lundi 13 novembre 2023

Bazooka

En me renseignant sur les artistes du collectif Bazooka, ces derniers temps, j’ai remarqué que Wikipédia avait une notice sur la plupart d’entre eux mais pas sur Loulou Picasso, et j’ai comblé cette lacune en esquissant ainsi ma vingt-et-unième notice dans cette encyclopédie. J’ai lu à leur propos quelques articles et emprunté trois livres : un très bon (Bazooka Un regard moderne, collectif dirigé par Jean Seisser, Seuil, 2005, avec pas mal d’infos et de belles reproductions en grand format), un médiocre (Bazooka, collectif préfacé par Marc Zermati, Editions Pyramid, 2006, avec des repros souvent trop petites et des légendes microscopiques illisibles), enfin une œuvre conjointe de Kiki et Loulou Picasso (Engin explosif improvisé, L’Association (ce nom !), 2009). La «horde Bazooka» (mot de D Mallerin) fut active dans la seconde moitié des années 70, qui fut l’époque de mes vingt ans et de la musique punk, dont Bazooka fut en quelque sorte un pendant graphique. Bizarrement je n’ai jamais aimé le punk, trop bruyant-brouillon-braillard à mon goût, mais j’ai certainement subi l’influence graphique des bazooqueurs, mes collages des années 80 en portent la marque. Bizarrement aussi je crois avoir subi cette influence confusément, par échos d’ambiance, par ondes suggestives, sans avoir contemplé ou examiné les œuvres attentivement, me semble-t-il, et jusqu’à récemment j’aurais été incapable de distinguer les styles individuels de cette demi-douzaine d’artistes. J’ai possédé un temps la série peut-être complète du tabloïd Un regard moderne, que m’avait léguée Jean-René, je l’ai à mon tour donnée ou vendue à vil prix depuis longtemps, à je ne sais plus qui. Les deux meilleurs artistes du groupe, les deux maitres à vrai dire, sont les deux surnommés Picasso, Kiki et Loulou. Parmi les autres, ma préférence va au graphisme émietté de Ti5 Dur. Kiki était sans doute le leader, la personnalité la plus énergique, la forte tête. Lui seul semble avoir poussé la provocation jusqu’à tenir des propos anti-gauchistes, ce qui est une hérésie («Ils me faisaient chier avec leurs discours gauchistes ... Mort aux peintres cocos», d’après Seisser, 2005). Est-ce lui qui a poussé le bouchon du «réactivisme» un peu trop loin en se prononçant «pour un retour du fascisme, de l'antisémitisme, de la violence» ? ce qui n’était pas bien malin. Il paraît qu’il s’est fait rosser par Pierre Goldman, le genre de finaud qui luttait contre la haine à grands coups de poing dans la gueule. Que pensaient alors, que pensent maintenant ces gens ? Je ne sais. Le tardif Engin explosif de Kiki et Loulou (2009, mais contenant des choses plus anciennes), que j’ai la flemme de lire, m’a l’air assez lourdement socialistoïde (j’y relève cet alexandrin sinistre : «Les clients de Chanel méritent tous la mort»). Je veux croire que ces deux ont maintenant dépassé l'âge idéologique. Dans le fond peu importe. Les belles formes qu'ils ont créées dureront plus longtemps que les slogans...

Ci-dessus : peinture de la série Hexadezimalsystem, par L Picasso, Arts Factory, 2022.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire