samedi 2 août 2025

baleines

Lettre documentaire n° 530

DES BALEINES, par Gabriel Soares de Sousa 

(Chapitre II-125 de sa Notícia ou Tratado descritivo do Brasil, 1587)

    Je crois qu’il convient dans ce premier chapitre (1) de parler des baleines qui viennent dans la Baie (2). Ce sont les plus grands poissons de cette mer et les Indiens les nomment pirapuã (3). Il en entre beaucoup dans la Baie au mois de mai, qui est le premier de l’hiver dans cette région, et elles y séjournent jusqu’à la fin décembre, quand elles s’en vont. Pendant la saison d’hiver, qui dure jusqu’au mois d’août, les femelles mettent bas dans cette baie, à l’abri des tempêtes de la haute mer. Elles gardent là leurs petits trois ou quatre mois, jusqu’à ce qu’ils soient en mesure de suivre leur mère au large. A cette époque les femelles recommencent à frayer, ce à quoi elles oeuvrent en grand tumulte. Quand les baleines sont dans la Baie, le poisson fuit vers les hauts-fonds ou les cavités, où elles ne peuvent les suivre, et parfois en les poursuivant elles viennent à s’échouer, comme il est arrivé dans le fleuve de Pirajá (4) en l’an 1580, où deux se sont échouées, un mâle et une femelle, que tout le monde a pu voir. J’ai fait mesurer la femelle, qui était entière. Elle était longue de soixante-treize empans (5) de la queue à la tête, et haute de dix-sept (6), sans compter la partie enfoncée dans la vase où elle reposait. Le mâle était sans comparaison plus grand mais on n’a pu le mesurer, car il avait déjà été équarri et sa chair emportée pour en tirer l’huile. La femelle avait la gueule si grande que j’ai vu un nègre installé entre les deux mâchoires, tranchant dans la lèvre du bas avec une hache qu’il tenait à deux mains, sans toucher celle du haut. Le bord de la lèvre était aussi gros qu’un tonneau de six almudes (7), et la lèvre du bas était en saillie par rapport à celle du haut, au point que ... (8). Cette baleine était grosse et on en a extrait un baleineau grand comme une barque de trente empans (9) de quille. On a tiré de ces deux baleines tant d’huile, que la contrée en a été gavée pendant deux ans. Quand les baleines sont dans la Baie, elles vont par troupes de dix ou douze et sont très redoutées de ceux qui naviguent, car elles se déplacent en rugissant et en bondissant, lançant de l’eau très haut en l’air. Et il est déjà arrivé qu’elles mettent des bateaux en pièces d’un coup de queue, entrainant la mort de leurs occupants.

Notes. 
1. Le premier des chapitres qu’il consacre aux «poissons». 
2. La Baie de Tous les Saints, Bahia. 
3. Pirapuã : du tupi pira = poisson et puã = dressé. 
4. Pirajá (= plein de poissons) est aujourd’hui encore le nom d’un quartier de Salvador, non loin de la crique d’Itapagipe. 
5. 73 empans de 22 cm, soit environ 16 mètres. L’espèce la plus commune sur les côtes brésiliennes, la baleine à bosse (Megaptera novaeangliae ou M nodosa) peut mesurer jusqu’à 18 mètres, mais contrairement à ce qui est suggéré plus bas, les mâles sont en moyenne plus petits que les femelles. 
6. Soit environ 3,75 mètres. 
7. L’almude peut valoir entre 16 et 32 litres, soit un tonneau d’entre 100 et 200 litres. 
8. Passage obscur (tanto que se podia arrumar de cada banda dele um quarto de meação). Le champagne à qui m’explique ce quarto de meação. 
9. Soit environ six mètres et demi.

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