L’Hécatombe de Jean-Pierre Voyer est restée des années sur ma wish-list et maintenant que l’on a eu la charité de m’en procurer un exemplaire, je dois avouer qu’elle m’a déçu. Voyer était un polémiste post-situ dont j’ai feuilleté jadis les essais sur la publicité et sur la misère, qui me semblaient parfaitement illisibles, mais j’ai bien aimé et je possède encore l’aide-mémoire sur L’internationale situationniste, avec chronologie et index, qu’il avait composé avec un certain Jean-Jacques Raspaud (le co-auteur paraît avoir totalement disparu de la circulation). Ces livres avaient été publiés dans les années 70 par Champ Libre, la maison d’édition de Gérard Lebovici, avant que Voyer ne se brouille à mort avec l’éditeur et son gourou adoré Guy Debord, le grand chef situationniste. Hécatombe (Editions La Nuit, Paris, 1991) est un copieux recueil de lettres de la décennie 78-88, rédigées par Voyer, volontiers injurieux, ou reçues par lui. Les lettres d’insultes n’ont pas besoin d’être justes pour être drôles, le problème avec celles-ci est qu’elles ne sont en général ni l’un ni l’autre, je m’attendais à mieux et je n’ai pas eu la patience de les lire toutes. La première partie du livre est particulièrement imbuvable, avec les passages théoriques obsessionnels où l’auteur se sent obligé de citer le nom de Marx toutes les trois lignes. On sourit quelquefois de sa méchanceté envers Lebovici, après que celui-ci a été assassiné par des inconnus en 1984 : «Chaque jour je crache sur la tombe de l’ordure et cela me remplit d’allégresse...» (p 115) ou encore «Cela fait un an qu’un audacieux inconnu me rendit ... un service de type définitif...» (121). On s’étonne de cette déclaration p 117 : «... j’emmerde tout ce qui se dit révolutionnaire», de la part d’un marxiste fou furieux. Peut-être était-il désabusé, comme il semble un peu plus loin : «Toujours ces fameux ouvriers si chers aux gens qui ne savent même pas planter un clou...» (129). Ces quelques saillies amusantes sont un maigre butin, tiré d’un pavé de 350 pages. Toute la fin de l’ouvrage est d’un ennui constant, mêlé d’invectives antisémites qui ne relèvent pas le niveau de l’ensemble.
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