individus à être beaucoup plus extrêmes et discourtois qu’ils ne le seraient autrement, et il finit par empoisonner la discussion.» Ce n’est pas mal vu. Encore faudrait-il distinguer entre anonymat et pseudonymat, mais nous en reparlerons une autre fois. 

(RH dans le texte : «People imagine anonymous personalities enriching the discourse by putting forth unpopular arguments that would otherwise be ignored. Although that sometimes happens, the vast majority of the time, being anonymous gives individuals a license to be much more extreme and uncivil than they would otherwise be, ultimately poisoning the discourse.»)

mardi 21 janvier 2025

Dac

    L’humour de Pierre Dac ne m’avait déjà pas fait grande impression la fois où j’ai feuilleté un recueil de L’os à moelle. Je viens de refaire une tentative avec un volume d’Essais, maximes et conférences trouvé en boite (France Loisirs, 1978) mais rien n’y fait. Cette frénésie de jeux de mots à la Comment vas-tuyau de poêle, Et toile à matelas, me laisse froid.

dimanche 19 janvier 2025

volcans

Je n’avais pas vu de film depuis près d’un an et le hasard d’une indication sur le net a attiré mon attention hier sur un documentaire de Werner Herzog sorti en 2022, Au cœur des volcans : Requiem pour Katia et Maurice Krafft. Je l’ai regardé sur YouTube en version anglaise (The fire within, qui semble être la version originale) avec sous-titres en anglais. Le film est un hommage au célèbre couple de volcanologues alsaciens, elle chimiste et lui géologue, qui s’étaient mariés jeunes et ne s’étaient plus quittés. Ils ont passé leur vie à courir les volcans du monde jusqu’à leur mort ensemble sous les cendres d’une éruption au Japon en 1991, âgés elle de quarante-neuf ans et lui de quarante-cinq. Le texte écrit par Herzog et lu par lui-même en voix off tout au long de ces quatre-vingt minutes avec son accent trainant est une merveille d’exactitude et de sobriété. L’auteur écrit sans effet de manche, en choisissant ses termes, rapportant simplement des faits, avec ici et là une brève remarque subjective. Il explique comment les jeunes savants ont peu à peu délaissé l’activité proprement scientifique pour devenir elle preneuse de son et photographe, lui caméraman, produisant à eux deux une énorme masse de photos et de films, d’une grande qualité non seulement documentaire mais esthétique. Les images du film sont pour la plupart extraites de ce gisement iconographique. Herzog les a choisies avec sa vista infaillible, s’effaçant humblement devant les réalisations du couple, comme il avait fait avec les vidéos du protagoniste de Grizzly man. De fait les prises de vue des Krafft saisissent des scènes éblouissantes de chaos magmatique, des paysages semblant irréels, des séquences dramatiques, parfois intimistes. Je n'ai pas vu de crédit détaillé pour l'accompagnement musical, puisé à différentes sources dont d'excellentes, comme le requiem de Fauré, parfois des chansonnettes plus discutables. Mais ce chef d’œuvre mérite indubitablement la note A. 

Voir le film ici.

samedi 18 janvier 2025

Alejandro

    Décidément cela devient une habitude, j'ai encore rêvé une phrase en espagnol. Cette fois-ci : Alejandro ha dibujado corazones (Alexandre a dessiné des coeurs).

vendredi 17 janvier 2025

Lynch

(Réédition) Voici mes notes sur les sept films de David Lynch que j'ai vus, extraites de mon ouvrage Le cinéma de A à E

Eraserhead (1976). Magistral, magique. A.

Dune (1984). Je n’ai pas réussi à m’intéresser à ce film bien fait, mais fait plutôt pour les adolescents, je pense. Je me suis demandé par moments combien de fois la réalisation de tels décors avait coûté plus cher, qu’il ne me faudrait pour rénover correctement ma maison à La Croix. J’ai fini par couper avant la fin, parce que je m’ennuyais. C.

 

Blue velvet (1986). Habile mais nébuleux. C.

 

Sailor & Lula (1990). Le film est alourdi de séquences musicales et sexuelles dont la narration aurait pu se passer, mais cela reste divertissant. C.

 

Lost highway (1997). Nébuleux mais habile. C.

 

Une histoire vraie (The Straight story, 1999). Un vieil homme fâché avec son frère, qui vit à la campagne à plusieurs centaines de kilomètres, apprend que celui-ci vient d’avoir une attaque et que sa vie est menacée. Il décide d’aller le voir pour se réconcilier avec lui, mais comme il ne peut plus conduire de voiture, il a l’idée de faire le trajet en tracteur-tondeuse, avec une remorque pour transporter les bagages et s’abriter. Le film raconte ce drôle de voyage, avec les rencontres que fait le protagoniste et ses rapports téléphoniques avec sa fille simple d’esprit restée garder la maison. Je n’ai pas trop aimé le sentimentalisme de certaines scènes, ni le moralisme du vieux sage qui fait volontiers la leçon, mais c’est sans conteste une belle histoire. B.

 

Mulholland Drive (2001). J'ai trouvé l'histoire assez prenante, jusqu'au moment où j'ai commencé à ne plus rien y comprendre, et je n'ai aucun goût pour les histoires incompréhensibles. Je suis toujours étonné par l'optimisme des auteurs d'histoires incompréhensibles, qui pensent que l'on va s'échiner à leur trouver un sens. Leur espoir n'est d'ailleurs pas vain, car beaucoup s'y échinent, en effet. Moi pas. Je lis dans Wiki cette autre marque de l'optimisme de Lynch, qui veut lutter contre la violence dans les collèges des banlieues françaises, en proposant aux élèves de pratiquer la méditation transcendantale. Personnellement, je n'en attendrais pas des miracles. D.

jeudi 16 janvier 2025

mains

JEU DE MAINS

Main armée

Main baladeuse

Main basse

Main courante

Main droite

Main ferme

Main gauche

Main invisible

Main italienne

Mains jointes

Main levée

Mainmise

Main morte

Main noire

Main d’oeuvre

Main ouverte

Main propre

Mains sales

Main tendue

Main verte

mercredi 15 janvier 2025

Mauriac

    Après avoir commenté le mois dernier le bon petit livre de Lucienne Sinzelle, songeant que je n’ai jamais rien lu de François Mauriac si ce n’est quelques pages de ses mémoires, j’attendais que les boites à livres me donnent l’occasion de lire au moins un de ses romans. Le premier à se présenter n’était pas des plus connus : c’était Le fleuve de feu, d’abord paru chez Grasset en 1923, dont j’ai trouvé une charmante petite réédition de 1951 dans la Collection Pourpre. C’est l’histoire d’un séducteur qui s’éprend d’une jeune femme sage. Il la croit d’abord vierge puis comprend qu’elle est en fait fille-mère, statut alors honteux mais aujourd’hui banal. Ils se tournent autour un moment, finissent par coucher ensemble une nuit, puis s’éloignent mais ne s’oublient pas. Bientôt le donjuan veut repartir à l’assaut de la donzelle, mais elle se consacre maintenant à la religion. Désarmé par cette pureté d’âme, le galant renonce. Je dois avouer que cette fable démodée ne m’a pas passionné, j’ai dû me forcer pour aller au bout. Deux notes de détail, cependant. J’ai bien aimé cette évocation réaliste de souvenirs de la guerre : «Et voici qu’elle se rappelait ... les colères, les paniques de son père, en ce temps-là, parce que les services de l’arrière avaient envahi sa maison et que les soldats dévissaient les boutons de porte, obstruaient les fosses d’aisance, chapardaient la volaille et les fruits...» (p 130). Et j’ai remarqué cette formule, «dans les grottes des cinémas» (p 132) qui me rappelle l’allégorie Salle de cinéma = Caverne de Platon, prisée de certains.

mardi 14 janvier 2025

Mayotte

    Le mois dernier la médiaterie réunie nous annonçait qu’un ouragan dévastant Mayotte y avait fait des centaines, voire des milliers de morts. Un mois plus tard, le bilan s’établit aux alentours de 39 victimes. La même corporation se mêle de pratiquer quotidiennement le «fact-checking» afin soi-disant de démêler le vrai du faux. Et s’étonne que de plus en plus de gens aillent chercher les nouvelles ailleurs que dans ses colonnes.

lundi 13 janvier 2025

much-o

    Je viens seulement de remarquer ce point de ressemblance inattendu entre deux langues par ailleurs si différentes, le mot pour "beaucoup" en anglais : much, et en espagnol : mucho. Les deux viennent du latin multu, qui donnait en français moult, dont on ne se sert plus guère. (En italien : molto, en portugais : muito, etc).

dimanche 12 janvier 2025

élevage

    Quel amour pour leurs bêtes ressentent au juste ces nouveaux éleveurs, qui certes veillent à leur assurer de bonnes conditions de vie, mais les promettent quand même à la boucherie...

samedi 11 janvier 2025

aforismos

    J’ai terminé ma campagne de prospection dans le domaine des aphorismes ibériques et ibéro-américains en prenant connaissance du copieux volume (575 pages) de Disparos al aire (coups de feu en l’air), sous-titré Antología del aforismo en Hispanoamérica (Gijón : Ediciones Trea, 2022). Le livre est composé d’une longue et savante introduction de l’organisateur Hiram Barrios, suivie d’une anthologie de 65 auteurs du XIXe siècle à nos jours. Ils sont présentés dans l’ordre chronologique de leur année de naissance, allant de 1800 à 1991. On donne pour chacun une brève notice et un choix d’une quinzaine d’aphorismes, parfois un peu plus. J’ai retrouvé parmi eux quelques écrivains que j’ai déjà étudiés et dont j’ai traduit en français un choix de pensées : Carlos Vaz Ferreira (Lettre documentaire 429), Franz Tamayo (Ld 508), Baldomero Fernández Moreno (plusieurs Ld et le livre Le papillon et la poutre), Mariana Frenk (Ld 524) et Nicolás Gómez Dávila (Ld 332, 359, et mes Studia daviliana). Des autres, je reproduirai ci-dessous les quelques phrases qui m’ont paru les plus notables (avec entre parenthèses la traduction que je peux en donner). De l’historien mexicain Francisco Sosa (1848-1925) : El que desee vivir en paz con la sociedad debe forzosamente optar por uno de estos medios : callar o mentir (Qui veut vivre en paix avec la société doit forcément choisir une de ces options : se taire ou mentir). Du journaliste hispano-paraguayen Rafael Barrett, mort à Arcachon en 1910 : Es curioso : no conocía a ciertas personas a quienes saludaba. Ahora que las conozco, no las saludo (C’est bizarre : je ne connaissais pas certaines des personnes que je saluais, mais maintenant que je les connais, je ne les salue plus). Du professeur mexicain Julio Torri (1889-1970), ce trait : El gozo irresistible de perderse, de no ser conocido, de huir (Le plaisir irrésistible de se perdre, de n’être pas connu, de fuir). Du musicien helvéto-mexicain Sergio Golwarz (1906-1974) : El hombre siempre está dispuesto a admirar lo que no entiende (L’homme est toujours disposé à admirer ce qu’il ne comprend pas) et du même : El verdadero héroe de algunas obras literarias es el lector que las aguanta (Le véritable héros de certaines œuvres littéraires est le lecteur qui les supporte). De Gómez Dávila (1914-1994) cette scolie, que j’avais oubliée : Envejecer con dignidad es tarea de todo instante (Vieillir avec dignité est une tâche de chaque instant). De l’humoriste péruvien Sofocleto (1926-2004) : Me parece una crueldad que la gente se ría de los payasos (Il me paraît cruel que les gens rient des clows). Enfin du dessinateur argentin Roberto Fontanarrosa (1944-2007) : La Juventud es una enfermedad que se cura con el tiempo. La Vejez, en cambio, es incurable (La jeunesse est une maladie qui se soigne avec le temps. La vieillesse, par contre, est incurable.) et du même : Hasta el más tierno de los insectos merece ser aplastado (Même le plus doux des insectes mérite d’être écrasé). Parmi les auteurs que je découvrais, je mets à part le cas du poète vénézuélien José Antonio Ramos Sucre, à qui est emprunté le titre de cette anthologie (il avait écrit dans une lettre de janvier 1930 ... Los aforismos son disparos al aire). Je lui consacrerai prochainement une Lettre documentaire (PS : Cf Ld 525, du 15 février 2025).

vendredi 10 janvier 2025

Californie

    Parmi les titres du Figaro, avant-hier, cet alexandrin de hasard, traduisant le désarroi d’un habitant de Los Angeles : «Je sais qu’à tout moment, ma maison peut brûler». Je dois avouer que s’il me restait encore des velléités d’émigrer vers ce pays attirant, le climat des USA m’en dissuaderait : entre les incendies qui ravagent en ce moment la Californie, les tempêtes de neige qui viennent de s’abattre sur le Centre et le Nord du pays, et les ouragans qui ravageaient naguère le Sud-Est, au secours...

jeudi 9 janvier 2025

saillie

    Parmi les célèbres saillies de Jean-Marie Le Pen, que l’on nous repasse en boucle depuis sa mort, la moins controversée devrait être son avis sur le refus de Jacques Chirac de débattre avec lui, refus qu’il qualifiait de «pitoyable dégonflade». Qu’en dire d’autre, en effet...

mercredi 8 janvier 2025

Le Pen

(Réédition) Journal documentaire, Mardi 22 septembre 2020. Longtemps j'ai hésité à m'attaquer au pavé de quatre cents pages qu'est le premier volume des Mémoires de Jean-Marie Le Pen, Fils de la nation, paru il y a deux ans, et finalement je l'ai lu beaucoup plus vite que je n'aurais cru, en quelques jours, car il s'est avéré être un véritable page-turner qui maintient sans cesse l'attention, même sur des sujets qui ne me passionnent pas, comme les guerres d'Indochine et d'Algérie. Publié l'année des 90 ans de l'auteur né en 1928, c'est le livre où un homme qui a beaucoup vécu dresse le bilan de son existence. Il dit en avoir entrepris la rédaction en 2016, mais en se servant de notes accumulées au fil du temps depuis des décennies. Ce premier volume couvre la moitié de sa vie, jusqu'au début des années 70, avant la création du Front National. Les passages qui m'ont le plus touché sont peut-être les souvenirs de son enfance de fils unique et bientôt orphelin dans le milieu rude et pauvre des pêcheurs bretons. Il y a des pages saisissantes sur la mort de son père, consécutive à l'explosion de son bateau de pêche en pleine mer à cause d'une mine remontée dans les filets (il ne meurt pas immédiatement mais finit par se noyer, épuisé après avoir passé toute la nuit agrippé à un morceau d'épave). Le livre est écrit dans un français de bonne tenue, sans affectation, avec de temps en temps un imparfait du subjonctif bien placé mais sans en abuser, et sans se refuser ici et là le recours aux tournures popu (la dèche, le buzz, les bagnoles, pas top, etc). Le Pen a parfois des réflexions méchantes («Le communisme permettait aux médiocres, aux fainéants, aux poivrots de penser que leurs échecs étaient dus non à leurs défauts mais à la société capitaliste») mais le ton dans l'ensemble est assez serein, par moments même enjoué (voir par exemple la très drôle affaire du duel du marquis de Cuevas avec le danseur Serge Lifar). L'auteur peut avoir des mouvements de modestie («Je ne prétends pas avoir toujours raison»), reconnaissant à l'occasion s'être fait des illusions («Quitter l'Algérie était sans doute inéluctable ...») ou admettant n'avoir pas été un père parfait («Nous étions plus mari et femme que parents, je l'avoue ...»). En tout cas il sait raconter sans ennuyer.

... Jeudi 28 janvier 2021. Je reviens sur ces deux passages, notés à l'automne dernier en lisant le premier volume des Mémoires de Jean-Marie Le Pen. Ce sont des remarques marginales, faites en passant sur un sujet qui n'a rien de central dans le livre. La première à la page 30 : «... si dur qu'ait été le métier de mineur, celui de marin pêcheur l'était plus encore : le mineur, ses quarante heures finies, fussent-elles infernales, avait droit à deux jours de repos, une vie familiale, des amis, des loisirs. Le marin ne connaissait ni jour, ni nuit, ni dimanche, ni jours fériés. Il se trouvait privé sa vie durant de tout ce qui constitue le pauvre bonheur des hommes, caresser sa femme et ses enfants, jouer aux cartes avec les amis, ou flâner sur le quai. Il n'avait droit à cela que deux jours par quinzaine. Quand il rentrait le corps encore balancé par le roulis, il arrivait à la maison comme un étranger qui salit le carrelage. Les femmes vouées à la solitude et dotées de l'autorité familiale s'y habituaient.» La seconde à la page 87 : «Les femmes, chez nous à l'époque, se mariaient pour ne pas travailler, pour s'établir, fonder une famille. L'épouse avait une importance déterminante, c'était elle, à bien des égards, le vrai chef de famille, la patronne. Une année de crise, quand le poisson ne se vendait pas bien, Maman avait dû faire des ménages. Elle en avait honte.» Ces fragments me paraissent intéressants non seulement pour la qualité du style, mais aussi pour la justesse de l'observation. (J'avais aussi noté des remarques similaires chez Charles Juliet, voir au 7 VIII 20, et dans mon propre journal au 5 VII 17). Il me semble qu'une discussion sérieuse, si un jour les féministes se décident à discuter sérieusement, ne pourra faire l'économie d'une réflexion sur l'écart entre le «pouvoir» masculin apparent ou supposé, et la réalité psychique de l'autorité.

mardi 7 janvier 2025

pie

    L’ouverture de La pie voleuse commence par une mélodie agréable et se termine à la Rossini, dans un tintamarre insupportable.

dimanche 5 janvier 2025

sac

    D’après mes recherches, il est actuellement impossible de se procurer un sac de supermarché qui ne soit couvert d’inscriptions ridicules.