Le blog littéraire et agricole de Philippe Billé. Des notes de lecture, et des notes du reste.
mardi 9 décembre 2025
Saint-Félix
On m’a prêté le livre d’un certain Gérard Ipoustégui-Gaillard, Cent ans de galarne : La vie à Saint-Félix, village de Saintonge, de 1871 à nos jours. Galarne est la prononciation locale de galerne, nom d’un fort vent de nord-ouest, humide et froid. Dans cet ouvrage auto-édité en l’an 2000, l’auteur, maintenant disparu, brosse en un vaste tableau l’histoire de sa famille et celle de la commune de Saint-Félix, située à une petite dizaine de kilomètres à l’ouest de chez moi, sur la route de Surgères. J’avais déjà entendu, lors d’une séance publique, lire une page de ce livre (p 218-219) où le mémorialiste raconte comment, enfant, il prenait le train en famille à Paris et, après avoir je suppose changé à Niort, descendait dans la petite gare de Vergné, commune contiguë à la mienne. Toute la famille faisait alors à pied, valises en main, les sept kilomètres la séparant encore de Saint-Félix. J’aime bien ce genre de non-fiction autobiographique, truffée de souvenirs, d’anecdotes, d’histoires secondaires, et je l’ai parcourue avec plaisir, en m’arrêtant ici et là sur les pages qui m’accrochaient. L’auteur insère parfois dans son texte des témoignages d’autres personnes, comme p 67-71 le récit du prisonnier de guerre Ernest Cosset, qui fut trimballé loin dans l’est et le nord de l’Europe avant de rentrer chez lui en 1919. J’ai lu surtout des notes concernant la deuxième Guerre mondiale. Il y a ce malentendu amusant, p 102, quand en 1940 une habitante s’étonne que les Allemands soient déjà là, alors qu’elle avait cru entendre dire la veille qu’ils étaient à Marseille, mais c’était en fait à Marsais, village voisin. (L’histoire m’a amusé d’autant plus que le même quiproquo s’est produit naguère après une soirée de lectures au café de Doeuil, quand il fut dit que certaine jeune femme, repartie sans tarder, était venue de Marseille pour assister à la séance, et cela semblait bien loin, mais c’était en réalité Marsais). Je retrouve p 137 l’histoire du bombardier américain qui avait fait un atterrissage forcé dans les champs au nord de la Croix-Comtesse (voir ce journal au 2 juin 2024). Il y a p 150 sq d’intéressantes remarques sur l’anarchie régnant dans le pays au moment de la Libération, quand la distinction était parfois floue entre Résistance et pur brigandage. Il y a notamment p 154 l’allusion rapide à l’exécution d’un collabo, coupable d’avoir dénoncé des réfractaires au STO, à qui ses bourreaux, dans un élan de zèle antifasciste, ont crevé les yeux, avant de le flinguer (on aimerait connaitre les noms de ces justiciers). Il y a des anecdotes plus légères, comme p 176 celle du prisonnier revenant chez lui en compagnie de sa future épouse, une Polonaise qu’il a connue dans les camps. Et quelques allusions (p 187 et autres) à la formidable épicerie-capharnaüm anachronique, située à l’angle d’une rue et de la grand route, où je suis allé quelquefois jadis, maintenant disparue. Je citerai enfin la belle évocation (p 219) d’un de mes cris d’oiseau préférés, celui du hibou petit-duc, lequel «vers les 22 heures … commence, à l’abri des branches de l’immense tilleul, ses sifflets brefs et clairs, répétés indéfiniment…»
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