jeudi 19 décembre 2024

Sattouf

Deux ans après sa parution, j’ai enfin pu lire le sixième et dernier volume de L’arabe du futur, qui m’a beaucoup plu, comme les précédents. Celui-ci porte sur les années 1994-2011, soit pour l’auteur Riad Sattouf la fin de son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Il raconte ses relations avec sa mère angoissée, son frère cadet et ses grands-parents, ses communications intermittentes avec son autre frère enlevé par leur père en Syrie, ses difficultés psychologiques, ses études et sa formation, ses contacts et son lancement dans la carrière de dessinateur professionnel, l’arrivée d’un succès mérité, etc. Je ne suis toujours pas fan de son style de dessin (et je n’ai toujours pas trouvé, s’il existe, l’adjectif désignant ce style de dessin de comics, aux traits schématiques et disproportionnés) mais lui explique deux fois (p 56 et 120) que c’est un choix personnel, au lieu du dessin réaliste dont il est aussi capable, et dont il donne un exemple en couverture avec le portrait de Bachar el-Assad. Mais enfin ce style présente l’intérêt d’être facile à décoder et propre à traduire efficacement les sentiments des personnages. La force principale de l’ouvrage tient à la qualité du récit : la teneur autobiographique et son effet de réalité, le protagoniste dont les épreuves inspirent la sympathie, le grand talent du conteur qui fait qu’on ne s’ennuie pas un instant. J’y ajouterais le choix judicieux de scènes secondaires, qui auraient pu ne pas figurer dans le récit général, mais sont des témoignages valables sur la vie réelle et contribuent à l’intensité dramatique. Ainsi les agressions verbales et physiques de la part de racailles archétypiques, dont l’auteur est victime sur la voie publique (p 58 et 63) ou les deux épisodes d’extorsion qui se font écho (l’achat forcé de son blouson p 51 et les sacs de patates que les grands-parents se font fourguer par un démarcheur menaçant p 66-67). Sattouf a l’habileté de livrer ces scènes sordides sans les commenter, nous laissant en juger. Il annonce p 139 qu’il commence à songer à cette saga dessinée, mais qu’il n’a pas encore trouvé le bon angle et qu’il lui manque une fin. Entre temps il s’est mis à l’œuvre, et ce dernier volume se clot sur une belle grande image (pleine page), une vue assez réaliste des quais de la Seine à Paris, après un récit de rêve qui fournit en effet une bonne fin.

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