Je rigole un peu en relisant Jean de Léry, plus précisément le chapitre XVII de son Histoire d’un voyage en la terre du Brésil (1578) où il affirme que les Indiennes s’accommodent très bien de la polygamie. Les hommes ont le droit d’épouser plus d’une femme et même «autant qu’il leur plait», ce qui veut plus ou moins dire qu’ils en deviennent propriétaires, et les dames trouvent ça très bien, même si la réciproque est inimaginable. Et, chose «émerveillable», si l’une d’elles est la favorite, «les autres n’en seront point jalouses», ce que j’ai du mal à croire. Quand même, soupçonnant qu’il vient peut-être de lâcher une énorme connerie, l’auteur finit sa phrase en ajoutant «au moins n’en montreront aucun semblant». Mais enfin, entre ne rien laisser paraître et ne rien ressentir, il peut y avoir de la marge. Quelques années plus tard, Montaigne, qui avait des avis sur tout et y compris sur ce à quoi il ne connaissait rien, en rajoute, dans son essai sur les Cannibales : non seulement les Indiennes ignorent la jalousie, mais au contraire des Européennes, qui mettent tout leur zèle à éloigner de leur mari les autres femmes, celles-là mettent tout le leur à les en rapprocher («C’est une beauté remarquable en leurs mariages, que la même jalousie que nos femmes ont pour nous empêcher de l’amitié et bienveillance d’autres femmes, les leurs l’ont tout pareille pour la leur acquérir»). Cela paraît douteux. Pour ma part, les expériences de la vie ne m’ont pas souvent permis de constater une telle libéralité dans la psychologie féminine, ni d’ailleurs dans la masculine. Songeant que la question n’est guère débattue, bien que la polygamie tende maintenant à se répandre dans notre pays sous l’influence de l’immigration africaine, j’ai eu l’idée d’interroger Google au sujet de la jalousie entre co-épouses. Et là, surprise : nos amis humanistes modernes, d’ordinaire si prompts à s’extasier devant les merveilles des cultures différentes, paraissent totalement muets, en tout cas absents de la première page de résultats (je n’ai pas cherché plus loin, ayant un peu autre chose à faire). La quasi-totalité des liens renvoient à des sites religieux musulmans, qui ne voient aucune muflerie dans la coutume polygame, l’incluant au contraire dans les «bonnes moeurs» et donnant des conseils pour résoudre les conflits qu’elle crée. Il y a quand même une paire d’articles de psycho-sociologues, l’un d’eux notant que la famille recomposée monopolise l’attention au détriment de la polygynie. C’est bien dommage...
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