lundi 8 février 2021

kessel makhno

J'ai lu en partie Les coeurs purs, un recueil de trois textes de Joseph Kessel consacrés à trois personnages (Gallimard 1927, réédition 1950). A ce que l'auteur en dit dans l'avant-propos, il semble qu'un exalté, noble ou vil, lui parait digne d'intérêt, voire d'admiration, simplement parce que c'est un exalté. Ce genre de principe ne m'inspire pas beaucoup, mais j'étais curieux de découvrir le livre. Le premier récit, Mary de Cork, portant sur les nationalistes irlandais déchirés entre radicaux et modérés, m'a hélas paru si lugubre que je l'ai abandonné au bout de quelques pages. Le deuxième, Makhno et sa juive, m'attirait par son titre alléchant, mais il m'a aussi laissé sur ma faim. Nestor Makhno était un curieux chef de bande armée anarchiste, qui a joui d'un certain pouvoir en Ukraine pendant les quelques années de guerre civile consécutives à la révolution russe, années au cours desquelles il a combattu aussi bien les Blancs que les Rouges, avant d'être réduit à l'exil. Le début du récit agace, car Kessel n'en finit pas d'annoncer à grands roulements de tambour, qu'il va nous faire des révélations fracassantes. Or au bout du compte il décrit sans plus deux trois atrocités, qui certes rendent bien l'ambiance d'affolement révolutionnaire. Quant à l'histoire de la juive, c'est à dormir debout. L'ogre Makhno, terrible brute sanguinaire et qui plus est antisémite, a soudain le crush pour une petite juive de hasard, comme par enchantement, et il l'épouse quasiment de but en blanc. On en reste perplexe. J'apprends par la suite en me renseignant dans Wiki, que l'accusation d'antisémitisme qui a accablé Makhno avait précisément, parmi ses sources principales, cette nouvelle de Kessel. En effet d'après celui-ci le rebelle ne se contente pas de fusiller «les officiers, les commissaires, les bourgeois, les spéculateurs, les avocats» et tous ceux dont la tête ne lui revient pas, dans les villes qu'il met à sac, mais en outre : «Makhno n'aimait pas les juifs. Si tuer des orthodoxes lui était un simple plaisir, massacrer les juifs lui apparaissait comme un véritable devoir. Il l'accomplissait avec zèle.» Joseph n'y va pas avec le dos de la cuiller. Je ne sais ce qu'il en est, je n'y étais pas, mais si cette accusation, qui a été démentie par l'intéressé et par des partisans juifs, est une calomnie, le procédé est vraiment putassier. Enfin je n'ai pas lu le troisième texte.

1 commentaire:

  1. DS m'a fait passer ce commentaire :
    "Peu après la sortie du Folio, Hélène Chatelain l'achète et reste stupéfaite. D'ascendance russe, elle est l'auteure d'un film de six heures sur le goulag et d'un autre sur les traces d'un homme qu'elle a recherché en Ukraine : un certain Makhno. Jean-Louis Paul, fondateur des Editions Ressouvenances et éditeur d'un livre signé Makhno, scandalisé, parle à propos de Kessel de «calomnie». C'est que l'histoire du véritable Makhno, grande figure de l'histoire ukrainienne des années 20, est loin du portrait du bandit sanguinaire antisémite qu'en dresse l'auteur des Cavaliers. Or le Folio n'en dit rien." → https://www.liberation.fr/grand-angle/2003/12/25/sur-les-traces-de-makhno-l-egorgeur_456436/

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